Les débuts, mais quels débuts ?
Sept ans après le centenaire de la mort de Jules Verne, pléthore d’écrits ont été publiés sur cet auteur. Malgré celà, on peut dire que la critique vernienne concernant la première partie de son œuvre, autrement dit celle qui précède la période des Voyages extraordinaires, n’a que peu progressé. Et alors qu’on commence à célébrer le cent cinquantième anniversaire des différents volumes du cycle et que plusieurs romans entrent dans la prestigieuse collection de la Pléiade, il est probable que l’intérêt pour ce « prologue » des Voyages ne va pas s’accroître.
Il paraît d’ailleurs impossible à ce jour d’établir une bibliographie définitive des premières œuvres de Jules Verne, et ceci pour deux raisons.
La première est qu’on ne cesse, depuis une vingtaine d’années, de découvrir des textes inédits de cet auteur, datant de la période créatrice qui précède celle des Voyages extraordinaires. De ce fait, cette période de production juvénile, que l’on peut situer comme partant peut-être de l’année 1845, et s’achevant l’année 1862, apparaît de plus en plus intense et diversifiée ; ce qui ne veut pas dire pour autant qu’elle soit prise au sérieux par les spécialistes. On a parfois l’impression que seuls Maître Zacharius (1853) et Paris au XXe siècle (1860-62) méritent d’être considérées comme des œuvres à part entière, que le reste de la production ne serait qu’esquisses, brouillons, erreurs ou boutades de jeunesse.
La deuxième raison est qu’il est extrêmement difficile de dater ces œuvres autrement qu’en les accompagnant de la formule : « avant les Voyages extraordinaires » [1]. On peut même parler d’un paradoxe vernien. En effet, pour bien des auteurs, on connaît le titre de leur première œuvre et le seul problème qui se pose à leur sujet est la date de leur rédaction ; or, s’agissant de Jules Verne, on peut dire que tout le monde semble s’accorder sur une date (1847), mais qu’en revanche une avalanche de titres sont introduits plus ou moins de force à l’intérieur de ces douze mois, faisant de Jules Verne, au moins pour une année, l’auteur le plus varié et le plus prolifique de toute l’histoire de la littérature [2].
En effet, si on regarde les rares écrits et éditions consacrées à cette période obscure de l’œuvre vernienne (nous nous situons quinze ans avant les Voyages extraordinaires), et si on élimine la légendaire tragédie en vers pour le théâtre de marionnettes Riquiqui de Nantes, dont, comme le remarque fort justement Christian Chelebourg, personne n’a jamais entendu parler, à l’exception de Marguerite Allotte de la Füye [3], nous en arrivons à la situation suivante : près d’une dizaine d’œuvres datées sur la période 1847-1848. Deux drames, Alexandre VI et La Conspiration des Poudres, un essai, Y a-t-il obligation morale pour la France d’intervenir dans les affaires de la Pologne [4], un grand nombre de poésies [5], deux romans inachevés, Jédédias Jamet [6] et Un prêtre en 1839 (ou 1835), deux comédies en un acte, Le Quart d’heure de Rabelais et Don Galor (Ce dernier étant demeuré à l’état de scénario) et un vaudeville en un acte, Une promenade en mer [7]. Même en décidant arbitrairement de ne porter le regard que sur les œuvres dites « de fiction », même en acceptant le raisonnement de la plupart des spécialistes du théâtre vernien qui considèrent que les drames précèdent les vaudevilles et les comédies [8], on constate qu’il y a tout de même quatre œuvres qui peuvent revendiquer l’honneur d’être la première à avoir été écrite par Jules Verne : Alexandre VI, La Conspiration des Poudres, Un prêtre en 1839 et Jédédias Jamet.
Si l’on veut jouer sur les mots, Alexandre VI est forcément la première œuvre de Jules Verne : c’est la seule des quatre précitées à être achevée. Toutefois, les trois autres sont à la fois assez avancées et suffisamment pittoresques pour mériter une étude critique approfondie. Concernant Jédédias Jamet, il me semble permis de douter sérieusement qu’elle datât de 1847, comme j’ai déjà eu l’occasion de le remarquer [9].
Mais attachons-nous aux deux pièces de théâtre en partant du principe que c’est sans doute le genre qui avait à l’origine la préférence de Verne, et grâce auquel il espérait percer. Lequel de ces deux drames fut rédigé le premier ? Comme le rappelle Christian Chelebourg, le manuscrit d’Alexandre VI comporte sur sa page de titre la date du « 8 mai 1847 » et, à la fin de la pièce, la date du « 29 juin 1847 » [9]. Se fiant « aux datations établies par Jean-Jules Verne sur la base de la calligraphie et des supports de ces manuscrits » [11], Chelebourg estime que « La Conspiration des Poudres fut écrite peu après [Alexandre VI], sans doute en 1848 ». En revanche, Christian Robin pense que La Conspiration des Poudres est sûrement « la toute première » des pièces « de Verne que nous possédions ». Il se réfère pour cette hypothèse au fait que
le très jeune écrivain achève ou vient d’achever sa philosophie au collège royal de Nantes, et on comprend dès lors qu’à la faveur d’une correction de la scène 8 de l’acte I, il ajoute le nom d’un philosophe grec ; par ailleurs l’année précédente se produit une éruption du volcan islandais, l’Hekla, dont l’écho se fait sentir par une allusion indirecte dans la scène 9 du 1er acte [12].
On comprendra qu’à ce stade, affirmer que telle œuvre est la première écrite par Jules Verne relève de la pure conjecture, de la simple subjectivité.
A défaut de pouvoir les dater avec précision, on s’intéressera à présent à la valeur littéraire de ces œuvres. Il n’est plus possible de nos jours de dédaigner cette trentaine de titres parmi lesquels se glissent un grand nombre de créations intéressantes et au moins une demi-douzaine de véritables petits bijoux. Les pièces, surtout, plus encore que les nouvelles, ont été trop longtemps dédaignées – pour ne pas dire méprisées – par les chercheurs, à quelques notables exceptions près.
De façon parfaitement subjective, on s’arrêtera donc sur La Conspiration des Poudres, qu’on pourra considérer comme l’une des toutes premières œuvres de Jules Verne, très probablement l’une de ses deux premières pièces de théâtre.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette pièce a fait couler très peu d’encre. D’une façon générale, le théâtre vernien a longtemps été l’affaire de Robert Pourvoyeur, qui fut non seulement pionnier en la matière, mais pratiquement le seul à sembler s’intéresser à la question. Toutefois, ce patient chercheur avait déjà eu fort à faire pour faire admettre l’importance du genre théâtral dans l’œuvre vernienne, y compris à l’intérieur des Voyages. Il n’a guère eu l’occasion de s’intéresser à des pièces en particulier, et les rares fois où il le fit, son choix se porta plutôt vers le théâtre lyrique (avec une nette affection pour Monsieur de Chimpanzé). Aussi, aucun des drames de Verne n’a pu bénéficier d’un écrit de ce grand spécialiste. De son côté, Volker Dehs, qui a également tant fait au cours des dix dernières années pour la réhabilitation de ce pan de l’œuvre de Verne, s’est surtout penché sur le sort de pièces perdues, égarées – et grâce à lui, ressuscitées. Si bien que paradoxalement, Un fils adoptif, longtemps perdue, est devenu plus célèbre que La Conspiration, que l’on savait être à Nantes [13].
A ce jour, un seul chercheur français, Christian Chelebourg, a écrit un article sur cette pièce. A cela, on peut ajouter la notice rédigée par Christian Robin, lequel a dirigé l’édition du Théâtre inédit de Verne, ainsi que le commentaire des premières pièces que fait Volker Dehs dans sa biographie de Jules Verne, rédigée en allemand [14]. Il était donc temps de se pencher à nouveau sur ce « drame de l’aube », pour reprendre la jolie expression de Chelebourg, de montrer ainsi un jeune auteur en train d’apprendre le métier, d’exprimer ses influences, mais également de montrer son originalité.
Le manuscrit
Disons-le d’emblée, le manuscrit de La Conspiration des Poudres est l’un des moins lisibles jamais rédigés par Verne. La désormais célèbre première page de la pièce, reproduite tour à tour par Christian Chelebourg [15] et par Christian Robin [16] montre assez la difficulté de la tâche de l’éditeur. Deux-cent trente-cinq notes ont été nécessaires à Christian Robin pour détailler les variantes et suppressions, ou les mots illisibles. Comme il l’explique lui-même en tête de ses variantes, « le manuscrit autographe se présente sous la forme de deux cahiers qui portent la côte MJV B 58 et B 59. » Il comprend un « nombre impressionnant de corrections et de reprises », qui figurent dans les marges, de surcroît de façon verticale ! Comme l’indique avec beaucoup d’honnêteté le chercheur nantais, « il existe sous cette forme plusieurs versions d’un même passage, d’ailleurs plus ou moins achevées » et « la version originale est à l’évidence ‘ouverte’ » [17]. Autrement dit, nous ne saurons jamais exactement vers quelle direction nous aurait menés Jules Verne. Pour rendre cette pièce lisible et en faire profiter le public, il a bien fallu procéder à des choix et l’éditeur a pris soin de reporter toutes ces variantes, qu’elles soient horizontales, verticales, barrées ou biffées.
Il y aurait sans doute un travail d’analyse systématique de ces variantes à effectuer ; on se bornera à citer quelques exemples pour tenter de cerner certaines évolutions créatrices de Jules Verne au cours des quelques semaines (ou quelques mois) qui ont dû lui être nécessaires pour rédiger son drame.
Arrêtons-nous tout d’abord sur l’Acte 1er. Au cœur d’une mêlée de suppressions et de mots corrigés (parfois s’étendant sur une dizaine de vers d’affilée), nous pouvons distinguer quelques grands moments de rajouts, soit en verticale, soit dans les marges, soit entre des lignes. Le première catégorie de rajouts peut être considéré comme étant de type explicatif. Selon un principe ancien qui nous fait remonter aux tragédies grecques et à certaines pièces de Shakespeare, Verne a placé un personnage seul qui, par son monologue, va exposer la situation générale aux spectateurs. A l’inverse d’un Eschyle ou d’un Sophocle, cependant, le personnage n’est pas un veilleur de nuit, ou un soldat, encore moins une nourrice, bref, un de ces personnages-accessoires comme en raffolent les tragédiens et les dramaturges, mais bien au contraire l’un des personnages principaux de cette histoire, Catesby, chef des conjurés catholiques. Sauf qu’à force de corrections, Verne parvient à des résultats qui sont loin d’être d’une clarté saisissante : les vers 7 à 10 [18], ainsi rédigés :
Eh bien, sœur de Tresham qu’à bon droit je redoute
De curieux baisers le captivant sans doute
Pour donner un époux tu lui persuadas
Envers les Dieux du ciel d’être un nouveau Judas [19].
La confusion règne sur l’identité du nouveau Judas : est-ce Tresham, dont il a déjà été question durant les six premiers vers ? Ou le terme « nouveau Judas » a-t-il un double sens, c’est-à-dire faut-il entendre qu’il s’agit d’une nouvelle version du Judas biblique, mais aussi d’un autre traître qui s’ajouterait à Tresham ? On songe alors à Richard Monteagle, mais en réalité il est plus probable qu’il s’agisse de Jenny, sœur de Tresham et épouse de Monteagle, l’héroïne de la pièce, dont il est beaucoup question dans les conversations entre les différents personnages du premier acte, mais qui n’apparaît pas. On en dit beaucoup de mal, au point que même Tresham paraît d’une duplicité moins grande que la sienne. Cette manière plutôt osée de parler ainsi d’une jeune personne, qui s’avérera en fait injustement calomniée, a pu n’apparaître qu’en cours d’écriture, ce qui expliquerait que le jeune dramaturge se serait dépêché d’insérer cette information dans une présentation générale qui devait à l’origine essentiellement porter sur le conflit entre le roi et les catholiques, mais aussi sur Tresham en particulier. On verra d’ailleurs par la suite à quel point la malheureuse se trouve maltraitée en paroles par une bonne partie des personnages.
Plus loin, par exemple, un autre ajout marginal vertical semble avoir pour rôle de restituer une situation qui pourrait ne pas être clair pour tous les lecteurs :
Ah ! rien n’est découvert. Tresham a quitté
Londre et ne viendra plus dans sa fragilité
Heurter à ce complot sa trahison impure.
La visite du lord chambellan me rassure ! [20]
Cependant, si on observe à présent les rajouts marginaux des vers 69-75 et 90-92 [21], on constate que ces deux additions montrent un aspect du complot, et du Complot, qu’on aurait tort de négliger : le besoin d’argent, qui traverse la pièce de part en part. C’est l’appât du gain qui a un temps motivé Tresham ; Fawkes vit d’expédients faute d’argent, Catesby et ses sbires ont besoin du nerf de la guerre pour réaliser leur attentat ; enfin le roi Jacques semble avoir toujours besoin d’argent. Là aussi, ces additions pourraient signifier que l’idée de montrer le rôle de l’argent a pu venir à l’esprit du jeune auteur en cours de rédaction, lequel jeune auteur a eu ensuite le désir de mettre en valeur l’importance néfaste de cette nécessité d’argent. On connait le rôle crucial et toujours négatif que joue l’argent dans l’ensemble de l’œuvre vernienne. On verra d’ailleurs que le désir de lucre du roi a une résonance d’une autre sorte dans la pièce.
Penchons-nous à présent sur un exemple d’un tout autre ordre. Beaucoup plus loin dans le drame, acte III, scène 8, aux vers 1286-1289, un ajout marginal semble avoir pour but de rappeler le rôle du fils de Jacques 1er. Ce rajout, placé ainsi par l’éditeur dans le corps du texte, semble tomber comme un pavé dans la mare [22], et sans doute, si l’occasion s’était présentée, Jules Verne aurait retravaillé ce passage ; mais manifestement il était important pour le jeune dramaturge de faire allusion à ce prince royal. En 1605, le prince en question est le jeune Henri-Frédéric, qui mourra en 1612. Mais on peut se demander si Verne ne songe pas plutôt à Charles, futur Charles 1er qui n’a que cinq ans au moment de la Conspiration des Poudres, mais qui succédera plus tard à Jacques 1er et sera emporté par la tourmente de la révolution anglaise.
Enfin, les rajouts peuvent concerner des didascalies, comme le quasi ensemble de celles qui figurent dans les scènes 6 et 7 de l’acte IV.
Une pièce bien de son temps : dramatique et romantique
Dans son précieux article sur « Les Drames de l’aube », Christian Chelebourg remarque que longtemps, les bibliographies ont présenté les premières pièces du jeune écrivain comme des tragédies, véhiculant « de ce fait une image erronées des débuts littéraires de Jules Verne », celle d’un « arrière-gardiste » [23], alors qu’il est tout à fait de son siècle, même si c’est avec une bonne décennie de retard. Fidèle à l’un des principes du drame, celui de la démesure, Verne compose donc une pièce d’environ 2131 vers [24], place l’action sur deux semaines (superposant, comme le remarque Christian Chelebourg, « la notion d’acte à celle de journée » [25]), principe qui date du drame espagnol et que Victor Hugo a utilisé pour la première fois dans Marie Tudor en 1833. Il faut toutefois revenir plus précisément sur cette notion. Le 1er acte commence le 24 octobre 1605, le lundi. « La nuit tombe », nous indique la didascalie [26]. Le 2e acte se déroule le lendemain, mardi 25 octobre 1605. Cette fois-ci, la didascalie ne nous indique aucun horaire, mais Fawkes précise au vers 478 (p. 38) : « Quand la nuit est bien sombre », en parlant de ce qui se passe à cet instant dans l’auberge.
Deux jours passent : nous sommes, au début du troisième acte, le jeudi 27 octobre 1605. Cette fois-ci, il n’y a aucune indication sur le moment où nous nous trouvons, que ce soit dans le corps du texte ou par le biais d’une didascalie. Mais on a l’impression de voir des hommes se retrouver dans la chambre de Catesby pour faire le bilan de la journée. Quatre jours plus tard, le lundi 31 octobre 1605, l’acte IV débute dans une autre chambre, celle de lord Monteagle. Nous n’avons pas plus d’indication sur le moment de la journée, mais Monteagle lance à la fin de l’acte sa fameuse réplique : « Je veux coucher ce soir avec toi ! tiens ! trois livres ! » (vers 1757, p. 93). Du reste, on a là aussi l’impression de personnages qui se retrouvent à la fin de la journée, non plus pour faire le bilan, mais pour se distraire en s’enivrant ou en couchant avec des filles. Quant au cinquième acte, il ne pose pas de problème : nous sommes le vendredi soir, 4 novembre 1605. Dehors, « il fait complètement nuit », comme l’indique la didascalie du début d’acte (p. 94). L’horaire est très précis, puisque vers la fin de l’acte, la didascalie annonce que « deux heures sonnent dans le lointain » [27] On remarque donc un rythme d’écoulement des jours très élaboré : une journée, puis deux journées, puis quatre journées et encore quatre journées. A noter d’ailleurs la petite erreur de temporalité puisque, à l’acte III, Catesby annonce à Fawkes que la conspiration aboutira « dans dix jours » (« C’est bien long ! » proteste Fawkes) [28] alors qu’en réalité, huit jours seulement passeront. On constate en tout cas qu’au contraire de Hugo qui, que ce soit dans Cromwell, dans Hernani, ou encore dans Marie Tudor, pour ne citer que ces trois pièces, alterne la nuit et le jour, Verne semble vouloir plonger sa pièce dans l’obscurité, créant ainsi une ambiance particulière, angoissante, oppressante, qui, malgré les moments comiques (dus essentiellement à Fawkes), ne quitte pas le lecteur et était sans doute supposée ne pas devoir quitter le spectateur.
Aussi, on notera qu’à défaut de respecter l’unité de temps, Jules Verne a créé une sorte d’unité d’ambiance : on sait que les jours avancent et en même temps, on garde ce sentiment d’une nuit qui n’en finit pas. Une façon de procéder qui est loin d’avoir été en usage chez ses prédécesseurs, que ce soit du côté du drame ou de celui de la tragédie. Il est vrai que si on assiste depuis quelques années, à la résurrection d’une armada de romanciers populaires oubliés, contemporains de Jules Verne, il reste encore du travail à faire concernant les auteurs dramatiques (populaires ?) du XIXe siècle.
On sait que plus encore qu’à l’unité de temps, c’est à l’unité de lieu que s’en est pris Victor Hugo lors de sa célèbre « Préface » de Cromwell, véritable manifeste en faveur du drame :
Quoi de plus invraisemblable et de plus absurde en effet que ce vestibule, ce péristyle, cette antichambre, lieu banal où nos tragédies ont la complaisance de venir se dérouler, où arrivent, on ne sait comment, les conspirateurs pour déclamer contre le tyran, le tyran pour déclamer contre les conspirateurs, chacun à leur tour […] [29].
Comme son immense prédécesseur, Jules Verne procède également dans La Conspiration à un changement de décor pour chaque acte, passant du lieu public (l’église, l’auberge) au lieu privé (la chambre de Catesby, celle de Monteagle et enfin la cave). La pièce commence et se dénoue donc dans un lieu particulièrement clos et sombre. Mais l’auberge de maître Fister n’a que fort peu de clients et n’a pas cette ambiance joyeuse qu’on peut retrouver par moment dans la taverne des Trois Grues, qui sert de premier décor pour Cromwell, et surtout dans les romans de Walter Scott. La chambre de Catesby, comme il fallait d’ailleurs s’y attendre d’un religieux fanatique, est vide, austère, peu meublée, juste un lieu de recueillement et, surtout, d’intrigue. Reste celle de Monteagle, qui a déjà une meilleure apparence. Mais c’est son propriétaire qui est particulièrement sombre, peu engageant. Toutefois, l’acte IV est le seul moment de la pièce où on semble un instant oublier les complots pour d’autres préoccupations, où une lueur, quelques rires, semblent un instant soulever ce voile qui recouvre l’ensemble. Mais il s’agit de rires bien coupables, provenant de personnages désœuvrés, rires qui sont d’ailleurs interrompus par les cris de rage de Monteagle.
En apparence, Verne manipule également la double intrigue traditionnelle du drame, l’intrigue historique et l’intrigue amoureuse, qu’Hugo avait su mettre en parallèle avec tant de maestria dans Hernani. Toutefois, là aussi, Verne semble vouloir s’y prendre différemment : d’abord, le personnage qui, en dehors du mari, est amoureux de Jenny, est Guy Fawkes, qui semble au mieux un anti-héros, au pire un bouffon dans cette pièce sans héros. L’histoire n’apparaît qu’à partir d’un complot qui semble toujours dérisoire au fur et à mesure que Catesby et consorts ne cessent de répéter à perte de temps les motifs qu’ils ont de se révolter. Elle apparaît également à partir de certains commentaires au sujet du roi Jacques, commentaires sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir. Donc, pas de véritable intrigue amoureuse digne de ce nom, encore moins d’intrigue historique – nous sommes toujours certains de la façon dont va se terminer ce complot aux tournures ridicules.
Et puis, à l’inverse de ses deux grands modèles, Hugo et Dumas, Verne ne fait pas apparaître de grande figure historique proprement dite. Certes, les différents antagonistes, Catesby, Guy Fawkes, Monteagle, Tresham, ont réellement existé. Mais le moins que l’on puisse dire est que l’on n’a pas cherché à leur donner une dimension historique. Et si le roi Jacques 1er d’Angleterre est fréquemment cité, c’est en général d’une manière peu aimable. Pourtant, Jacques 1er ne doit pas laisser indifférent l’auteur puisque sur la page de couverture du manuscrit, juste en-dessous du titre, La Conspiration des Poudres, nous voyons cette inscription : « Jacques 1er, 1605 ». Mais il est vrai que le but de ce genre d’inscription est surtout de nous situer l’époque.
Mais, et c’est là une particularité qui me paraît essentielle, et qui distingue peut-être Verne de Hugo, nous ne voyons pas un roi en arrière-plan complètement détaché de ses sujets et qui serait en retrait par rapport à l’évolution historique. Nous ne voyons pas non plus, a contrario, un personnage-démiurge et clairvoyant qui figurerait l’avancée historique tandis que les différents personnages seraient totalement hors du temps, englués dans leurs particularismes : en fait, ni les uns ni les autres n’évoquent une évolution historique quelconque. On peut même dire que La Conspiration des Poudres n’est pas à proprement parler une pièce historique, en tout cas pas dans le sens où Scott, Hugo et Dumas voyaient la chose. Il ne semble jamais être question de faire revivre l’ambiance d’une époque lointaine et les rapports entre elles des classes sociales et des différentes nations comme Scott ; ni de se servir de la situation qui existait autrefois pour mieux comprendre celle d’aujourd’hui comme Hugo, encore moins de comprendre le sens de l’Histoire à partir de dates-clés, comme Dumas.
Pour Verne, il me semble que la question est surtout de mettre en place un état d’esprit, celui d’un affrontement au nom de la religion. Sans doute en partie parce que son modèle, Victor Hugo, avait fait de même dans la pièce fleuve Cromwell (si tant est que Verne ait eu l’occasion à cette époque d’accéder à ce texte). Mais on peut estimer également que Verne ait eu à cœur de montrer le ridicule des conflits religieux : on va le voir plus loin, la religion est traitée avec beaucoup d’irrespect tout au long de ces scènes ; elle le sera également au fil de l’œuvre, sous divers aspects : de Maître Zacharius au Siège de Rome, le summum étant atteint dans Le Village aérien, lors des romans du crépuscule.
Un texte en mouvement
Répétons-le surtout, le vers au théâtre doit dépouiller tout amour-propre, toute exigence, toute coquetterie. Il n’est là qu’une forme, et une forme qui doit tout admettre […] français, latin, textes de lois, jurons royaux, locutions populaires, comédie, tragédie, rire, larmes, prose et poésie. Malheur au poète si son vers fait la petite bouche ! [30].
Plus que tout autre auteur du XIXe siècle, Hugo a pour habitude de faire appel à toutes les formes textuelles, à tous les registres du discours dans ses pièces, poèmes et romans qui sont autant des laboratoires que des démonstrations engagées. Toute sa vie, Verne se servira également des divers discours et genres de son temps. Mais il n’est pas question de démontrer quelque chose avec lui : il s’agirait plutôt d’une sorte d’état des lieux des diverses idées, argumentations, connaissances de son temps. Alors que tous les textes, journaux, chansons, proverbes, documents administratifs qu’utilise Hugo sont orientés, Verne semble avoir toujours voulu faire de ses œuvres une sorte de vaste lieu de rencontre de tout ce qu’on pouvait penser, connaître, découvrir à son époque. Même si certaines idées, certaines polémiques apparaissent dans les Voyages, on a toujours l’impression d’une narration qui ne prend pas parti, qui établit tout simplement un compte rendu. Cette manière de présenter, de mettre en scène, se découvre déjà dans La Conspiration des Poudres. Plutôt que de chercher à nous rendre sympathique telle idée ou tel personnage, le jeune auteur Jules Verne se plait plus à accumuler toutes les formes d’expression, toutes les figures à la mode et répliques célèbres du répertoire.
Rappelons d’abord un fait dont il a été question au début de cette étude : de par sa présentation en état de manuscrit, La Conspiration des Poudres ne peut être considéré comme un texte définitif. Il ressemble à un laboratoire d’écriture que nous pouvons explorer, contempler. Mais on peut supposer que l’auteur aurait apporté des corrections à ce texte si l’occasion s’était présentée.
Si on fait à notre tour l’état des lieux, on s’aperçoit d’abord de nombreuses erreurs de Verne, dont certaines déjà relevées par Christian Chelebourg. Des erreurs syntaxiques, des lourdeurs de style, des vers illisibles, tout cela se trouve, y compris après le nettoyage effectué par l’équipe de Christian Robin. Pour ne citer qu’un exemple, ce :
Car ces lords, car ces rois, foudroyés par l’éclair
Iront porté leurs corps aux noirs corbeaux de l’air ! [31]
Verne utilise d’abord tous les grands procédés du drame, comme la déclamation lyrique qui termine subitement (qui chute) en remarque plus prosaïque, chacun des deux registres étant construit différemment au niveau syllabique. Ainsi, pour la tirade de Jenny, au début de l’acte IV :
De sa tige déjà j’ai cueilli l’espérance.
J’ai voulu m’enivrer de sa trompeuse odeur,
Et mes doigts ont laissé s’échapper cette fleur
[…]
Ainsi donc ma douleur effeuilla l’espérance,
Et la fleur se flétrit sans secours sous mes pas !
Mon Dieu, depuis trois jours, mon frère ne vient pas ! [32]
A la métaphore lyrique qui respecte la règle 6 – 6, succède brusquement la retombée narrative avec un 2 – 4 – 6.
Plus fort peut-être, de par sa brièveté, ce final du quatrième acte, dans la bouche de Monteagle :
De ta fille, Satan enfin tu me délivres !
(Il va la frapper, laisse tomber son arme, la force à se relever, et d’un ton enjoué.)
Je veux coucher ce soir avec toi ! tiens ! trois livres ! [33]
Certaines figures de style sont volontairement utilisées sous un aspect comique, tel ce chiasme :
J’aime mieux votre bourse et scrupules néant
Que de vides remords, mon maître, et pas d’argent ! [34]
Ou, acte II, scène 4, l’anaphore, avec la reprise, dans la bouche de Jenny, du prénom de son mari, la jeune femme tentant de faire appel à ses sentiments alors que Richard Monteagle est lancé dans une tirade explicative sur les sentiments qu’il éprouve. Si le fond n’a rien de drôle, on imagine le caractère comique que peut emprunter ce passage grâce au procédé.
La répétition peut parfois aller plus loin, avec un hémistiche dédoublé :
Jenny, réponds-moi donc ! Jenny ! réponds-moi donc ! [35]
Verne utilise aussi la paranomase en jouant sur la prononciation très proche de deux mots aux sens différents :
Mais j’aime ! hélas ! déjà dois-je dire : j’aimais !
Et vous avez, monsieur, peut-être aimé ?
CATESBY
Jamais ! [36]
Mais à côté de ces petites astuces de langage et de style, on rencontre aussi de véritables morceaux de bravoure qui reprennent certaines des expressions que, depuis Shakespeare, et plus récemment Hugo, on est habitué à trouver dans la bouche des personnages du drame. Ainsi, si l’on lit cette tirade prononcée par Jenny :
Pour tout cet attentat qu’il vous faut donc de haine !
Cet océan de sang qui doit vous rassasier
Sera-t-il si profond qu’il la puisse noyer !
Car je les vois ici tous ! les filles si belles,
Les enfants que la mort devrait trouver rebelles,
Les hommes fiers de vivre, et sitôt foudroyés
Et des vieillards tremblants entre deux rocs broyés !
Déjà, je les ai vus dans mes terreurs nocturnes,
Me regarder en face, osseux et taciturnes,
M’entraîner vers la croix où passent deux chemins
Enlacer à la nuit leurs pâlissantes mains,
Et grossissant au loin leurs infernales bandes,
Mener incessamment de pâles sarabandes ! [37]
On constate d’abord l’omniprésence de l’hyperbole, que ce soit pour désigner les sentiments (« haine », « rebelles », « foudroyés », « taciturnes »), pour décrire les conséquences probables de l’attentat (« océan de sang », « noyer » la haine) ; une longue énumération de toutes les victimes possibles de cet attentat (« filles », « enfants », « hommes », « vieillards »), énumération qui recouvre tous les sexes et tous les âges ; et, surtout, ce qui nous ramène peut-être plus encore à Shakespeare qu’à Hugo, l’aspect fantastique, avec les fantômes de ces victimes supposées de l’attentat qui hanteraient, avant même que celui-ci ait lieu, les nuits de l’héroïne. Là aussi, si on peut dire que Verne emploie des procédés qui sont largement de mise chez ses prédécesseurs, on remarquera qu’il les reprendra par la suite, avec des variantes : la Flamme Errante, dans La Maison à vapeur, est peut-être l’exemple le plus évident de ces jeunes filles hantées, rendues folles par le souvenir d’un massacre, qui deviennent elles-mêmes fantômes.
Sans aller d’ailleurs jusqu’à ce niveau de fantastique, on peut évoquer le thème du tombeau romantique, omniprésent dans les romans comme dans les pièces du début du XIXe siècle (chez Scott comme chez Hugo ou chez Mme de Staël), et qui apparaît dans la bouche de Fawkes :
Quel silence de mort le long de ces murs tombe !
C’est la tranquillité pesante de la tombe !
Quand la pierre posée, après le dernier bruit,
Commence la dernière et l’éternelle nuit ! [38]
On notera que dans les deux premiers vers, Verne utilise le même mot « tombe » dans un même contexte mais avec ses deux utilisations (nominales et verbales) et ses deux sens différents. Produire une rime à partir d’une homophonie n’est bien sûr pas faire preuve d’une grande originalité : le procédé est largement développé depuis l’Antiquité, avec un surcroît de tentatives à l’époque des grands rhétoriqueurs du XVe siècle. Mais on ne peut s’empêcher de songer que c’est un procédé dont il usera de nouveau dans la suite de sa carrière, mais cette fois-ci de façon plus performative, allant jusqu’à en faire parfois l’objet d’une intrigue. [39]
Mais, surtout, la pièce du jeune Verne se fait l’écho des œuvres de bon nombre d’autres auteurs. Hugo pratiquait déjà le clin d’œil ou l’allusion, comme celle qui, dans Cromwell, rappelle le Pélican de Musset par l’entremise de Carr qui, pourtant, parle de tout autre chose, autrement plus grave. [40] Verne, on l’a vu précédemment, reprend les manières de Shakespeare ou de Hugo : Shakespeare qui est cité durant plusieurs vers dans la scène 7 de l’acte IV, de même d’ailleurs que Virgile. L’Art poétique d’Horace est également cité, dans la même scène, un peu auparavant.
Mais le pastiche est courant, tel cette formule, qui trivialise le principe pascalien :
Moi, si grand devant Dieu, si petit devant l’homme [41]
On peut remonter aux sources de la tragédie en parodiant Sophocle :
Quand je vis pour savoir, ce que je sais me tue ! [42]
On peut aller jusqu’à parodier le Classique des Classiques, le grand Corneille :
Sais-tu que nous voilà livrés à sa merci,
Que, tenant dans sa main, ouragans et tempêtes,
Cet infâme à son gré peut faire tomber nos têtes !
Le sais-tu ? [c’est moi qui souligne] ! [43]
Mais aussi Molière :
Mon Dieu ! qu’alliez-vous faire ? En cette sombre église ? ! [44]
Ou, parodiant César :
Ainsi fais-je ! Ainsi suis-je ? Ainsi serais-je encore ? [45]
Ou, tout simplement, le langage scientifique :
Votre âme bout !
Mais s’éteint quand d’eau froide, il tombe une goutte ; [46]
L’actualité peut aussi apparaître dans le texte, comme ce fameux vers :
Sur mon cœur bondissant de fureur, entassez
Les glaces de l’Hekla de la neigeuse Islande
Que semblable au Volcan s’épanchant sur la lande
Activant jour et nuit son redoutable jeu,
Il abîmerait tout dans son cratère en feu ! [47]
On trouve même plusieurs chansons, procédé déjà employé par Hugo dans Cromwell. Toutefois, si l’on excepte la chanson de lord Rochester à l’acte I, scène 2, ce sont toujours les bouffons de Cromwell qui chantent dans cette pièce. Or, dans La Conspiration, les chanteurs sont divers. C’est d’abord Fawkes qui entonne une ballade au deuxième acte [48], puis les conjurés qui lancent comme un refrain dans l’acte suivant (il est chanté à deux reprises), le quatrième voit Nauton interpréter une chanson satirique contre la religion. Verne fait un pas de plus que Hugo.
Ou encore la lecture d’une lettre, écrite en prose, en plein milieu d’un vers (vers 1027, acte III, scène 4).
On constate donc que selon les principes des auteurs romantiques (et pas seulement dramatiques) qui aiment à mêler tous les supports à leur disposition pour les rassembler dans une même œuvre (le record dans le genre étant sans doute battu par Les Misérables de Victor Hugo), Verne rassemble références, allusions, chansons, lettres, procédés d’écriture, registres, etc. Il restera toute sa vie fidèle à ce procédé, regroupant toujours les manières d’écrire et les références à ses prédécesseurs et modèles (même si leurs livres n’auront alors plus rien en commun avec les siens). Surtout, ces textes romanesques regrouperont tous les types de textes informatifs de l’époque, par des habiles collages et montages permettant à l’information technique, l’article journalistique, la description poétique, l’énumération érudite ou l’explication scientifique de se mêler, de s’entrecroiser, de se joindre.
Le goût du carnavalesque
Mais au-delà de son désir de suivre les règles du drame, ou plutôt de disposer de la liberté que propose le genre dramatique, Verne semble être nourri par un véritable goût du carnavalesque. Autrement dit cette façon de placer sous les feux du ridicule et du renversement des valeurs quelque chose considéré en principe comme respectable ; de partir d’un sujet noble pour lui donner dimension triviale. On peut dire que cette manière d’allier culture classique et culture populaire date de Pétrone, mais surtout de Rabelais, de Shakespeare et de Cervantès, via, une fois de plus, Walter Scott. Très vite, des œuvres comme Jédédias Jamet, Le Mariage de M. Anselme des Tilleuls, mais aussi l’apparition, dans les Voyages, de personnages comme Paganel ou, pire, comme Aristobulus Ursiclos, prouve que Verne a conservé ce goût et en a imprégné son art.
Comme tous ces précurseurs, Verne utilise le dialogue entre le personnage sérieux que l’on veut ridiculiser (ou dont on veut ridiculiser les idées) et le personnage bouffon ou clown : en l’occurrence, ici, entre l’austère Catesby, qui n’a que le combat pour la religion dans la bouche, et le joyeux Guy Fawkes, qui ramène tout à ses plaisirs, à ses désirs et, dans cet extrait, à son appétit :
CATESBY
Sur Dieu, mon capitaine,
Je ne te vis jamais allure plus hautaine,
Et dans ce manteau noir, où quelqu’une m’a dit
Avoir pu contempler, un corps fort arrondi
Si fièrement drapé, je ne trouve tant d’aise
Que je gage, tu viens tramer quelque fadaise !
FAWKES
Vous avez bien parlé ! maître, je donnerais
Pour me voir habillé, tondu, rasé de frais,
La place que Satan galamment se réserve !
CATESBY
A mes desseins, le ciel veut sans doute qu’il serve !
Qui te rend si gaillard ?
FAWKES
Maître, je vais parler
Comme Jacques premier ! Gardez-vous de bâiller.
De mon dernier échec, il vous souvient, je pense
J’en ai pu retirer saine et sauve ma panse,
Et tout béatement, par vos soins reçus,
Je puis, après dîner, encore taper dessus.
(Il se frappe sur le ventre.) [49]
Par ailleurs, pour que se réalise le renversement des valeurs, il faut ridiculiser celui qui représente le sommet de la hiérarchie, par exemple en comparant le personnage le plus éminent du royaume à un animal. Or, dans La Conspiration, chaque fois qu’il est question du roi, le grotesque l’emporte. Ainsi, Fawkes, toujours, le compare à un ours (subissant le même sort que ce savant ridicule du Rayon vert, appelé Ursiclos, nom rappelant les ursidés) :
Pareil à l’ours venant ainsi que lui du nord,
Je ne lui trouve pas de plus plaisant abord,
Avec ses deux gros yeux que bêtement il roule,
Comment aux enfants, croyant faire peur à la foule,
Trop de langue à la tombe, et sans barbe au menton,
Il est bon tout au plus à mener au bâton ! [50]
La paillardise fait franchement son apparition à la fin du quatrième acte, renforcée par une accumulation de remarques désobligeantes sur les femmes en général ; mais ces remarques vont s’abattre sur celle qui détient en principe le statut d’héroïne de la pièce, et qui devrait, de ce fait, être une jeune fille pure et sans tache.
GREEN
Gardez-vous d’approcher, femmes irréprochables !
NAUTON
La pucelle conduit les singes chez les diables !
MAUBEY
Quelque cœur de Vénus sous la peau de Vulcain !
BERKLEY
Puritaine mariée à mylord Grimalkin !
NAUTON
Sur ces traits décharnés portant ses infortunes !
GREEN
Figure à s’abîmer aux prières communes !
NAUTON
Une fille publique à bas prix ! [51]
Il s’avère que cette jeune femme, qui se retrouve bien malgré elle aspergée par ces quolibets qui ne lui sont pas, à proprement parler destinés, est souillée par les soupçons et les accusations de la plupart des personnages et peut même sembler suspecte aux yeux du spectateur, tout au moins au début de la pièce. Comme on va le voir, ce n’est là qu’un des exemples de la manière particulière dont Verne traite les personnages de son drame.
Une étrange galerie de personnages
La façon, comme on vient de le constater, dont Jenny est traitée par plusieurs autres personnages est assez symptomatique de la manière dont le jeune Verne organise ici sa galerie de personnages.
Si l’on compare par exemple à Hugo, on constate que généralement ses drames comportent une héroïne, un jeune homme pourvu de bien des mérites mais qui a un problème de déclassement social (soit c’est un noble devenu brigand comme Hernani, soit ce n’est qu’un valet comme Ruy Blas), un personnage prestigieux – voire historique – comme Dom Carlos, futur Charles Quint, ou encore dom Salluste, ce personnage pouvant selon les cas, être ou non antipathique, évoluer au fil des actes ; enfin, il y a le pur méchant.
Dans Cromwell, il est vrai, ces différents statuts et procédés sont largement bousculés. Mais parce que deux héros se font face : la grande figure historique, Cromwell (qui pourrait tout aussi bien être Bonaparte) et le peuple anglais dans le sens le plus large du terme : tout ce qui n’est pas Cromwell mais qui habite l’Angleterre, en partant de la plus haute noblesse pour parvenir au plus petit soldat ou au plus humble mendiant, en partant du vieillard et en parvenant jusqu’à l’enfant.
Or, Verne se détache dès La Conspiration de la distribution romantique classique (si on me permet ce rapprochement de qualificatifs).
Pour commencer, il n’y a pas de héros dans cette pièce. Trois hommes ont une certaine importance : Catesby, Guy Fawkes et Monteagle. Tous trois sont inspirés de personnages réels. On pourrait penser au départ de la pièce que Catesby va avoir le premier rôle. Mais il crée une fausse attente, aussi bien auprès du lecteur qu’auprès de ses partisans : beaucoup de grands discours de principe et d’intention, d’indignation et de résolution, pour finalement guère d’autre acte que le fait d’embaucher Fawkes pour accomplir le sale travail. Il n’a même pas droit à sa fin historique : le véritable Catesby est en effet mort les armes à la main, au moment où le complot est découvert. Le personnage n’aura pas droit à ce final qui lui aurait donné une autre dimension.
On se souvient que Scott, qui mettait en scène dans ses romans des jeunes hommes de bonne famille, très vertueux et courageux, mais ayant beaucoup à apprendre de la vie et qui, finalement, étaient témoins de nombreuses scènes sans accomplir grand-chose eux-mêmes (songeons à Waverley dans le roman éponyme, à Francis Osbaldistone dans Rob Roy, à Quentin Durward… tous personnages-spectateurs plus que personnages batailleurs [52] à la manière d’un d’Artagnan, par exemple). Notre jeune auteur dramatique a retenu la leçon… et va plus loin encore que Scott : il supprime tout simplement le type du personnage héroïque de sa pièce.
Guy Fawkes est sans doute le véritable héros de la pièce, si l’on s’en tient à la définition de « personnage qui apparaît le plus souvent ». Mais il n’a pas les valeurs héroïques proprement dites. Il est courageux, mais il n’est pas désintéressé, il n’a pas, surtout, ce langage au registre très soutenu et aux thèmes très moraux, très chevaleresques, qui sera repris abondamment par Dumas et qui est sans doute le seul héritage de la tragédie dont le drame n’aura pu se débarrasser. Finalement, la seule référence théâtrale qui puisse s’attacher à Fawkes, c’est Shakespeare. On peut dire que La Conspiration des Poudres, est une pièce dont le personnage principal est un clown.
Mais le vrai héros tragique, c’est Jenny, le personnage principal et central, en lien avec tous les autres personnages, sans exception ! Elle fait tout pour empêcher une catastrophe, voulant complaire à tout le monde ; or, cette catastrophe se réalisera précisément à cause de son intervention ! D’une certaine façon, Jenny, par son incapacité à éviter le drame, se retrouve ridiculisée.
Ne parlons pas de Monteagle, qui, pourtant, semble au début de la pièce faire preuve d’un certain courage et d’une certaine générosité envers celle qui est son épouse. Le problème est qu’il traverse toute la pièce avec ce même courage et cette même générosité de principe, mais sans vraiment agir. En ce sens, ce personnage paraît inexistant. Il n’existe dans la pièce que parce qu’il a réellement existé et qu’il est historique que c’est en lui écrivant pour l’avertir du complot qui se préparait et de la nécessité d’avertir les différents parlementaires catholiques d’avoir à se garder d’être présent à la Chambre ce jour-là que la conspiration a pu être déjouée : la lettre ayant été interceptée par des agents du roi. Ce thème très shakespearien de la lettre qui révèle tout à temps – ou presque (Titus Andronicus, Roméo et Juliette) a dû retenir l’attention de Verne. Mais Monteagle n’a décidément guère d’autre motif d’exister.
Quant à Tresham, quatrième comparse et frère de l’héroïne, il connaît curieusement un parcours inverse. Voilà d’abord comment il apparaît au début de la pièce, décrit par Catesby :
Cet homme compte, pèse et repèse, calcule
Comme son or, du cœur le plus beau sentiment
Sur ces règles agit, maigrement, froidement
Et puis son calcul fait, qu’un peu d’ardeur l’émeuve
Il la laisse s’enfuir en cherchant la preuve ! [53]
Mais finalement, ce personnage, par ailleurs historique lui aussi, semble s’améliorer au fur et à mesure que la pièce progresse. D’abord avide d’argent et pleutre, il paraît prêt à se sacrifier pour le bien de sa sœur. Le caractère de Tresham me paraît être le principal indice qui prouve que Verne n’en avait pas fini avec l’élaboration de cette pièce, qu’il y aurait apporté des corrections, si l’occasion s’était présentée.
Jenny, théoriquement l’héroïne de La Conspiration (elle apparaît à peu près autant que les personnages masculins susnommés et est la seule femme présente dans la pièce), est particulièrement maltraitée par les différents personnages… mais aussi par son créateur. Rarement, me semble-t-il, une héroïne n’aura été autant diffamée. L’un des pires passages, et des plus fameux à mon sens, est celui que l’on peut intituler : la métaphore de la porte.
La porte de la honte est une porte basse
Qui force à se courber l’infâme qui la passe,
Pour ne pas s’y heurter un front justicié !
Mais vous, en vous haussant sur la pointe du pied
Vous ne pourriez jamais, si bas qu’en soit le faîte,
Tant vous êtes petite, y briser votre tête ! ! [54]
A travers ce sarcasme, on apprend tour à tour que Jenny est couverte de honte et qu’elle est disgraciée physiquement. Si l’on ajoute le soupçon qui pèse sur elle de tromper son mari et d’être une femme facile, si on se rappelle que le bouffon Fawkes est attiré par elle et que la réaction de la jeune femme envers ses assiduités est loin d’être claire et linéaire, on comprend que là encore, comme pour son frère Tresham, Verne n’avait sans doute pas fini de construire son personnage ; mais qu’il n’était pas question pour lui d’en faire une Juliette ou une Dona Sol.
L’aspect religieux
Cela a souvent été dit, Jules Verne serait un catholique conservateur, même s’il peut lui arriver de donner l’impression d’aller vers d’autres directions au cours de sa carrière littéraire, plus particulièrement à l’époque des Voyages. Or, dans cette pièce, la religion est omniprésente. Mais d’ores-et-déjà, à l’aube de l’œuvre, et comme ce le sera toujours par la suite, Verne ne cite pas la religion par déférence ou par conviction. Quel qu’ait pu être son opinion sur la question et quoiqu’aucun de ses personnages ne soit officiellement athée (Hetzel ne l’aurait pas permis de toute façon), on peut dire que seule la croyance envers Dieu est présente dans quelques titres de l’œuvre complète. En dehors de ce fait, et si on veut bien distinguer la croyance du rite, on peut dire que Verne utilise la religion pour deux raisons. La première est le besoin de créer une certaine ambiance : il s’agit de situations au cours desquelles les personnages sentent la présence d’une providence, ou d’un esprit supérieur qui va intervenir sur leur destinée (voir, notamment, L’Ile mystérieuse).
Mais la religion apparaît aussi sous des oripeaux carnavalesques, le summum étant certainement atteint dans Le Village aérien, ou le dernier chapitre ridiculise (mais de façon allusive) le rite catholique, avec un savant fou qui s’arroge le rôle d’un pape et le singe.
A l’aube de l’œuvre, ce sont surtout les conséquences de cet attachement forcené à un rite, au point de vouloir l’imposer aux autres, qui semble provoquer l’indignation de Verne. Et il est intéressant de constater qu’aussi bien dans cette pièce que dans Alexandre VI, le catholicisme n’est pas vraiment mis en valeur.
Il est d’ailleurs permis de se demander si le vedettariat accordé à Fawkes n’a pas pour principal motif de mettre dans la bouche d’un clown les pires sarcasmes contre la religion. Le plus grand morceau de bravoure de la pièce reste sans doute l’étonnant monologue de soixante vers prononcé par ce personnage (étonnant du fait qu’il soit de la plume d’un néophyte). Or, au cours de cette longue tirade, Fawkes déclare notamment :
La morale, je l’ai réduite en un principe,
C’est de n’en point avoir ! comme fit feu Ménippe
Donc, en principe, nulle religion
Ne pouvait se targuer de ma damnation ;
Mais, quand Jacques d’Ecosse arriva sur le trône
De la nouvelle foi j’assiégeai le prône,
Je devins puritain, et si j’avais juré
Par le nom de Calvin ma bouche aurait sacré !
Ventres et boyaux du diable, autres énergumènes
Devaient être remis aux Paralipomènes,
Que l’un d’eux se fût plaint, et en coquin fieffé,
Sur l’heure, on en eût dû faire un autodafé !
Je pris un air ad hoc fort incompréhensible,
Et m’enfonçai soudain jusqu’au col dans la Bible ! [55]
La satire contre les puritains est terrible :
Sur la borne du coin, je rendais mes oracles !
Je fis même, je crois, trois ou quatre miracles !
Fougueux comme John Knox, grave comme Luther,
Brave comme Calvin, comme Zwingle de fer,
La tête fort rasée et la démarche raide,
Ma savante ânerie, arrivant à mon aide,
For austère au dehors, au-dedans libertine,
Courant, sacrant, prêchant, j’étais donc puritain ! [56]
Et toutes les religions sont mises dans le même sac :
Et de colère enfin dans un céleste accès,
Que la grâce du ciel facilement explique,
Saintement converti, je me fis catholique !
Au moins on peut draper ce faraud vêtement,
Et l’on boit, et l’on dort, ainsi qu’un musulman. [57]
Jusqu’à la chanson entonnée par Nauton, à la scène 7 du quatrième acte, qui traite la religion avec le plus profond irrespect.
Un des grands moments comiques de la pièce, est la scène 1 de l’Acte II, lorsque Fawkes sonde l’aubergiste Fister pour connaître sa religion en se faisant passer lui-même pour un presbytérien, puis parvenant à convaincre l’hôte d’être catholique. Finalement, la morale de cette scène se déroule lors de la suivante (Acte II, scène 2) avec l’arrivée de Catesby et de ses hommes qui s’installent et se font servir par l’aubergiste. Fawkes alors s’exclame :
FAWKES, attirant Fister près de lui, bas.
Fister ! je crois que tu trafiques
Avec des gens aux airs assez peu catholiques !
FISTER
Mais ils boivent, qu’importe ! [58]
Ce qui est loin d’être la parole la plus stupide qui soit, comparé à tout le flot de haine dévidé par Catesby.
Or, les trois religions, catholique, musulmane et, même, païenne, ne sont pas placées seulement dans le même sac, mais également dans le même vin :
MONTEAGLE
Parce que j’ai voulu jusqu’à ce moment vivre,
Comme un moine !
NAUTON
Au contraire !
MONTEAGLE
Un musulman ! En vain
Vous supporteriez tous amplement votre vin,
Je vous enivrerais !
MAUBEY
Qui s’y frotte s’y brûle !
MONTEAGLE
Et je boirais encore à la coupe d’Hercule ! [59]
Mais, plus intéressant, le jeune auteur ne se contente pas de placer des sarcasmes anti-religieux dans la bouche de ces héros. Il prend soin de rappeler une vérité historique, en tout cas une affirmation qui ne peut que déranger les tenants de religion comme Catesby. L’indifférence du roi, le fait que la politique l’emporte sur une conviction religieuse. C’est ce qu’affirme, au sujet du roi Jacques 1er, Monteagle :
Pour se débarrasser des importunités
Des puritains, ardents aux libéralités,
Le roi ne vient-il pas de rendre une ordonnance
Par laquelle nous devons leur payer redevance.
Le roi n’a que des besoins d’argent, et ne s’occupe
Qu’à faire du parlement une nouvelle dupe.
Ainsi tant que le roi remplira son trésor
Il ne pensera pas à vous, mais à son or ! [60]
A l’origine d’ailleurs la tirade était nettement plus développée, preuve de l’importance que Verne accordait à ce passage qui remet l’importance de la religion à sa place. Finalement, Catesby et sa clique complotent contre un roi en qui ils voient un tyran qui voudrait s’en prendre à leur religion ; alors que plusieurs indices semblent indiquer que c’est plutôt leur bourse qui a à craindre. En fait, les quatre radoteurs, qui ne cessent de discourir mais n’avancent guère dans leurs projets, qui sont obligés de faire appel à Guy Fawkes, le bouffon de la pièce, semblent représenter une société en panne car figée dans ses préjugés et principes. En cela, les conjurés sont beaucoup plus ridicules que ceux de Cromwell, lesquels s’en prenaient à un danger réel – pour leur personne et leur religion. Dans La Conspiration, il n’y a pas de menace, c’est une conspiration qui tourne dans le vide, qui n’a pour seule valeur de permettre aux conjurés d’exister. C’est une conspiration de la Poudre aux Yeux !
Conclusion
La Conspiration des Poudres nous renvoie étrangement au crépuscule de l’œuvre vernienne, c’est-à-dire à ces cinq romans édités à titre posthume et dont nous ne serons jamais s’ils correspondaient vraiment à ce que souhaitait publier le romancier ou si les manuscrits représentaient une étape dans sa création. S’agissant de cette pièce, on peut être affirmatif : il s’agit certes de quelque chose de plus important et de plus abouti qu’une simple ébauche. Mais il est évident que Verne s’est arrêté de s’intéresser à cette pièce alors qu’il était en train de la transformer, probablement en remaniant quelques personnages (celui de Tresham à tout le moins) et peut-être, quelques scènes. Comme me l’a fait d’ailleurs fait remarquer Volker Dehs, d’après la correspondance avec ses parents, Jules Verne s’était proposé de faire copier son manuscrit : il est donc probable qu’une version plus achevée existe (ou a existé), dont le manuscrit conservé ne constitue que l’étape précédente.
Cette pièce n’a rien de véritablement révolutionnaire. Elle est sur la lignée, concernant bon nombre des procédés utilisés, des pièces, mais aussi des romans de l’époque romantique. Mais elle a la particularité d’avoir été écrite en une période post-romantique, d’où l’impression par moment d’exagération dans le lyrisme ou dans l’utilisation de certains thèmes, proches du pastiche ou de la dérision. En même temps, on a pu constater que certains sujets, certaines manières de faire annonçaient le Jules Verne des nouvelles et, surtout, le Jules Verne des Voyages extraordinaires. Il paraît donc important que les chercheurs, notamment parmi ceux dont la culture théâtrale est plus riche que la mienne, s’intéressent à ce Théâtre inédit si riche en découvertes, à ces œuvres de jeunesse qui jouent décidément un rôle plus important que celui que l’on veut bien leur accorder.
NOTES
- Encore une telle formulation tient-elle plus de l’instinct, du raisonnement logique, que de la preuve matérielle. Pour un grand nombre de pièces et de nouvelles de Jules Verne, il n’y a aucune autre indication que des liens avec l’actualité qui permettent de les situer dans une décennie plutôt que dans une autre. Une nouvelle comme Le Siège de Rome ou une pièce comme La Guimard pourraient finalement être datées aussi bien dans la décennie 1880, que dans la décennie 1850, même si à première vue, cela paraît peu vraisemblable. Toutefois, l’étude de l’écriture de Jules Verne, qui a évoluée au fil des ans, semble confirmer que les datations sont bonnes. ^
- Encore me montré-je sans doute trop optimiste en affirmant que tout le monde tombe d’accord pour l’année 1847 : on verra que les
années 1845-46 servent parfois d’années de départ pour la création vernienne. Mais en tout cas, pas s’agissant d’œuvres achevées.
On peut remarquer en passant qu’on se trouve face au même problème avec Shakespeare : on connaît une liste d’une demi-douzaine de pièces qui figurent parmi ses premières, mais laquelle est la première ? et de quelle année exacte date sa rédaction ? Mystère. ^ - Christian Chelebourg, « Les Drames de l’aube. Etude comparée des influences du drame romantique sur l’inspiration du jeune Jules Verne », in BSJV n° 114, 2e trim. 1995, p. 7. La source (unique) de cette fameuse tragédie est la biographie de Marguerite Allotte de la Füye, Jules Verne, sa vie, son œuvre, Paris, Hachette, 1953, pp. 22-23. ^
- Publié dans les Cahiers du centre d’études verniennes et du musée Jules Verne n° 8, Nantes, 1988, pp. 1-16. ^
- Rassemblées dans Jules Verne, Poésies inédites, éd. C. Robin, Paris, Le Cherche midi éditeur, 1989, « La Bibliothèque Verne ». ^
- Roman inachevé qui apparaît (avec son canevas) dans Jules Verne, San Carlos et autres récits inédits, éd. J. Davy, R. Miannay, C. Robin, C. Sainlot, Paris, Le Cherche midi éditeur, 1993, « La Bibliothèque Verne », pp. 178-206. ^
- Sans compter un mystérieux « vaudeville », signalé et situé en 1845 par Alexandre Tarrieu sous la désignation suivante : « aurait été écrit avec Marcel Schwob et aurait été diffusé sous le manteau au Cercle de la cagnotte – non prouvé. » (Alexandre Tarrieu, « Voyage au centre du théâtre », in Revue Jules Verne n° 11, Amiens, CIJV, 1er sem. 2001, p. 12.) ^
- Mais existe-t-il vraiment une certitude que les drames aient précédé les comédies ? Il n’y a en tout cas pas de preuves matérielles, à partir du moment où la majorité des manuscrits ne comportent aucune date. On notera que Robert Pourvoyeur, qui fut sans conteste le plus grand spécialiste du théâtre vernien et a écrit moult articles sur le sujet, ne s’est jamais prononcé sur la datation des toutes premières pièces. ^
- Voir Samuel Sadaune, « Suite à Jules et Boz », in BSJV n° 141, 1er trim. 2002, pp. 9-10, dans lequel je me reporte à une similarité entre le canevas de ce roman et l’intrigue d’un roman de Dickens, Martin Chuzzlewit, traduit en français seulement en 1858. Si l’hypothèse d’une datation plus tardive que j’émets est loin d’être prouvée, cette circonstance me paraît assez troublante pour qu’on puisse considérer au minimum la datation de Jédédias Jamet comme incertaine. ^
- Dates qui sont également signalées sur le Catalogue des manuscrits de Jules Verne de la Bibliothèque Municipale de Nantes, p. 31. ^
- Christian Chelebourg, « Les Drames de l’aube… », op. cit., p. 8, note 4. ^
- Christian Robin, « Notice » à La Conspiration des Poudres, in Jules Verne, Théâtre inédit, Paris, le Cherche midi éditeur, 2005, « La Bibliothèque Verne », p. 19. ^
- Pour Un fils adoptif, voir le Bulletin qui lui est consacré : BSJV, n° 140, 4e trim. 2001. ^
- Volker Dehs, Jules Verne, Artemis & Winkler, Düsseldorf und Zürich, 2005, pp. 48-50. ^
- Christian Chelebourg, « Les Drames de l’aube… », op. cit., p. 9. ^
- Christian Robin, « Notice » à La Conspiration des Poudres, op. cit., p. 18. ^
- Ibid, p. 111. ^
- Christian Robin n’a pas jugé bon de numéroter les vers de la pièce, sans doute du fait des nombreux problèmes causés par l’illisibilité et par les variantes qui suscitaient tant de choix cornéliens. Toutefois, pour des questions de clarté, il me paraît important de pratiquer cette numérotation, en prenant la précaution de rappeler qu’elle se rapporte à un choix subjectif (mais malgré tout judicieux) de la part des éditeurs face à un état manuscrit. ^
- Jules Verne, La Conspiration des Poudres, in Jules Verne, Théâtre inédit, op. cit., p. 23. ^
- Ibid, V, 2, p. 96, vers 1780-1783. ^
- Ibid, p. 25. ^
- Ibid, p. 72. ^
- Christian Chelebourg, « Les Drames de l’aube… », op. cit., p. 8. ^
- Rappelons que ce compte est fait à partir des choix éditoriaux de Christian Robin et de son équipe, à partir des éléments dont ils disposaient dans le manuscrit. ^
- Christian Chelebourg, « Les Drames de l’aube… », op. cit., p. 15. ^
- Jules Verne, La Conspiration des Poudres, op. cit., p. 23. ^
- Ibid, p. 107. ^
- Ibid, p. 65, vers 1146. ^
- Victor Hugo, « Préface », in Cromwell [Paris, Dupont, 1827], éd. A. Ubersfeld, Paris, Garnier-Flammarion, 1968, « GF », p. 81. ^
- Ibid., p. 96. ^
- Jules Verne, La Conspiration des Poudres, op. cit., I,1, p. 23, vers 17-18. ^
- Ibid., IV, 1, p. 76, vers 1395-1405. ^
- Ibid., IV, 10, p. 93, vers 1756-1757. ^
- Ibid., I,3 p. 28, vers 179-180. ^
- Ibid., V, 9, p. 109, vers 2121. ^
- Ibid., V, 4, p. 104, vers 2011-2012. ^
- Ibid., V, 3, p. 99, vers 1894-1906. ^
- Ibid., V, 2, p. 96, vers 1809-1812. ^
- Je pense notamment aux Châteaux en Californie, ou encore à Clovis Dardentor dans lequel il y a toute une intrigue autour des mots « astronome » et « gastronome », ou encore l’effet d’une « cataracte » des chutes du Niagara sur la cataracte de l’héroïne d’Une ville flottante, etc., etc. ^
- Victor Hugo, Cromwell, op.cit., I, 5, p. 139, vers 502. ^
- Verne, La Conspiration des Poudres, op. cit., I,1, p. 24, vers 32. Ce vers nous renvoie à la célèbre formule pascalienne : « Par l’espace, l’univers me comprend et m’engloutit ; par la pensée, je le comprends. » ^
- Ibid., IV, 1, p. 76, vers 1087. Le vers parodie la réplique célèbre d’Œdipe : « Hélas ! Hélas ! qu’il est terrible de savoir, quand le savoir ne sert de rien à celui qui le possède ! » (Sophocle, Œdipe Roi, acte V) ^
- Ibid., I, 2, p. 24, vers 51-54. Ces vers sont à rapprocher bien sûr de ceux prononcés par Rodrigue : « Sais-tu que ce vieillard fut la même vertu, La vaillance et l’honneur de son temps ? Le sais-tu ? » (Corneille, Le Cid, II, 2, vers 309-400) ^
- Ibid., II, 4, p. 46, vers 654. On pense ici à la réplique de Géronte (« Mais qu’allait-il faire dans cette galère »), qui apparaît dans Les Fourberies de Scapin, de Molière. ^
- Ibid., I,3, p. 28, vers 193. ^
- Ibid., I, 4, p. 30, vers 255. ^
- Ibid., I,9, p. 36, vers 442-446. ^
- Ibid., II,1, p. 38, vers 467-473. ^
- Ibid., I,3, p. 27, vers 140-155. ^
- Ibid., II, 2, p. 43, vers 588-593. ^
- Ibid., IV, 8, p. 92, vers 1744-1750. ^
- Pensons aussi au cas assez particulier d’Ivanhoé, dans le roman du même nom : le jeune héros, au moment le plus crucial du roman, l’attaque du château de Torquilstone, est emprisonné à l’intérieur, blessé, allongé sur sa couche, et se fait raconter ce qui se passe par la belle Rebecca ! ^
- Jules Verne, La Conspiration des Poudres, op. cit., I, 2, p. 25, vers 65-69. ^
- Ibid., IV, 2, p. 78, vers 1454-1459. ^
- Ibid., I, 8, p. 34, vers 370-384. ^
- Ibid., I, 8, p. 35, vers 391-398. ^
- Ibid., I, 8, p. 35, vers 414-418. ^
- Ibid., II,2, p. 41, vers 567-568. ^
- Ibid., IV, 7, p. 89, vers 1701-1705. ^
- Ibid., V, 3, pp. 80-81, vers 1518-1525. ^