Verniana — Jules Verne Studies/Etudes Jules Verne — Volume 11 (2018–2020) — 67–102
Submitted January 3, 2019 Published December 29, 2019
Proposé le 3 janvier 2019 Publié le 29 décembre 2019

Un « OXYGEN » en Grande Bretagne et aux USA, sans Offenbach !

Philippe Burgaud


Abstract

The short story by Jules Verne A Fantasy of Doctor Ox was fortunate enough to be adapted into a burlesque show in Great Britain, at about the same time as the adaptation made in France by Gille and Mortier with Offenbach's music. And this show supported by “the queen of burlesque”, Lydia Thompson, will have great success in Great Britain first, then in the United States. Lydia Thompson was a singer, dancer, actress; she toured Europe and the United States. With her troupe the “British Blondes” she was very successful in America. Back in London her husband buys a theater and one of the first shows will be the creation of “Oxygen - or Gas in Burlesque Meter”. Adapted by two British specialists, R. Reece and H.-B. Farnie, who used to adapt successful European operettas and operas for London stages, the burlesque shape then fashionable suited the short story by Jules Verne. After London and a British tour, Lydia Thompson's troupe plays in various major American cities, and in the face of success this Oxygen will be taken over by other American theatrical companies as well. A brilliant adaptation for this Jules Verne short story.

Résumé

La nouvelle de Jules Verne Une fantaisie du Docteur Ox a eu la chance d’être adaptée en spectacle burlesque en Grande Bretagne, à peu près en même temps que l’adaptation faite en France par Gille et Mortier avec la musique d’Offenbach. Et ce spectacle porté par « la reine du burlesque », Lydia Thompson, va avoir un grand succès en Grande-Bretagne d’abord, puis aux Etats-Unis. Lydia Thompson est chanteuse, danseuse, actrice ; elle fait des tournées en Europe et aux Etats-Unis. Avec sa troupe les « British Blondes » elle rencontre un grand succès en Amérique. De retour à Londres son époux rachète un théâtre et l’un des premiers spectacles sera la création de « Oxygen – ou Le Gazomètre burlesque ». Adaptée par deux spécialistes britanniques, R. Reece et H.-B. Farnie, qui avaient l’habitude de transformer les opérettes et opéras à succès européens pour les scènes londoniennes, la forme burlesque alors à la mode convenait bien à cette nouvelle de Jules Verne. Après Londres et une tournée britannique, la troupe de Lydia Thompson joue dans diverses grandes villes américaines, et devant le succès cet Oxygen sera repris aussi par d’autres troupes théâtrales américaines. Une brillante adaptation pour cette nouvelle de Jules Verne.

Introduction

Dans le numéro 188 (avril 2015) du Bulletin de la Société Jules Verne [1] une adaptation anglaise du Docteur Ox est mentionnée comme « un plagiat » de l'opéra-bouffe d'Offenbach. En effet en avril 1877, l'ouverture de la saison théâtrale du Folly Theater à Londres se fait avec une bouffonnerie « extravagante » intitulée “OXYGEN; or Gas in Burlesque Meter” (OXYGEN ou Le Gazomètre burlesque).

Ce spectacle est évidemment inspiré par Une fantaisie du Docteur Ox de Jules Verne et aurait aussi été inspiré par celui d'Offenbach, d'après plusieurs journaux londoniens :

 

The Illustrated Sporting and Dramatic News, 21 avril 1877 (Extrait)

 

M. Jules Verne's ingeniously humorous notion which form the basis of his story, "Le Docteur Ox," has been turned to profitable use by M. Offenbach in his opera bouffe of the same title, of which the new extravaganza entitled Oxygen, at the FOLLY Theatre is a free rendering, nor have the humours of the original altogether evaporated in Messrs. Reece and Farnie's version. [2]
“At the Folly Mr Reece and Mr Farnie have combined in the task of preparing an extravaganza, under the title of “Oxygen; or Gas in Burlesque Meter”, founded on the “Docteur Ox” of Jules Verne and Offenbach... [3]
 
L'idée ingénieusement humoristique de M. Jules Verne qui est à la base de son histoire, Le Docteur Ox, a été mise à profit par M. Offenbach dans son opéra bouffe du même titre, dont la nouvelle extravagance intitulée Oxygen, au Théâtre FOLLY est une interprétation libre, et l'humour de l'original ne s'est pas entièrement évaporées dans la version de Messieurs Reece et Farnie.
Reece et Farnie ont travaillé ensemble pour préparer un spectacle extravagant au Folly, sous le titre Oxygen ; ou Le Gazomètre burlesque, basé sur le Docteur Ox de Jules Verne et Offenbach.

L'adaptation de Gille et Mortier avec la musique de Jacques Offenbach a été créée le 26 janvier 1877 au théâtre des Variétés et la presse britannique en a parlé alors assez longuement, résumant l'essentiel de la pièce et louant la qualité de la musique d'Offenbach, des décors et des costumes [4]. Il faut aussi noter que la musique d'Offenbach est très appréciée à Londres et que ses opérettes sont régulièrement à l'affiche de nombreux théâtres en Grande Bretagne. D'ailleurs en cette année 1877 se joue à Londres Orphée aux enfers.

Mais cette référence de la presse londonienne à la pièce éponyme d'Offenbach a profondément déplu aux auteurs de cette bouffonnerie, Robert Reece et Henry Brougham Farnie [5]. L'article du Bulletin de la Société Jules Verne déjà cité signale d'ailleurs un article du journal Le Figaro dans lequel les auteurs du livret, Philippe Gille et Arnold Mortier, se plaignent de ce pillage de leur travail et annoncent qu'ils envisagent de porter plainte [6].

 

The Illustrated Sporting and Dramatic News, 21 avril 1877 (extract)

 

R. Reece de son côté réplique en faisant paraître le communiqué suivant par une lettre envoyée à l'éditeur de la revue The Era :

Sir, – Will you permit me, in justice to Mr Farnie and myself, to state that the burlesque of Oxygen is not in any way founded on, or suggested by, Offenbach's opera Le Docteur Ox. The principal idea is taken from Jules Verne's novel; but the whole of the caracterisation, action, and mise-en scene is original. Neither Mr Farnie nor myself has seen the opera or read the libretto; on the contrary, the plot of Oxygen was projected two years ago. I mention these circumstances because the French authors are exceedingly irate at the success of the burlesque, which they assert is Offenbach's opera adapted, without having taken the pains to assure themselves of the contrary.
I am, Sir, your obedient servant                                        ROBERT REECE  [7]
Monsieur, - Permettez-moi, pour rendre justice à M. Farnie et moi-même, de dire que le burlesque d'Oxygen n'est en aucune façon basé sur ou suggéré par l'opéra Le Docteur Ox d'Offenbach. L'idée principale est tirée du roman de Jules Verne, mais l'ensemble de la caractérisation, de l'action et de la mise en scène est original. Ni M. Farnie ni moi-même n'avons vu l'opéra ni lu le livret; au contraire, l'intrigue d'Oxygen a été préparée il y a deux ans. Je mentionne ces circonstances parce que les auteurs français sont extrêmement irrités par le succès du burlesque, qu'ils affirment être une adaptation de l'opéra d'Offenbach, sans avoir pris la peine de s'assurer du contraire.
Je suis, Monsieur, votre serviteur obéissant                                         ROBERT REECE

Il n'y a pas eu, semble-t-il, de suite à cette affaire. Il n'est nulle part fait mention d'un quelconque procès, que ce soit dans la presse française ou dans celle d'outre-Manche ; Jules Verne ne s’est pas non plus manifesté, aucune lettre notamment à son éditeur ne mentionne cet Oxygen, alors que cette pièce s'inspire totalement de sa nouvelle ; les adaptateurs ne s'en cachent d'ailleurs pas. Ce spectacle burlesque ne doit pas grand-chose à l'opéra-bouffe d'Offenbach.

Les auteurs

Qui sont donc les auteurs de cet Oxygen ?

Robert Reece est un acteur comique réputé et un célèbre auteur de livrets de l'époque victorienne. Il transforme habilement les traditionnelles pièces européennes en trois actes en deux actes à la mode britannique. Son très grand succès sera l'adaptation de l'opérette Les cloches de Corneville, qui sera jouée plus de sept cents fois, un record à l'époque. Avec son complice H.B. Farnie il produira plus d'une quinzaine de livrets dont cet Oxygen dont il est question ici.

 

Robert Reece (The Entr'acte, 11 juillet 1891, p. 4) H.B. Farnie (caricature de 1882, Wikipedia)

 

Lors du décès de Robert Reece, une connaissance dira de lui :

He was a neat and witty versifier, and altogether a fellow of infinite jest. Some of the burlesques he wrote for the Gaiety were admirably constructed, and teemed with literary merit [8].
C'était un versificateur soigné et plein d'esprit, et un homme avec un humour infini. Certains des burlesques qu'il a écrits pour la Gaieté étaient admirablement construits et empreints de valeur littéraire.

De son côté Henry Brougham Farnie est un librettiste reconnu qui s'est fait une spécialité de traduire et d'adapter en anglais de célèbres opérettes, notamment celles d'Offenbach. Malgré le succès populaire de ses adaptations au moment de leurs représentations, à sa mort, les critiques louèrent son talent mais furent plus réservées sur l'homme :

...Apart from his skill as an playwright, he was one of the most prolific adapters of French comic opera, and it may be said that he was the first to familiarize the English stage with the lyric humour of “opera-bouffe”... [9]
The death of Mr. H. B. Farnie serves to recall most of the history of opera-bouffe in this country, for he was associated with it from the time it raised its head here. And though he was not equal to lofty flights, he could adapt English words to French music with better results than most men of his generation. I don't suppose that his passing away will draw forth many tears; for though he no doubt possessed many good gifts, he was a singularly unpopular man. He never was known to stick out for his pound of flesh if he could get a pound and a quarter. Be this as it may, many an English manager should gratefully remember him, for he put lots of money in their purses [10].
 
...Outre son talent de dramaturge, il fut l'un des adaptateurs les plus prolifiques de l'opéra comique français, et il a peut-être été le premier à familiariser la scène anglaise avec l'humour lyrique de l'opéra-bouffe...
Le décès de M. H. B. Farnie nous rappelle la majeure partie de l'histoire de l'opéra-bouffe dans ce pays, car il y a été associé et il a grandi avec. Et bien qu'il n'ait pas articipé aux plus grands succès, il a su adapter les mots anglais à la musique française avec de meilleurs résultats que la plupart des hommes de sa génération. Je ne pense pas que sa mort fera couler beaucoup de larmes ; car, s'il possédait sans doute beaucoup de bons dons, il était un homme singulièrement impopulaire. Il n'a jamais été connu pour accepter une livre de viande s'il pouvait en obtenir une livre et quart. Quoi qu'il en soit, beaucoup de directeurs anglais devraient se souvenir de lui avec reconnaissance, car il leur a permis de gagner beaucoup d'argent.

Cet Oxygen est donc une bouffonnerie « extravagante » comme cela est présenté par la presse londonienne en avril 1877 :

To the inventive genius and humorous perception of M. Jules Verne the world is indebted for many a pleasant work of fiction, wherein marvellous facts are sought to be established upon the firm basis of science. The burlesque of Oxygen ; or Gas in Burlesque Metre, which form the Easter novelty at this little house, is an adaptation by Messrs R. Reece and H.B. Farnie of one of this productions, and affords an excellent case in point [11].
Grâce au génie inventif et à la perception humoristique de M. Jules Verne, le monde doit beaucoup à une œuvre de fiction agréable, où l'on cherche à établir des faits merveilleux sur la base solide de la science. Le burlesque d'Oxygen; ou Le Gazomètre burlesque, qui constitue la nouveauté pascale de cet petit théâtre, est une adaptation par Messieurs R. Reece et H.B. Farnie d'une de ses productions, et constitue un excellent exemple de genre d'adaptation.

Vous avez dit « burlesque »

Mais que sont donc ces pièces « burlesques » anglosaxonnes ?

En fait il s'agit de se moquer de sujets sérieux, par exemple des œuvres de Shakespeare, en les interprêtant de façon caricaturale, parodique, avec des travestis, pour une présentation amusante et pittoresque. Cette façon de faire existe depuis le XVIIème siècle, mais a connu un âge d'or en Angleterre pendant la période victorienne, soit entre 1860 et 1890.

 

Exemple d'affiche pour des spectacles « burlesques » aux USA

 

On part d'un opéra ou d'une opérette bien connu du public en modifiant les situations, en faisant des chansons comiques sur la musique d'origine, ou en introduisant des chansons populaires, avec des sketchs et des gags, plus ou moins absurdes. On va ainsi s'emparer du répertoire du théâtre classique, des Contes des Mille et Une Nuits, des légendes grecques ou latines. Il y a une certaine similitude avec ce qui se passe alors en France ; les opérettes d'Offenbach, comme La Belle Hélène, ou Orphée aux enfers s'inspirent aussi de l'antiquité.

Les acteurs sont le plus souvent des actrices travesties pour interpréter des rôles masculins ; la danse y joue un grand rôle, et les costumes sont taillés pour laisser voir les jolies jambes de ces demoiselles gaînées de collants blancs ou roses.

Ce type de spectacle se développera aussi aux Etats-Unis à partir de la fin des années 1860, notamment avec l'arrivée des “British Blondes”, c'est-à-dire la troupe de Lydia Thompson. En Amérique ce genre évoluera ensuite vers des spectacles destinés à des publics plutôt masculins, spectacles présentés alors dans les clubs, les cabarets ou les music-halls, le strip-tease faisant son apparition au début des années 1900.

Ainsi Ben-Hur avec sa célèbre course de chars va être présenté avec des conductrices de chars à la poitrine avenante et en jupette, les chevaux étant munis de patins à roulettes.

En Angleterre, quelques théâtres de Londres vont faire leur spécialité des comédies burlesques. Au départ il s'agit de petites pièces, de pantomimes, de scénettes avec gags, qui font la première partie d'un autre spectacle plus sérieux, puis cela va se transformer en un spectacle à part entière.

La reine du burlesque

Le succès d'Oxygen en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis est indubitablement dû en grande partie à l'actrice anglaise Lydia Thompson, car c’est certainement grâce à elle que le spectacle va connaître un grand succès, bien plus important que l’adaptation de Gille et Mortier en France [12].

Parmi les théâtres qui vont produire ces « extravagances » en Grande Bretagne il y a, à Londres, le Folly Theater ; il devient le temple du music-hall et des comédies burlesques après avoir été repris en 1876 par Alexander Henderson [13], dont l'épouse Lydia Thompson est alors une actrice fort appréciée en Angleterre, en Europe et aux Etats-Unis. Lydia Thompson [14] sera d'ailleurs nommée « la Reine du Burlesque ».

Danseuse et chanteuse, elle débute une brillante carrière dès le début des années cinquante. Elle est première danseuse dans divers spectacles londoniens au Haymarket Theater, au Globe Theater, au St James's Theater. Reconnue comme une excellente danseuse, elle part en tournée à travers l'Europe. On pourra l'applaudir en France, en Autriche, en Russie, en Allemagne, etc. Ainsi elle se produit à Leipzig en 1856.

Mais on la verra à nouveau en 1876 en Autriche comme chanteuse interprétant diverses romances en allemand, anglais, français et italien, s'accompagnant elle-même à l'aide d'un seraphonium. Le journal autrichien précise à l'usage de ses lecteurs que le séraphonium est un nouvel instrument dont la sonorité s'apparente à celle d'un orgue, mais en plus doux [15].

Interprétant des rôles aussi bien féminins que masculins, elle intègre à partir de 1864 la troupe de Alexander Henderson, en jouant le rôle titre dans une comédie burlesque Ixion [16] qui sera un immense succès et sera jouée un grand nombre de fois, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.

Ixion est l’archétype du spectacle burlesque en Grande-Bretagne, et la description qui en est faite par Kurt Gänzl d’un spectacle burlesque en parlant d’Ixion peut s’appliquer tout à fait à Oxygen :

Ixion was a typical, if top-rank, example of the theatrical burlesque of the early Victorian era. It took a well-known story from the classics... and used it as the often decidedly thin basis for a zanily grotesque and thoroughly pictorial piece of entertainment featuring extravagant humor of both the physically clowning and the textually tortured kinds, combined with songs made up from popular tunes set with topical, satirical, and suitable-to-the-subject (more or less) new lyrics, and a goodly dose of dance, both graceful and comical —not to mention some dashing examples of the scene painters' and mechanists' arts. The subjects chosen for burlesques obligatorily allowed for gaily extravagant costumes and accessories, particularly where the ladies of the cast were concerned, and in burlesque the ladies made up the heart of the cast, very often in male roles [17].
Ixion était un exemple typique, quoique de premier ordre, du burlesque théâtral du début de l'ère victorienne. Il s'est inspiré d'une histoire bien connue des classiques... et s'en est servi comme base, souvent très mince, d'un divertissement pictural grotesque et minutieux, avec un humour extravagant aussi bien dans le comportement physique qu'au niveau du texte, et des chansons composées à partir d'airs populaires, aux paroles plus ou moins actuelles, satiriques et adaptées au sujet, et une bonne dose de danse, à la fois gracieuse et comique, sans parler de quelques beaux exemples de l'art des décorateurs de scène et de celui des mécaniciens. Les sujets choisis pour les burlesques devaient impérativement permettre des costumes et accessoires gaiement extravagants, particulièrement en ce qui concerne les dames de la distribution, et en burlesque les dames constituaient le cœur de la distribution, très souvent dans des rôles masculins.

Lydia Thompson a épousé Henderson en 1868 et le couple s'est rendu avec sa troupe aux Etats-Unis pour une tournée de six mois qui va en fait durer six ans ! Les “British Blondes” rencontrent un énorme succès et toutes les villes américaines souhaitent pouvoir les voir sur scène. New-York leur fait un triomphe, notamment avec cet Ixion :

Underdressed women playing sexual aggressors, combining good looks with impertinent comedy – in a production written and managed by a woman? Unthinkable! No wonder men and adventurous wives turned out in droves, making Thompson and her "British blondes" the hottest thing in American show business. Demand for tickets was such that Ixion soon moved to Broadway's most prestigious musical house, Niblo's Garden... [18]
Des femmes peu vêtues jouant des agresseurs sexuels, alliant beauté et comédie impertinente - dans une production écrite et dirigée par une femme ? C'est impensable ! Pas étonnant que les hommes et les femmes ayant soif d'aventures soient venus en masse, faisant de Thompson et de ses « blondes britanniques » la chose la plus chaude dans le show business américain. La demande de billets est telle qu'Ixion s'installe rapidement dans le plus prestigieux théâtre musical de Broadway, Niblo's Garden...

 

Lydia Thompson dans Ixion (Library of Congress) Lydia Thompson dans Magic Toys

 

Publicité allemande pour un spectacle de Lydia Thompson en 1856

 

Publicité autrichienne pour un spectacle de Lydia Thompson

 

C'est à cette occasion qu'un nouvel acteur comique anglais rejoint l'équipe de Lydia Thompson, Willie Edouin. Pendant plusieurs années il jouera régulièrement avec Lydia Thompson dans les spectacles montés par Henderson.

Durant ce séjour américain, Lydia Thompson montra qu'elle était aussi une femme énergique, et qu'elle ne s'en laissait pas compter. Elle va faire la une de la presse américaine, les articles américains étant repris aussi bien en Angleterre qu'en France à la suite d'une altercation qu'elle eut avec le directeur du Chicago Times Wilbur F. Storey [19]. Dans un violent article Storey critique son spectacle mettant en cause la vertu des actrices de la troupe de Miss Thompson et écrivant : « il faut balayer le théâtre où jouent ces dames » ; ce que le journal parisien La Presse reprend textuellement en précisant que M. Storey voulait sans doute dire :

« Il faut nettoyer les écuries d'Augias, » tant le jeu de ces actrices lui avait paru inconvenant, scandaleux même [20].

Miss Thompson et sa collègue, Miss Markham, se rendirent au domicile de ce monsieur et lui portèrent plusieurs coups de cravaches au visage. Il tenta en vain de sortir son revolver, mais reçut un nouveau coup à la figure. La police dut intervenir ; les différents protagonistes furent conduits au poste de police et les demoiselles furent condamnées à payer une lourde amende. Mais Miss Thompson déclara par la suite qu'elle était fière de ce qu'elle avait fait, ce monsieur ayant proféré à son encontre les pires insultes qu'une femme puisse entendre.

Cette affaire fit grand bruit, au point qu'elle est également rapportée par le musicien Henri Kowaslki :

Pendant mon séjour à Chicago, j'ai l'heureuse chance de pouvoir entendre Mlle Lydia Thompson, la reine des blondes et la Schneider de l'Amérique. Elle faisait fureur dans le moment car elle venait d'accomplir une prouesse sans exemple. Le directeur du Times, de Chicago, l'ayant plus que critiquée dans son journal, Mlle Lydia Thompson, solide gaillarde, avait administré, en pleine rue, à ce censeur trop sévère, la plus jolie raclée qui puisse se recevoir [21].

Tenant les premiers rôles dans les spectacles produits par son époux, Lydia Thompson et sa troupe de danseurs, chanteurs, mimes, etc. aura énormément de succès lors de ses nombreuses tournées en Europe et aux Etats-Unis.

Parmi les spectacles burlesques montés régulièrement figuraient de grands classiques comme Field of the Cloth of Gold (Le Camp du drap d'Or), Ixion, The Forty Thieves (Les Quarante Voleurs d'après le conte Ali Baba et les quarante voleurs) dans lesquels Lydia tenait souvent le rôle principal.

Quand elle prit sa retraite en 1899, complètement ruinée, un spectacle fut donné à son profit à Londres, et des artistes français firent de même le 1er juin 1899. La presse française rappella à cette occasion que Lydia Thompson, pendant sa tournée américaine, apporta une aide financière aux artistes français victimes de la guerre de 1870 :

Le jeudi 1er juin (1899) aura lieu, à la Porte Saint Martin, une matinée extraordinaire donnée par les artistes de Paris, au bénéfice de la célèbre comédienne anglaise Lydia Thompson qui prend sa retraite dans des circonstances difficiles. Les artistes parisiens ont tenu à donner cette marque d'estime, - et de gratitude - à Miss Lydia Thompson, en souvenir de son attitude admirable envers ses camarades français, lors de la guerre franco-allemande...
Miss Lydia Thompson donna, en effet, cinq représentations, aux Etats-Unis, au bénéfice des artistes français, et joignit aux recettes importantes de ces représentations un don personnel... [22]

A New-York aussi aura lieu un spectacle dont le bénéfice fut offert à Lydia Thompson :

BENEFIT TO LYDIA THOMPSON A GREAT TRIBUTE BY THE PEOPLE AND THE STAGE — Lydia Thompson in Her Variety — This notable actress of a generation gone, who has the good will of her fellow players to a remarkable extent, was complimented yesterday by a benefit that brings her $ 15,000, and caused an extraordinary gathering of people both on the stage and in the auditorium [23].
AU PROFIT DE LYDIA THOMPSON — UNE GRANDE CONTRIBUTION DES SPECTATEURS ET DE LA SCĖNE — Lydia Thompson dans ses rôles — Cette actrice remarquable d'une génération disparue, appréciée de ses collègues dans une mesure remarquable, a été récompensée hier par une prestation qui lui rapporte 15 000 $, et a provoqué un extraordinaire rassemblement de gens sur scène et dans la salle.

Création d'Oxgen

De retour des USA la troupe de Lydia Thompson s'installe en septembre 1876 dans le Charing Cross Theater que Henderson, le mari de Lydia, vient d'acheter. Le théâtre est rebaptisé Folly Theater. Le premier spectacle est une reprise, Barbe Bleue, joué plus de mille fois, notamment aux Etats-Unis pendant la tournée de 1868 à 1874. Il sera suivi par un nouveau spectacle burlesque créé par H.B. Farnie et qui deviendra un grand succès populaire, The Very Latest Edition of Robinson Crusoe. Ce spectacle humoristique sera repris pendant de nombreuses années. Lydia Thompson y tient alors le rôle de Robinson Crusoe.

Puis va suivre Oxygen, donc un des premiers spectacles de ce nouveau Folly Theater. La première a lieu le 31 mars 1877, et la pièce sera jouée jusqu'à la fin de la saison théâtrale le 7 juillet 1877, avec le début de la tournée d'été des troupes théâtrales dans les autres villes de Grande-Bretagne.

 

The Illustrated Sporting and Dramatic News, 21 avril 1877

 

Il faut bien admettre que le sujet de la nouvelle de Jules Verne « Une fantaisie du docteur Ox » est un sujet idéal pour une comédie burlesque à l'anglaise.

Kurt Gänzl résume ainsi la pièce (p. 184) :

The story dealt with what happens in a sleepy town when the Prince and the Doctor (Phil Day) let loose a supply of the titular oxygen and mistake their dose. The whole town goes crazy, the modest girls become forward, the town dignitaries break into song and dance, and in the end civil war threatens to break out. Fortunately the gas metre then explodes, and things can, as the piece ends, return to normal.
L'histoire raconte ce qui se passe dans une ville endormie quand le Prince et le Docteur lâchent de l'oxygène et se trompent de dose : toute la ville devient folle, les filles modestes se mettent en avant, les dignitaires de la ville se mettent à chanter et à danser, et à la fin la guerre civile menace d'éclater. Heureusement, le compteur de gaz explose alors, et les choses peuvent, à la fin de la pièce, revenir à la normale.

Il semble donc bien que cette adaptation suive d'assez près la nouvelle de Jules Verne. Il n'y a pas cette idylle entre Prascovia et Ox, ajoutée pour corser l'opéra-bouffe par Gille et Mortier. D'ailleurs la distribution montre bien que n'y figure pas cette troupe de bohémiens ajoutée par les auteurs de l'opéra-bouffe. Comme l'a écrit Robert Pourvoyeur :

Ce qui est curieux, c'est lorsque Mortier et Gille adapteront la nouvelle à la scène... ils jugeront nécessaire d'y insérer, pour le contraste théâtral sans doute, un élément étranger qui constitue d'ailleurs un archétype des éternelles situations reproduites sur les scènes d'opérette : une troupe de tziganes, déguisement d'une princesse « caucasienne » et de sa suite. Une note frivole et dansante va ainsi s'ajouter. [24]

Cette idylle n'aurait rien apporté de plus, compte tenu de la façon dont vont être traduits sur scène les éléments comiques contenus dans le texte de Verne. Les principaux interprètes sont :

 

Prince Fritz of VirgamenLydia Thompson
Hanserl et OttoEmily Duncan et Marie Williams
Doctor Ox, professeur de chimie de GöttingenPhilipp Day
Van Tricasse le bourgmestreLionel Brough
NiclausseAlfred Nelson
Franz, son fils amoureux de SuzelWillie Edouin
Tarantula, la directrice de l'opéra de QuiquendonneElla Chapman
Van Blazen, le messager de VirgamenLaura Carthew
Suzel, la fille du bourgmestreViolet Cameron
Lottchen, et Gretchen, ses amiesLina Merville et Rozie Lowe
Hermance, la gouvernanteHarriet Covenay

 

Lydia Thompson est un prince merveilleux en superbe costume de hussard. Ses danses et ses chants font la joie des spectateurs :

Miss Lydia Thompson, however, set an excellent example by her expressive acting and the earnest but unexaggerated manner in which she gave point to her lines [25].
Mlle Lydia Thompson a cependant fourni un excellent exemple de son jeu expressif et de la manière sérieuse mais non exagérée avec laquelle elle a présenté son texte.

The Era du 8 avril 1877 s'interroge longuement sur le sens de cette nouvelle pièce, le premier acte étant assez désarçonnant pour les habitués du Folly Theater :

“Well, and what of the Folly?” This will be the first question asked by all interested in the fortunes of this merry little Theater when it is known that the last popular entertainment has been finally “put in the bag” and locked up, and that Eastertide brings with it a full flow of new merriment and humour. The mere announcement of the "entirely new and fanciful extravaganza" look appetising. Oxygen ; or Gas in Burlesque Metre, this surely must be one of the wild eccentricities of Mr Robert Reece — ever happy in titles and excellently neat in versification — who happily for all playgoers has joined hands with Mr H.B. Farnie, well known for his musical wedding of good tunes to funny words, and has determined once for all that burlesque shall not necessarily be destitute of literary quality, and that it is possible to rescue fun from the swamp into which some dazzling “will o' the wisp” has led it... The primary notion given, away go the merry burlesque writers, tumbling head over heels, delighted with their subject, and prepared to pun and joke, and bring out the best points of all the pretty young ladies who persistently assemble under the banner of Mr Alexander Henderson. The mere mention of a new extravaganza at the Folly suggests a dozen questions at very least.
« Et qu'en est-il du Folly » ?" Ce sera la première question que se poseront tous ceux qui s'intéressent à l'avenir de ce joyeux petit théâtre lorsqu'on saura que le dernier divertissement populaire a finalement été « mis dans le sac » et bouclé, et que la fête de Pâques apporte avec elle un flot de nouvelle joie et d'humour. La simple annonce de l'« extravagance entièrement nouvelle et fantaisiste » a l'air alléchante. Oxygen; ou Gaz au compteur burlesque, ce doit sûrement être l'une des excentricités sauvages de M. Robert Reece ― toujours heureux avec les titres et excellemment soigné en versification ― qui a travaillé avec bonheur pour tous les amateurs de spectacles la main dans la main avec de M. H.B. Farnie, bien connu pour marier musicalement de bonnes mélodies aux paroles drôles, a déterminé une fois pour toutes que le burlesque ne sera pas nécessairement dépourvu de qualité littéraire, et qu'il est possible de sauver le divertissement du marécage dans lequel un rêve illusoire et scintillant l'a mené.... L'idée première établie, les joyeux écrivains burlesques démarrent, enchantés de leur sujet, prêts à faire des jeux de mots et des blagues, et à faire ressortir les meilleurs atouts de toutes les jolies jeunes femmes qui se rassemblent sans cesse sous la bannière de Mr Alexander Henderson. La simple mention d'un nouveau spectacle extravagant au Folly suggère au moins une douzaine de questions.

Le journaliste se pose ensuite toute une liste de questions en se demandant comment vont pouvoir se débrouiller les différents acteurs dont il énumère les compétences artistiques. Il présente alors la situation au début du spectacle :

In the first place, it is necessary to warn the public against any feeling of depression should the chance visitor happen to arrive during the first scenes of the play. It is unusual to find Mr Brough [26] in the doldrums, Mr Edouin [27] in profound state of melancholy, Miss Violet Cameron [28] as difficult to console as Calypso on the departure of Telemachus, and all the pretty young ladies at the Folly engaged on the domestic task of knitting. But this is all in the play. All the folks we have mentioned are supposed to be the inhabitants of Keekendon in Flanders, where placidity is triumphant and boredom profound. They doze, they sleep, they yawn, and they groan until who should come...
En premier lieu, il est nécessaire de mettre en garde le public contre tout sentiment de dépression au cas où le visiteur au hasard arriverait dans les premières scènes de la pièce. Il est inhabituel de trouver M. Brough en plein marasme, M. Edouin dans un état de mélancolie profonde, Mlle Violet Cameron aussi difficile à consoler que Calypso au départ de Télémaque, et toutes les jolies jeunes filles de la Folly engagées dans la tâche domestique du tricot. Mais tout cela est dans la pièce. Tous les gens que nous avons mentionnés sont censés être les habitants de Keekendon en Flandre, où la placidité est triomphante et l'ennui profond. Ils s'assoupissent, ils dorment, ils bâillent et ils gémissent jusqu'à ce qui va se dérouler ensuite...

Le compte-rendu signale ensuite les personnages qui vont remettre un peu d'ambiance avec l'arrivée du Docteur Ox et de sa bande : Miss Lydia Thompson en Prince Fritz, Miss Duncan, l'étudiant Hanserl, Miss Marie Williams en Otto, et Philip Day, enfin le Docteur Ox lui-même de l'université de Göttingen. A noter cette « nationalisation » du Docteur Ox en professeur germanique. Est-ce parce que les auteurs de la pièce craignaient que leur public s'étonne de ne pas savoir d'où pouvait venir cet étrange savant, ou parce qu'il leur paraissait logique que de telles connaissances scientifiques viennent d'Allemagne ?

 

Violet Cameron

 

L'oxygène va conduire à une excitation générale de tous les acteurs :

the solemn faces break out smiles, the modest girls bestow unlimited kisses, the cowards become brave, the dullards make jokes, the heavy fellows break into conversations; and, as you may be sure, Prince Fritz and his companions rejoice heartily at the success of their pratical joke, for which Dr Ox stands proxy.
les visages impassibles éclatent de sourires, les filles timides distribuent des baisers illimités, les lâches deviennent courageux, les complexés font des blagues, les gros bonnets entrent en conversation ; et, comme vous pouvez en être sûr, le Prince Fritz et ses compagnons se réjouissent vivement du succès de leur farce pratique, dont le Dr Ox est mandataire.

Ce compte-rendu de la pièce de Reece et Farnie du 8 avril 1877 (The Era, p  5) reste un des plus complets disponibles.

Comme il se doit dans un spectacle burlesque, Miss Thompson tient donc le rôle du prince Fritz qu'elle interprète “with delightful gaiety of manner and unremitted drollery” (d'une délicieuse gaieté de caractère et d'une drôlerie inlassable). Elle porte “the prettiest and most becoming of dresses, dances and sings in a style that elicits the enthusiastic applause of the audience” (le plus beau et le plus élégant des costumes, des danses et des chants dans un style qui suscite les applaudissements enthousiastes de l'auditoire). Avec ses partenaires, Miss Chapman [29] et Mr Edouin, elle interprète “a laughable dance... with surprising expertness and agility” (une danse pleine de drôlerie... avec une habileté et une agilité surprenantes) [30].

Lionel Brough dans le rôle de Van Tricasse rencontre un égal succès avec les chants qui lui sont dévolus.

Ella Chapman est appréciée comme à chaque fois quand elle chante en s'accompagnant de son banjo :

Miss Ella Chapman as Tarantula manager of the Opera-house at Keekendone, also acts very pleasantly, and gives her clog dances and banjos solos with excellent effect [31].
Mademoiselle Ella Chapman, en tant que directrice de la Tarentule de l'Opéra de Keekendone, joue également de manière très agréable, et produit un excellent effet avec ses danses de sabot et des solos de banjos.

Les acteurs Willie Edouin en Frantz et Violet Cameron en Suzel chantent avec entrain.

Mr. Willie Edouin, as one of the apathetic inhabitants, gives excellent effect to the gradual relaxation of his muscles under the influence of this new excitement, while Mr. Lionel Brough sings a song upon the current topics of conversation in a manner humourously out of keeping with his previous solemnity of demeanour [32].
M. Willie Edouin, dans le rôle d'un des habitants apathiques, donne un excellent effet en relâchant graduellement ses muscles sous l'influence de cette nouvelle excitation, tandis que M. Lionel Brough chante une chanson sur les sujets de conversation courante d'une manière humoristique sans relation avec son comportement solennel précédent.
 
Mr. Willie Edouin, as Franz, a half-witted, overgrown boy, turns to good account his well-known skill in pantomimic action; his performance in the particular scene where, under the influence, of the mystical gas, he gradually passes from Beotian torpor into ecstatic transport, deserving particular praise [33].
M. Willie Edouin, dans le rôle de Franz, un garçon à l'air hagard ayant grandi trop vite, déploie son talent bien connu dans la pantomime ; en particulier sa performance dans la scène où, sous l'influence du gaz mystique, il passe progressivement de la torpeur béotienne au transport extatique, mérite des éloges particuliers.
 
Miss Violet Cameron, as the burgomaster's daughter, plays deliciously. Nothing can be prettier than her assumption of prudery, save, perhaps, that of fastness. The transition is worked out with a facility and finesse that one would scarcely expect to find in so very young an actress. Her singing, particularly in the old song "We are all a-nodding", was so fresh, and given with so much coquettish naivete, as to afford the greatest enjoyment to the audience [34].
Mlle Violet Cameron, dans le rôle de la fille du bourgmestre, joue délicieusement. Rien n'est plus agréable que son attitude de pudeur, si ce n'est, peut-être, celle de fermeté. La transition se fait avec une facilité et une finesse que l'on ne s'attendrait guère à trouver chez une actrice aussi jeune. Son chant, en particulier dans la vieille chanson « Nous sommes tous somnolents », était si frais, et donné avec tant de naïveté coquette, qu'il offrait le plus grand plaisir au public.

Miss Lina Merville [35] joue le rôle d’une amie de Suzel qui est la fille du bourgmestre.

De la partie musicale, la presse retient notamment un vieux chant célèbre interprété avec beaucoup de candeur par une charmante jeune actrice, Miss Violet Cameron, We are all noddin (Nous sommes tous somnolents), ainsi qu'une chanson comique créée pour l'occasion par M. Farnie, interprétée en trio avec Ella Chapman et Wille Edouin, The girl in the eel-skin dress (La fille avec une robe en peau d'anguille).

Ce vieux chant écossais We are all noddin remonte au début du XVIIIème siècle. On en retrouve une trace dans un journal de 1827 [36] qui cite différents airs interprétés par les troupes britanniques lors d'une procession au Portugal. Le 9 juin 1827, participant à une grande procession, les militaires britanniques vont jouer différents morceaux comme Britons strike home, ou British Grenadiers. Ils entreront en procession dans l'église avec We are all noddin [37].

Cette chanson serait à l'origine de The Dodger, populaire aux Etats-Unis. Certains vers commencent par We are All Dodging, sur la même musique que cette chanson écossaise [38].

Avec ces paroles signifiant que tout le monde dodeline de la tête et s'endort, ce chant populaire est pleinement en accord avec l'esprit du spectacle et la vie au ralenti des Quiquendonniens.

La presse sera élogieuse sur les costumes et les décors :

...the new scenery, which was well and effectively worked on so small a stage, has been painted by Messrs Grieve and Son [39].
...le nouveau décor, superbe et efficacement adapté à une si petite scène, a été peint par Messieurs Grieve et Son.

Si peu d'éléments relient cette pièce de 1877 au Docteur Ox de Verne ou d'Offenbach, un lien, ténu il est vrai, existe tout de même : le directeur du théâtre Henderson avait fait appel pour les costumes à Draner, le costumier du Docteur Ox d'Offenbach.

Oxygen aux Etats-Unis

En août 1877, Lydia Thompson et une partie de sa troupe s'embarquent à nouveau pour les Etats-Unis. En l’absence de Henderson resté à Londres pour continuer à gérer le Folly Theater, elles sont sous la responsabilité d’un manager américain Samuel Colville [40] qui a créé une nouvelle troupe la “Colville Opera Burlesque Company”, avec qui Lydia Thompson avait déjà travaillé lors de son tout premier séjour américain à la fin des années soixante. Les spectateurs du Wallack's Theater à New York sont les premier à pouvoir apprécier la troupe dans Blue Beard (Barbe Bleue), Robinson Crusoe et Oxygen. Ensuite les villes de Boston, de Philadelphie, de Washington, et de Baltimore vont pouvoir admirer Lydia Thompson et ses comparses dans leurs diverses prestations dont Oxygen.

Le fait de franchir l'Atlantique fait perdre à Oxygen son sous-titre. Aux Etats-Unis, ce sera Oxgen tout court, très souvent sans aucun “Gas in Burlesque Meter” (Le Gazomètre burlesque) additionnel lorsque le titre est reproduit dans la presse.

 

Ada Lee (1856?-1902) a tenu le rôle de Otto dans Oxygen Ella Chapman a tenu le rôle de Tarantula dans Oxygen

 

La composition de la troupe de Lydia Thompson évoluera souvent au gré des tournées et des actrices ou acteurs recrutés sur place. Les actrices ont fait par la suite de brillantes carrières au théâtre. En collants et short ou mini-jupe, costumes habituels de ces Miss dans les spectacles burlesques, ces dernières provoquèrent dans certaines villes américaines des réactions des ligues puritaines contre ces spectacles burlesques montrant des demoiselles en général plutôt bien faites dans des tenues jugées osées.

 

Kate Everleigh a tenu le rôle de Hansel dans Oxygen Annie Deacon a tenu le rôle de Van Blazen dans Oxygen

 

A la fin de 1877, la troupe de Lydia Thompson est de retour à New York à l’Eagle Theater où Oxygen est produit  sous une forme condensée. Le New-York Herald du 13 décembre 1877 annonce : “...the funniest of all burlesques OXYGEN, reconstructed into one act...” (« ...le plus drôle de tous les burlesques, réécrit en un acte... ») et ajoute qu’il s’agit de la dernière apparition de Lydia Thompson. En effet cette dernière quitte les Etats-Unis en catastrophe avec quelques membres de sa troupe, car elle a eu vent des infidélités de son mari, un coureur de jupons impénitent. Alors Colville doit donc apporter quelques changements importants parmi les actrices.

 

The New York Herald, 19 décembre 1877, p. 2

 

Une nouvelle vedette a été embauchée pour remplacer Lydia Thompson, Emmeline Rosenquest, dite Eme Roseau. Cette dernière était l'épouse de Sam Colville, ce qui explique sans doute son engagement. La presse évoque la situation en annonçant le nouveau spectacle :

The burlesque was “Oxygen”, first produced at Wallack’s Theater... The piece has been reduced to one act and is a hundred per cent better for the compression. The novelty of the evening was the appearance of Mlle. Roseau announced in the advertisements as the “American prima donna assoluta”. Mlle Roseau ... does not meet the expectation that may have been founded on that announcement, though she has a better voice than have most burlesquers. Her upper notes are clear and her execution is not bad; but she has the fault of so many singers on the burlesque sings – she sings with her throat closed. Miss Marie Williams played Miss Thompson’s part, Prince Fritz; and did it very well, if we make no comparisons. Miss Alice Atherton and Willie Edouin were very good. Altogether the play run more briskly than we have ever seen it before. It seems as though every one did the best to make up for the lose of Miss Thompson and those of her company who sailed yesterday for England. The audience was large and enthusiasthic. [41]
Le burlesque était Oxygen, produit pour la première fois au Wallack's Theater.... La pièce a été réduite à un acte et est cent pour cent meilleure grâce à cette compression. La nouveauté de la soirée a été l'apparition de Mlle Roseau annoncée dans les publicités comme la « Prima donna Américaine absolue ». Mlle Roseau ... ne répond pas à l'attente qui a pu être fondée sur cette annonce, bien qu'elle ait une meilleure voix que la plupart des actrices de burlesque. Ses notes aiguës sont claires et son exécution n'est pas mauvaise  mais commet la faute de tant de chanteurs sur les chants burlesques – elle chante la gorge serrée. Mlle Marie Williams a joué le rôle de Mlle Thompson, le prince Fritz, et l'a très bien fait, sans aucune comparaison. Mlle Alice Atherton et Willie Edouin étaient très bons. Dans l'ensemble, le jeu s'est déroulé plus rapidement que jamais auparavant. Il semble que tout le monde ait fait de son mieux pour compenser la perte de Miss Thompson et ceux de sa compagnie partis hier pour l'Angleterre. L'audience était nombreuse et enthousiaste.

L’adaptation burlesque de la nouvelle de Jules Verne poursuit donc sa carrière aux Etats-Unis. En 1878 c’est le Grand Opera House de Cincinnati qui accueille la Colville Folly Company en octobre et novembre : “Colville’s Folly Company has been drawing fine houses at the Grand all the week... and last performance to-night, two burlesque “Blue Beard” and “Oxygen” (« La compagnie Folly de Colville a connu une grande affluence au Grand pendant toute la semaine..... et dernière représentation ce soir, deux burlesques Blue Beard et Oxygen »).

Fin 1879 la troupe de Colville est à San Francisco, et Oxygen sera monté au Bush Street Theater, mais avec à nouveau des arrangements particuliers :

After two very successful weeks with extravaganza of “The Magic Slipper”, on Monday evening the new burlesque of “Oxygen, or Gas in Burlesque Metre”, will be given for the first time in this city, the distribution of characters including Miss Emé Roseau, Miss Kate Everleigh, Miss Ada Lee, Mr Ed Chapman, Miss Rose Leighton, Mr. Roland Reed, Miss Frances Wright, Miss Ella Chapman, Mr. R.E. Graham, Mr. R.W. Maflin, Miss Annie Deacon, Mr. A. Amburg, Miss Carrie McHenry, Miss Alice Wright. The main idea of the burlesque, which has been, however, in its development considerably modified, is that ingeniously originated by Jules Verne in his story of “Doctor Ox” and briefly relates to the extraordinary effect produced on a community startling in its torpor and stupidity by oxygen gas. The fun evolved can be easily imagined. [42]
Après deux semaines très réussies avec l'extravagance de “The Magic Slipper", lundi soir le nouveau burlesque de Oxygen, ou Le Gazomètre burlesque, sera donné pour la première fois dans cette ville, avec une distribution de personnages dont Miss Emé Roseau, Miss Kate Everleigh, Miss Ada Lee, Mr Ed Chapman, Miss Rose Leighton, Mr. Roland Reed, Miss Frances Wright, Miss Ella Chapman, Mr. R.E. Graham, Mr. R.W. Maflin, Miss Annie Deacon, Mr. A. Amburg, Miss Carrie McHenry, Miss Alice Wright. L'idée principale du burlesque, qui a cependant été considérablement modifiée dans son développement, est celle que Jules Verne a ingénieusement développée dans son histoire du « Docteur Ox » et relate brièvement l'effet extraordinaire produit par le gaz oxygène sur une communauté surprenante par sa torpeur et stupidité. Le plaisir d'assister à ce changement peut être facilement imaginé.

La publicité insiste sur la nouvelle mise en scène, met en avant les costumes merveilleux et le charme de la musique et insiste sur le fait qu'il va y avoir quarante artistes sur scène. En janvier 1880 Oxygen est à l'affiche au California Theatre lors d'un spectacle qui comportait des extraits du Trouvère et deux scènes d'Oxygen, la scène II avec le laboratoire du Docteur Ox et la scène III avec la salle de banquet de l'Hôtel de Ville ; dans cette nouvelle troupe de théâtre burlesque, on trouve quand même Miss Ella Chapman dans le rôle de Tarantule qu'elle tenait déjà lors de la création d'Oxygen à Londres. Puis en février Oxygen est au Metropolitan Theater de Sacramento.

 

Annonce publicitaire de la Compagnie Colville (New Orleans Daily Democrat, 13 mars 1880, p. 5) montrant l'alternance des deux spectacles burlesques de Il Trovatore (d'après Verdi) et de Oxygen (d'après Verne). Cette alternance était caractéristique de la tournée de la Compagnie Colville aux Etats-Unis

 

Dès le 15 mars, pour une durée de deux semaines, Oxygen est produit par la troupe de Sam Colville (Colville Opera Burlesque Company) à l'Académie de musique de la Nouvelle Orléans. La critique est assez élogieuse pour Oxygen :

Oxygen is a decided improvement on the burlesque in which the Colville Company opened, and, as presented by the combination, is an enjoyable and attractive production. It is full of movement, filled with ludicrous situations, has a humorous dialogue and enables the company to appear at its best.
The burlesque was presented during the last engagement of the Colville in this city, and, therefore, comment on it further than the above is unnecessary.
The name of Miss Ada Lee still appears in the list of performers, and the little lady comes once more before the New Orleans public as graceful and sprightly as in the past.
Those other New Orleans favorites, Miss Kate Everleigh and Miss Carrie McHenry, also appear in Oxygen, and are as winsome and attractive as ever. [43]
Oxygen apporte une nette amélioration dans le domaine du burlesque dans lequel la Compagnie Colville a joué le rôle de pionnier, et, avec une telle distribution, c'est une production agréable et attractive. Elle est pleine de mouvement, remplie de situations ridicules, de dialogues humoristiques et permet à la Compagnie de donner le meilleur d'elle-même.
Le burlesque a été présenté lors du dernier engagement de Colville dans cette ville, et, par conséquent, il n'est pas nécessaire de le commenter davantage que ce qui précède.
Le nom de Mlle Ada Lee figure toujours sur la liste des artistes, et la demoiselle vient une fois de plus devant le public de la Nouvelle-Orléans avec autant de grâce et de vivacité que par le passé.
Ces autres favorites de la Nouvelle-Orléans, Miss Kate Everleigh et Miss Carrie McHenry, apparaissent également dans Oxygen, et sont aussi séduisantes et attirantes que jamais.

 

Lydia Thompson, vers 1880

 

Le 2 avril Oxygen fait son apparition pour la première fois à Memphis et le journaliste en profite pour donner un résumé du spectacle :

On to-morrow night a novelty will be presented, a burlesque by Mr Reece entitled Oxygen, which has never been produced in Memphis. The central idea is based upon Jules Verne’s story, Doctor Ox. The first act introduces the town of Keekendone whose worthy but sleepy inhabitants are living in a state of phlegmatic stagnation. So dull and slow are they that courtship is a matter occupying some fifteen years and State matters are pondered on by the authorities until all necessity for action in removed by course of time. Even the horses are too slow and heavy move faster than a walk; the cocks cannot muster enough spirit to crow, nor the dogs to wag their tails. A certain “Dr. Ox”, a man of science, succeeds in inducing the town council to allow him to light the city with his newly-discovered oxygen gas. He has made all arrangements to do so, but unluckily drops the hint that if the gas were turned on without being lighted, the effect would be to make all the people preternaturally gay and lively. This is overheard by “Prince Fritz”, a young man of royal birth, who with some fellow-students is visiting the city incognito. He determines to turn on the gas, and as the curtain falls on the first act, the dull Keekendonians are indulging in a solemn dance, but the audience has been made to feel that the spirit of mischief is abroad, and that a wonderful transformation is about to take place. At the beginning of the second act we find “Prince Fritz” in “Dr. Ox’s“ laboratory, ready to turn on the gas. He experiments first on an overgrown baby. The gas sets him to dancing and talking in a most extraordinary fashion. The scene is then changed to the town hall, and then the Keekendonians appear thoroughly revolutionized. The town councillors fight, the girls, formerly so shy, make love to the men, and even the domestic animals grow lively. While the fun is most fast and furious, “Dr.Ox” unfortunately strikes a light, the gas explodes, and in a moment all the Keekendonians return to their wonted torpor and stupidity. On this sudden change and most startling and amusing contrast the curtain finally falls. [44]
Demain soir, une nouveauté sera présentée, un spectacle burlesque de M. Reece intitulé Oxygen, qui n'a jamais été produit à Memphis. L'idée centrale est basée sur l'histoire de Jules Verne, Docteur Ox. Le premier acte présente la ville de Keekendone dont les habitants dignes mais endormis vivent dans un état de stagnation flegmatique. Ils sont si ennuyeux et si lents que séduire requiert une quinzaine d'années et que les questions d'État font l'objet de la part des autorités d'une réflexion si prolongée que toute nécessité d'action se voit éliminée au fil du temps. Même les chevaux sont trop lents et lourds pour se déplacer plus vite qu'au pas ; les coqs ne peuvent pas rassembler assez d'énergie pour chanter, ni les chiens pour agiter la queue. Un certain « Dr Ox », un homme de science, réussit à convaincre le conseil municipal de lui permettre d'éclairer la ville avec son gaz oxygène récemment découvert. Il a pris toutes les dispositions nécessaires pour le faire, mais malheureusement, il laisse entendre que si le gaz était distribué sans être allumé, cela aurait pour effet de rendre tous les gens gais et vivants d'une manière quasi-surnaturelle. C'est ce qu'entend « Prince Fritz », un jeune homme d'origine royale, qui visite la ville incognito avec quelques camarades étudiants. Il décide de distribuer le gaz, et comme le rideau tombe sur le premier acte, les ennuyeux Keekendoniens s'adonnent à une danse solennelle, mais le public a été amené à comprendre que l'esprit du mal est à l'œuvre, et qu'une merveilleuse transformation est sur le point de se produire. Au début du deuxième acte, nous trouvons « Prince Fritz » dans le laboratoire du « Dr Ox », prêt à allumer le gaz. Il expérimente d'abord sur un bébé adulte tout droit sorti d'un incubateur. Le gaz l'amène à danser et à parler d'une manière tout à fait extraordinaire. La scène passe ensuite à la mairie mairie, puis les Keekendoniens semblent complètement révolutionnés. Les conseillers municipaux se battent, les filles, autrefois si timides, font l'amour avec les hommes, et même les animaux domestiques s'animent. Alors que l'amusement est de plus en plus rapide et fébrile, « Dr Ox » allume malheureusement une flamme, le gaz explose, et dans un instant tous les Keekendoniens retournent à leur torpeur et leur stupidité habituelle. Sur ce changement soudain et le contraste le plus saisissant et le plus amusant, le rideau tombe enfin.

Puis toujours en avril 1880 Oxygen est à nouveau joué au Grand Opera House de Cincinnati, en alternance avec des extraits du Trouvère, toujours dans sa version burlesque.

Oxygen persiste aux Etats-Unis en 1886 et 1887

Début 1886 la presse de New York annonce un retour de Lydia Thompson avec Oxygen à Boston. Dans un long article faisant le tour de l'activité théâtrale sur l'ensemble des Etats-Unis d'alors, on peut lire :

Lydia Thompson in “Oxygen” will appear at Miles and Barton’s Boston Bijou Theatre on February 15. The company is not yet completed, but will contain several well-known names. [45]
Lydia Thompson se produira dans Oxygen au Bijou Theatre de Miles et Barton à Boston le 15 février prochain. La troupe n'est pas encore au complet, mais contiendra plusieurs noms bien connus.

 

Intérieur du Bijou Theatre de Boston vers la fin des années 1880

 

Dans la même perspective, un quotidien de Washington ajoute :

A dramatic correspondent writes from Boston: “Lydia Thompson will soon appear at the Bijou Theater in ʻOxygenʼ. This was the piece in which she made her last appearance in Boston. Some of the young men who enjoyed her performances then will enjoy them, probably, still more now, since they have joined the ranks of the bald-heads.” [46]
Un correspondant dramatique écrit de Boston : "Lydia Thompson se produira bientôt au Bijou Theater dans ʻOxygenʼ. C'est avec cette pièce qu'elle a fait sa dernière apparition à Boston. Certains des jeunes hommes qui ont apprécié ses performances à l'époque les apprécieront, probablement, encore plus aujourd'hui, puisqu'ils ont rejoint les rangs des têtes chauves.

Le même quotidien ajoute quelques jours plus tard :

Among the people engaged to support Lydia Thompson in the rewritten “Oxygen” are Fred Darrell, Louis De Lange and Alexander Clarke. Besides these there will be a double quartet, a large chorus, the Davenport Brothers, acrobats, and Smith and Earle, specialists. The company will open at the Bijou theater, Boston. [47]
Parmi les personnes engagées pour soutenir Lydia Thompson dans la pièce Oxygen, réécrite, se trouvent Fred Darrell, Louis De Lange et Alexander Clarke. En plus de ceux-ci, il y aura un double quartet, un grand chœur, les frères Davenport, des acrobates et Smith et Earle, spécialistes. La compagnie débutera au théâtre Bijou, à Boston.

La presse signale donc que Lydia Thompson va se produire au Bijou Theatre dans une version revue du spectacle burlesque Oxygen. La pièce a été réécrite par J. Braham [48] et Gustave Kerker [49] pour la musique et William Gill [50] pour le livret.

Les commentaires de la presse sont plutôt mitigés à l'égard de cette nouvelle adaptation :

There is nothing on the stage much thinner than “Oxygen”; but padding will be brought to the understanding of the blondes, and it may go. [51]
Il n'y a rien sur scène de beaucoup plus mince que Oxygen, mais les moments de lassitude sont remplis par la vision attractive des blondes, et ça peut aller.

 

Oxygen was now a fairly tired, old vehicle, and Willie Gill riding high on the triumph of his record-tickling burlesque Adonis, seemingly hadn’t been able to breathe new life into it. But there was still enough fun around – topped by Lydia’s parody of the Adonis hit song. [52]
Oxygen était maintenant un vieux véhicule assez fatigué, et Willie Gill, qui chevauchait sur le triomphe de son Adonis burlesque, n'avait apparemment pas été capable de lui insuffler une nouvelle vie. Mais cela passait encore assez bien, avec en tête la parodie par Lydia de la chanson à succès d'Adonis.

Malgré ces réticences de la presse le théâtre fera salle comble pendant trois semaines, même si la neige perturbe quelque peu la troisième semaine.

Puis en mars Oxygen est joué à Baltimore, au Holliday Street Theater. Même le quotidien destiné aux immigrants allemands [53] leur annonce :

Unsere Theater. - Im “Hollidaystrassen Theater” gelangt in dieser Woche die reizende Burleske “Oxygen”, dargestellt von Frl. Lydia Thompson von “Miles & Barton's Bijou-Burlesken-Comp.,” zur Aufführung. Der Bostoner “Eagle” spricht sich sehr lobend über das Stück aus; er berichtet, dass das “Grand-Opera-House” während der Woche, in welcher dasselbe in Boston gegeben wurde, stets überfüllt gewesen sei. Der Schauplatz verlegt der Dichter nach Keckendone, einem schläfrigen Städtchen, dessen Bewohner mehr todt, als lebendig, und zum Sterben langweilig sind. Eine Anzahl lustiger, übermüthiger Studenten unter Führung von “Prinz Fritz” (Frl. Thompson) kam auf den Einfall, ein erheiterndes Gas (Oxygen) durch die Gasröhren zu leiten, und sie rufen dadurch eine völlige Revolution in dem Städtchen hervor, dessen Bewohner wie umgewandelt sind und die tollsten Streiche begehen. Das Stück is voll der witzigsten Wortspiele und enthält die reizendsten Melodie'n, sowie heitere anmuthige Tänze. [54]
Nos théâtres. - Au “Hollidaystrassen Theater” arrive cette semaine, la charmante pièce burlesque Oxygen, interprétée par Miss Lydia Thompson de “Miles & Barton's Bijou-Burlesken-Comp.” Le journal “Eagle” de Boston fait l'éloge de la pièce ; il rapporte que le “Grand-Opera-House” a toujours été surpeuplé pendant la semaine où la pièce a été jouée à Boston. Le poète a déplacé la scène à Keckendone, une ville endormie dont les habitants sont plus morts que vivants et s'ennuyent à mourir. Des étudiants joyeux et pleins d'entrain, dirigés par “Prinz Fritz” (Miss Thompson), ont eu l'idée de faire passer un gaz hilarant (Oxygen) par les conduites de gaz et ont provoqué une révolution complète dans la petite ville, dont les habitants ont été transformés et se sont laissé aller aux plus grandes farces. La pièce est pleine des jeux de mots très drôles et contient les mélodies les plus charmantes, ainsi que des danses joyeuses et pleines de grâce.

Quelques jours plus tard, Washington (à une distance de 56 km de Baltimore) apprend que la fameuse actrice Lydia Thompson revient dans la capitale, sur la scène de l'Albaugh’s Opera House avec son grand spectacle burlesque Oxygen :

The Amusements Next Week. ― ALBAUGH'S OPERA HOUSE. ― After an absence during which a new generation of theater-goers has come forward, the famous and well-remembered Lydia Thompson will make her reappearence at Albaugh's next week in a burlesque called “Oxygen,” which is said to be very amusing. Time is said to have dealt most kindly with Miss Thompson, who still retains the attractiveness of person, the grace and vivacity of manner, and the general charm of personality which made her so great a favorite in years gone by. Miss Thompson is said to be supported by a good company, including Louis De Lange. The burlesque also affords opportunity for the introduction of some entraining specialties. [55]
Les spectacles de la semaine prochaine. - ALBAUGH'S OPERA HOUSE. - Après une absence pendant laquelle une nouvelle génération de spectateurs s'est présentée, la célèbre et bien connue Lydia Thompson va revenir chez Albaugh's la semaine prochaine dans un burlesque appelé Oxygen, que l'on dit très drôle. Il paraît que le temps a fait preuve d'une grande gentillesse à l'égard de Mlle Thompson, qui conserve toujours l'attrait de la personne, la grâce et la vivacité des manières, et le charme général de la personnalité qui ont fait d'elle une si grande favorite dans les années passées. On dit que Mlle Thompson est soutenue par une bonne compagnie, dont Louis De Lange. Le burlesque offre aussi l'occasion d'introduire quelques spécialités entraînantes.

 

Annonce du spectacle dans The Washington Critic, 1er avril 1886, p. 2.

 

L'Albaugh's Grand Opera House sur la 15e rue à Washington (DC) en 1927 Publicité pour Oxygen parue dans Der Deutsche Correspondent de Baltimore (MD) le 22 mars 1886, page 2. Cette annonce montre que le Hollidaystreet Theater de Baltimore et l'Albaugh's Grand Opera House de Washington présentaient les mêmes spectacles

 

The English Queen of Burlesque, Miss Lydia Thompson, will make her appearance in Washington at Albaugh's Grand Opera House on next Monday night. Miss Thompson will be supported during this engagement by Miles and Barton’s Bijou Burlesque Company from the Bijou Opera-House New York, an organisation of of some sixty artists. Rice’s sparkling burlesque extravaganza of “Oxygen” will be presented. It is founded on Jules Verne’s story of “Dr. Ox.” Lydia Thompson retains all of the old time chic, vivacity and abandon which made her famous. “Oxygen” will be produced with a wealth of gorgeous costumes, lovely women, charming music, magnificent scenery, brilliant marches, enchanting dances, topical songs, acrobatic feats and an augmented orchestra. [56]
La reine anglaise du burlesque, Mlle Lydia Thompson, sera sur scène à Washington au Grand Opéra d'Albaugh dès lundi soir prochain. Miss Thompson sera entourée lors de ces représentations par la Bijou Burlesque Company de Miles and Barton du Bijou Opera-House New York, une organisation d'une soixantaine d'artistes. L'étincelante extravagance burlesque de Oxygen de Rice sera présentée. Elle est fondée sur l'histoire de Jules Verne du Dr. Ox. Lydia Thompson conserve tout le chic, la vivacité et l'abandon d'antan qui l'ont rendue célèbre. Oxygen sera produit avec une richesse de magnifiques costumes, de jolies femmes, de la musique charmante, des paysages magnifiques, des marches brillantes, des danses enchanteresses, des chansons actuelles, des exploits acrobatiques et un orchestre plus nombreux.

 

Publicité pour Oxygen parue dans l'Alexandria Gazette le 29 mars 1886, page 3. Les annonces pour le même spectacle local varient profondément d'un quotidien à l'autre

 

La presse de Washington est plutôt positive pour Oxygen et pour Miss Thompson :

THE WASHINGTON THEATRES. ― Lydia Thompson, makes her first bow to-night at Albaugh's after a lapse of some years since her last appeareance. “Oxygen” is the play in which the fair Lydia will delight her friends. The favorite burlesquer is as attractive in face and figure, and as graceful in dance, as when she appeared at the head of her famous troupe of English girls. “Oxygen” offers much nimble dancing and a series of exhibitions of acrobacy by the Davenport brothers, as well as other specialties. [57]
LES THÉÂTRES DE WASHINGTON. - Lydia Thompson, fait sa première révérence ce soir à l'Albaugh's après une absence de quelques années depuis sa dernière représentation. Oxygen est la pièce dans laquelle la belle Lydia ravira ses amis. L'actrice favorite du burlesque est aussi séduisante par son visage que par sa silhouette, et toujours aussi pleine de grâce en dansant que lorsqu'elle était en scène à la tête de sa célèbre troupe de filles anglaises. Oxygen propose beaucoup de danse agile et une série d'acrobaties des frères Davenport, ainsi que d'autres spécialités.

En mai 1886 Lydia Thompson est à Chicago avec Oxygen. Mais la presse américaine n’a pas oublié l’altercation du 24 février 1870 entre elle et le directeur du Chicago Times. De nombreux quotidiens rafraîchissent la mémoire de leurs lecteurs. Ainsi, même un journal de Carson City (Nevada), écrit :

About seventeen years ago Lydia Thompson horse whipped Wilber [sic] F. Story [sic] of the Chicago Times. It gave the woman a tremendous advertisement without the slightest addition to the Times, cash box. Story [sic] gave orders that Miss Thompson’s name should never appear in the Times. Story [sic] died but his spirit still lives in the Times office and the other day the antiquated Lydia again appeared in Chicago and it calls forth the following in the Times : "A burlesque company with something called “Oxygen” is to follow Mary Anderson at the Chicago Opera House” [58].
Il y a environ dix-sept ans, Lydia Thompson a fouetté Wilber F. Story du Chicago Times. Il a donné à la femme une publicité formidable sans en rien publier dans le Times, une mine d'or. Story a ordonné que le nom de Mlle Thompson n'apparaisse jamais dans le Times. Story est décédé mais son esprit vit toujours dans le bureau du Times et l'autre jour, l'obsolète Lydia est à nouveau apparue à Chicago et le Times publie ce qui suit : « Une compagnie burlesque avec quelque chose appelé Oxygen doit prendre la suite de Mary Anderson à l'opéra de Chicago ».

L'utilisation de l'adjectif “antiquated” (obsolète) pour décrire Lydia Thompson reflète bien l'opinion publique à son égard, surtout dans le Midwest. De nombreux journaux locaux publient de courts entrefilets pendant toute la tournée de 1886 de Lydia Thompson aux Etats-Unis. Tous répètent la même chose, que l'actrice est trop âgée pour se produire à nouveau sur scène :

Miss Lydia Thompson, once the bright particular of the burlesque stage, with the prettiest pair of limbs imaginable, has after a rest of several years, returned to New York and is again at her old tricks. But age has withered and custom has staled the variety business and Miss Thompson is not the card she was 40 years ago. [59]
Mademoiselle Lydia Thompson, autrefois la brillante représentante du théâtre burlesque, avec la plus belle paire de jambes imaginable, est revenue à New York après plusieurs années de repos, et répète à nouveau ses anciens gags. Mais l'âge l'a flétrie et la mode des spectacles de variétés a diminué, et Miss Thompson n'est plus l'atout qu'elle était il y a 40 ans.

Un journal du Kansas consacre même une demi-colonne à détailler l’altercation qui a opposé Lydia Thompson et sa collègue Pauline Markham au directeur Storey, et surtout rappelle que depuis cette époque le nom de ces dames est interdit de parution dans le Times [60]. Quelques jours plus tard, un quotidien de la Louisiane plantait un autre clou :

The Chicago Times is one of those papers that are not to be thirfted with. Some years ago, the celebrated actress, Lydia Thompson, was playing an engagement in Chicago, and Wilbur F. Story [sic], lately diseased [sic], being the editor of that paper published a scandalous article conserning Miss Thompson for which the latter hosewipped him, he offering no resistance. Mr. Story [sic] has been dead for some time and last week when Miss Thompson played an engagement in Chicago, her name was not allowed to appear in the Times either in the advertising columns or in the notice of the play. When it is considered that the Times is one of the most extensively circulated newspapers in the North, it can readily be seen who got the worst of the escapede [sic][61]
Le Chicago Times est l'un de ces journaux avec lesquels il ne faut pas plaisanter. Il y a quelques années, la célèbre actrice Lydia Thompson jouait à Chicago, et le rédacteur en chef de ce journal, Wilbur F. Story, récemment décédé, publia un article scandaleux concernant Miss Thompson. En représailles, cette dernière le fouetta, sans qu'il opposât aucune résistance. M. Story est mort depuis un certain temps et la semaine dernière, lorsque Mlle Thompson a joué à Chicago, son nom n'a pas été autorisé à paraître dans le Times, ni dans les colonnes publicitaires ni dans l'annonce de la pièce. Quand on considère que le Times est l'un des journaux les plus largement diffusés dans le Nord, on peut facilement voir qui en a subi la pire des conséquences.

Avec une telle couverture médiatique partiale et négative où seulement Oxygen sans Lydia Thompson était mentionné, il est compréhensible qu'après deux semaines Oxygen quitte l’affiche. Lydia Thompson escomptait que le souvenir du succès rencontré en 1877 avec Oxygen allait encore faire son effet. Ce ne fut pas le cas.

Le 17 mai la troupe de Miles et Barton se retrouve à New York, avec Oxygen et Lydia Thompson est à l'affiche du théâtre de la quatorzième rue. Les annonces correspondantes signalent que ce sera la dernière apparition de Lydia Thompson à New-York avant son retour en Grande-Bretagne :

Miss Thompson’s Oxygen company opened a fortnight’s season at that house 17 May to the largest audience we have seen there in many months. It was a house that was entirely and enthusiastically friendly to the star. The favourite burlesquer received an ovation at her first entrance and two or three massive floral tributes later on bore a semblance of genuineness that it was pleasant to note. Thanks to Miss Thompson’s vivacious work, Reece’s family musty burlesque moved along with a fair degree of dash and was generally acceptable for all its wearisome puns and far-fetched gags. [62]
La compagnie de Mlle Thompson a ouvert avec Oxygen le 17 mai une saison de quinze jours dans ce théâtre avec la plus grande audience que nous ayons vue là-bas depuis des mois. Une salle comble accueillit la star avec un plein enthousiasme. L'actrice burlesque préférée reçut une ovation à sa première entrée et deux ou trois hommages de massifs floraux apportèrent plus tard un ton d'authenticité qu'il fut agréable de noter. Grâce au travail vivace de Mlle Thompson, le burlesque moisi de la famille Reece a évolué avec un certain degré d'élan et était généralement acceptable malgré tous ses jeux de mots fatigants et ses gags farfelus.

 

Lydia Thompson was greeted by a large audience at the 14th Street Theater on Monday night which contained many of the old admirers and a fair sprinkling of youngsters who were curious to judge for themselves of the clever and famous burlesquer over whom their elders have never ceased to rave... Miss Thompson is an artiste in her special line, and she gives a rare and delightful sprightliness and humour even to the inanities of Oxygen... The actress was applauded at every possible opportunity and she was by acclaim pronounced once again the queen of burlesque. [63]
Lydia Thompson a été accueillie par un large public au Théâtre de la 14e Rue lundi soir, où de nombreux anciens admirateurs et une bonne dose de jeunes étaient curieux de juger par eux-mêmes de l'habileté de la célèbre artiste burlesque pour laquelle leurs aînés n'ont jamais cessé de se passionner... Dans son genre, Miss Thompson est une artiste particulière, car elle fournit une rare et délicieuse vivacité et de l'humour même aux inepties d'Oxygen... L'actrice a été applaudie à chaque occasion possible et elle a été acclamée encore une fois comme la reine du burlesque.

Le Washington Critic résume bien la carrière de Lydia Thompson aux Etats-Unis :

For a woman of fifty-five years of age, Lydia Thompson is a revelation. While there is not much for her to do in “Oxygen,” one of the stupidest burlesques that have ever been placed on the stage and which is made amusing only by the individuality of the performers and entertaining by the specialties introduced. Miss Thompson manages to extract a great deal of pleasure for her audience out of the leading part of Prince Fritz. She dances with her old agility, sings fairly and is graceful in her acting. She is a true burlesquer and whatever she does is well done. Miss Thompson is interesting to see if only as a relic of her once famous company of blondes which fascinated our fathers and shocked our mothers and aunts in the days before the “Black Crook,” when the display in tights of well-shaped legs was an uncommon event. Miss Thompson is meeting with great success at the Fourteenth-Street Theatre, where she will remain but one week longer. [64]
Pour une femme âgée de cinquante-cinq ans, Lydia Thompson est une révélation. Bien qu'il n'y ait pas grand-chose à faire pour elle dans Oxygen, l'un des burlesques les plus stupides jamais mis en scène et qui n'est rendu amusant que par l'individualité des interprètes et divertissant par les spécialités présentées. Mlle Thompson parvient à procurer beaucoup de plaisir à son public à travers le rôle principal de Prince Fritz. Elle danse avec son ancienne agilité, chante de façon juste et son jeu est plein de grâce. C'est une vraie burlesque et tout ce qu'elle fait est bien fait. Mlle Thompson est intéressante à voir, ne serait-ce que comme une relique de sa célèbre compagnie de blondes qui fascinait nos pères et choquait nos mères et nos tantes dans les jours précédant le "Black Crook", lorsque l'exposition en collants couvrant des jambes bien formées était un événement peu commun. Mlle Thompson rencontre un grand succès au Théâtre de la Quatorzième Rue, où elle restera une semaine de plus.

 

The Indianapolis Journal, 5 décembre 1886, p. 12

 

Il faut bien reconnaître que le succès international du spectacle Oxygen doit énormément à cette grande vedette britannique.

Mais Oxygen poursuit encore une brève carrière aux USA, car d’autres troupes s’emparent du spectacle créé par Reece et Farnie. De même Miles et Barton avaient pris certains engagements auprès de divers théâtres américains ne supposant pas que Miss Thompson déciderait de rentrer en Angleterre.

Pour cette tournée de la deuxième moitié de 1886 et du début de 1887, après le retour de Lydia Thompson à Londres, le rôle de cette dernière est assuré par Lillie Hall. Deux companies théâtrales (Lillie Hall's Burlesque Company et Fannie Bloodgood's Comdey Company) sont nécessaires pour remplacer la grande actrice anglaise et assurer la perennité de la pièce, qui, dès lors, se voit dotée d'un nouveau titre, Ox-Y-Gen. Le nom de Lydia Thompson continue à être employé pour promouvoir le spectacle.

En décembre Ox-Y-Gen est à l'affiche de l'English's Theater à Indianapolis [65].

 

The Globe-Republic (Springfield, Ohio), 5 décembre 1886, page 5 Black’s Opera House

 

On repère (toujours en décembre 1886) cet Ox-Y-Gen au Black's Opera House de Springfield (Ohio) et en janvier 1887 au Kernan’s Theater de Washington (DC) et au Fulton Opera House de Lancaster (Pennsylvanie).

Il s'agit des dernières représentations de ce grand spectacle burlesque Oxygen (et Ox-Y-Gen) aux Etats-Unis. Aucune trace du specatcle n'a pu être détectée dans les quotidiens américains après janvier 1887.

Les spectateurs britanniques et américains n'auront plus le plaisir de voir cet Oxygen, ni la version de Reece et Farnie, ni celles qui furent ensuite arrangées aux Etats-Unis pour voguer sur le succès de cet Oxygen.

Et il faudra attendra la fin du vingtième siècle pour voir l’adaptation de Gille et Mortier avec la musique d’Offenbach reprise sur scène. Après 42 représentations, l’opéra bouffe d’Offenbach quitta la scène et ne fut repris qu’en 2003, dans une adaptation mise en scène par Stéphane Druet et disponible en DVD. Cette version a été réorchestrée pour piano et quelques instruments. En septembre 2008, la partition d'origine est utilisée et présentée, de manière complète, au Théâtre Benno Besson à Yverdon-les-Bains (Suisse), dans le cadre de l'inauguration de l'Espace Jules Verne de la Maison d'Ailleurs, sous la direction musicale de Christian Delafontaine, avec une mise en scène de Christophe Balissat et sous la direction artistique de Christian Baur. Et enfin, en novembre 2011, Le Docteur Ox refit surface à la Maison des Arts de Laval au Québec.

En juin 1878 Mr. Boosey and Co avaient obtenu à Londres les droits exclusifs sur seize pièces d'Offenbach [66]. Mais Le Docteur Ox n'avait pas été retenu. En effet Mr. Boosey n'avait sans doute pas jugé intéressant de joindre cet opéra à la liste, compte tenu de la sortie de l'Oxygen de Reece et Farnie.

Par rapport à l’adaptation de Gille et Mortier, il faut bien constater que le spectacle burlesque créé par R.Reece et H.B. Farnie a eu une carrière bien plus importante et bien plus longue que Le Docteur Ox, avec la musique d’Offenbach.

Déjà signalée par Robert Pourvoyeur, une nouvelle adaptation, Doctor Ox's Experiment [67], fut présentée au Coliseum de Londres en juin 1998 ; la critique fut plutôt mitigée pour cette adaptation de Gavin Bryars [68], et on peut regretter que l'adaptation d'Offenbach, présentée en 2004 à l'Athénée Louis Jouvet, n'ait jamais été jouée en Grande Bretagne.

 

Notes

  1. Volker Dehs : « L'Abécédaire du Docteur Ox », Bulletin de la Société Jules Verne, n° 188 p. 34-67. ^
  2. The Graphic, 14 avril 1877, p. 6. Comme les livrets et les musiques (il y en eut plusieurs) semblent n'avoir pas survécu, la recherche ne peut se faire que par la consultation des quotidiens de l'époque. ^
  3. The Era, 7 avril 1877, p. 18. ^
  4. The Daily News (London), 29 janvier 1877, p. 6 et The Era (London), 4 février 1877, p. 7. ^
  5. Robert Reece (1838–1891) naît aux Indes, mais son père avocat à Londres lui fait faire des études de droit. Mais il ne sera pas admis au barreau ; il exerce quelque temps dans un cabinet juridique. En parallèle il se lance dans l'écriture de petites pièces comiques pour le théâtre. Il écrit une opérette, mais surtout il devient un spécialiste de l'adaptation des opérettes européennes en langue anglaise. Il produit donc régulièrement pour les différentes scènes londoniennes. Il décède assez jeune, à l'âge de 53 ans.
    Henry Brougham Farnie (1836–1889), écrivain et auteur de livrets, est né en Ecosse. Il a une carrière d'écrivain plutôt variée. Après des études à l'université St Andrew, puis à Cambridge, il devient rédacteur d'une gazette en Ecosse, puis à Londres du journal musical The Orchestra. Il écrit un livre sur les règles du golf, puis un autre sur les fleurs. Il se lance comme parolier, écrit des drames et des opéras, et traduit aussi de nombreux opéras étrangers. Il a une vie sentimentale assez agitée, et il meurt, lui aussi, fort jeune à 53 ans. ^
  6. Le Figaro, 6 avril 1877, p. 3. ^
  7. The Era (London), 22 avril 1877, p. 5. ^
  8. Entr'acte (London), 11 juillet 1891, p. 4. ^
  9. St James's Gazette (London), 23 septembre 1889, p. 9. ^
  10. Entr'acte (London), 28 septembre 1889, p. 5. ^
  11. The London Evening Standard, 4 avril 1877, p. 3. ^
  12. Robert Pourvoyeur, « Verne et Offenbach », Bulletin de la Société Jules Verne, n° 21, 1er trimestre 1972, p. 112. Il n’y aura que 42 représentations du Docteur Ox. ^
  13. Alexander Henderson (1828-1886), directeur de différents théâtres en Grande-Bretagne, s’installe à Londres en 1876. ^
  14. Lydia Thompson (1838–1908) était une danseuse et actice londonienne. Voir : Kurt Gänzl. Lydia Thompson, Queen of Burlesque. New York and London, Routledge, 2002, XII+236 p. ^
  15. Innsbrucker Nachrichten, 22 novembre 1876, p. 8. ^
  16. IXION, thème mythologique grec ; le prince Ixion a promis un superbe cadeau à son beau-père en échange de la main de sa fille. Après le mariage, Ixion refusant de s’exécuter, son beau-père reprend les superbes chevaux donnés en cadeau. Voulant récupérer les chevaux, Ixion piège son beau-père et le fait tomber dans un trou plein de braises. Les dieux poursuivent Ixion de leur courroux après ce sacrilège au point qu’il est en train de devenir fou. Mais sa femme intercède auprès de Zeus qui le prend en pitié. Invité sur l’Olympe Ixion tente de séduire Héra. Avisé de cela Zeus crée une nuée ressemblant à sa femme. Ixion trompé couche avec cette image, qui donnera naissance à un centaure. Mais Zeus, outré du comportement d’Ixion, le condamne à un châtiment éternel, être attaché avec des serpents sur une roue enflammée et ailée tournant perpétuellement dans les airs (Wikipédia). ^
  17. Kurt Gänzl (voir note 14), p. 87-88. ^
  18. Extrait d'un ouvrage publié en ligne sur l'histoire des spectacles burlesques aux USA : John Kenrick. A History of the Musical Burlesque, 2003 (https://www.musicals101.com/burlesque.htm) ^
  19. Wilbur Fisk Storey (1819-1884) fonda le Chicago Times et le Detroit Free Press. Il est le type même du journaliste de cette époque qui, parti de rien, a su bâtir un empire, où seul le tirage importait, sans se soucier d'éthique. ^
  20. La Presse (Paris), 21 mars 1870, p. 3 et La Science Sociale (Bruxelles), 1er mai 1870, p. 144. ^
  21. Henri Kowalski, A travers l'Amérique : impressions d'un musicien. Paris, E. Lachaud,1872, p. 155. ^
  22. Le Matin, 28 mai 1899, p. 3. ^
  23. New York Journal, 3 mai 1899, p. 16. ^
  24. Robert Pourvoyeur, communication lors de l'Assemblée Générale de la Société Jules Verne le 12 mai 1984, publiée dans le Bulletin n° 71 du troisième trimestre 1984, p. 147. ^
  25. The Daily News (London), 2 avril 1877, p. 2. ^
  26. Lionel Brough (1836–1909) d'abord journaliste, commence très jeune une carrière d'acteur. Il devient rapidement un acteur comique réputé et malgré son absence de compétence musicale il joue régulièrement avec succès dans les opérettes, y compris dans des parodies à l'anglaise. Il va jouer sur la plupart des scènes londoniennes. ^
  27. Willie Edouin (1846–1908), de son vrai nom William Frederick Bryer, était un comédien britannique. Après avoir joué enfant sur des scènes anglaises, il voyagea en Australie et en Asie. En 1860 il se rend aux Etats-Unis et intègre la troupe de Lydia Thompson pendant plusieurs années. ^
  28. Miss Violet Cameron (1862-1919), nièce de Lydia Thompson, joua très jeune des rôles d'enfants, puis devint une actrice et une chanteuse reconnue. Elle participa à de nombreux spectacles burlesques avec sa tante. ^
  29. Ella Chapman, actrice américaine, jouait avec sa sœur Blanche en duo burlesque. Bonne joueuse de banjo, elle rejoint pendant quelque temps la troupe de Lydia Thompson. ^
  30. The Morning Post (London), 2 avril 1877, p. 2. ^
  31. The Morning Post (London), 2 avril 1877, p. 2. ^
  32. The Daily News (London), 2 avril 1877, p. 2. ^
  33. The Morning Post (London), 2 avril 1877, p. 2. ^
  34. Reynolds's Newspaper (London), 8 avril 1877, p. 8. ^
  35. Lina Merville commença sa carrière théâtrale à l'âge de 5 ans, avec son père Barnett N. Elmore comme manager. Née dans l'Océan Indien sur le Caucasia en route pour l'Australie, elle fit une grande carrière dans le burlesque en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. ^
  36. “The British Army in Portugal”, The Sheffield Independent and Yorkshire and Derbyshire Advertiser, 9 juin 1827 p. 1. ^
  37. Les paroles et la musique sont sur https://digital.library.upenn.edu/women/aitch/songs/96-100.jpeg ^
  38. Plus d'informations sont disponibles sur https://blogs.loc.gov/folklife/2016/10/more-about-the-dodger-new-evidence-about-one-of-aaron-coplands-old-american-songs/ ^
  39. The Era (London), 8 avril 1877, p. 5. ^
  40. Samuel Colville (1825–1886), Irlandais d’origine, arrive aux Etats-Unis en 1840 pour commencer une carrière dans les milieux du théâtre. D'abord directeur de théâtre en Californie d’abord, puis, après une courte escapade autralienne, il dirige le National Theater de Cincinnati. Mais son grand succès sera de faire venir aux Etats-Unis Lydia Thompson et ses “British Blondes”. Il va alors diriger diverses troupes, dont la Colville’s Folly Co, ou la Colville Burlesque Opera Co., toujours dans le domaine des opérettes et des spectacles musicaux burlesques. ^
  41. The New York Herald, 16 décembre 1877, p. 12. ^
  42. Daily Alta California, 16 novembre 1879, p. 2. ^
  43. New Orleans Daily Democrat, 18 mars 1880, p. 8. ^
  44. The Memphis Daily Appeal, 1er avril 1880, p. 4. ^
  45. New York Daily Tribune, 24 janvier 1886, p. 11. ^
  46. Evening Star, 30 janvier 1886, p. 7. ^
  47. Evening Star, 6 février 1886, p. 6. ^
  48. John Joseph Braham, Sr. (1847-1919), violoniste, chef d'orchestre et compositeur d'origine anglaise est connu pour avoir présenté aux États-Unis les œuvres de Gilbert et Sullivan et composé certaines des premières partitions orchestrales originales pour le cinéma muet. Braham émigra d'Angleterre en Amérique quand il était enfant. Adolescent, il effectua des tournées comme violoniste. Par la suite, il devient chef d'orchestre et directeur musical aux théâtres de New York et de Boston. ^
  49. Gustave Adolph Kerker (1857-1923) était un compositeur et chef d'orchestre d'origine allemande. Il émigra aux États-Unis à l'âge de dix ans. Il devint directeur musical pour des productions théâtrales de Broadway et écrivit la musique d'une série d'opérettes et de comédies musicales produites sur Broadway et dans le West End. ^
  50. William B. Gill (1842-?, probablement vers 1910-1915), né au Canada, fut le représentant le plus célèbre du théâtre australien, comme auteur, acteur et directeur, entre 1863 et 1874. Cette année-là, il émigra aux Etats-Unis, où il retrouva son ami Willie Edouin (voir note 26) et travailla avec Sam Colville et Lydia Thompson. ^
  51. The Daily Telegraph, 1er février 1886, p. 2. ^
  52. D’après Kurt Gänzl, ouvrage déjà cité, p. 207-208.
    Adonis est une comédie musicale burlesque de 1884 produite par Edward E. Rice qui a également composé la musique avec John Eller. Le livret a été écrit par William Gill. ^
  53. Les immigrants venant d'Europe affluèrent aux Etats-Unis pendant la deuxième moitié du dix-neuvième siècle. Dans plusieurs villes, comme Baltimore ou San Francisco, des quotidiens imprimés dans leur langue leur permettaient à la fois de connaître leur nouvelle patrie et de conserver des liens avec l'ancienne. Entre 1881 et 1885 un million d'allemands émigra aux Etats-Unis et leurs journaux étaient imprimés en caractères gothiques. ^
  54. Der Deutsche Correspondent (Baltimore, MD), 23 mars 1886, p. 4. ^
  55. The Evening Star (Washington, DC), 27 mars 1886, p. 8. ^
  56. The Washington Critic, 27 mars 1886, p. 4. ^
  57. Alexandria Gazette and Virginia Advertiser, 29 mars 1886, p. 3. ^
  58. Morning Appeal (Carson City, Nevada), 11 mai 1886, p. 3. ^
  59. Semi-Weekly Interior Journal (Stanford, Kentucky), 26 février 1886, p. 2. ^
  60. Saline County Journal (Salina, Kansas), 13 mai 1886, p. 1. ^
  61. Daily Telegraph (Monroe, Louisiane), 19 mai 1886, p. 2. ^
  62. Cité par Kurt Gänzl dans son ouvrage (voir note 14) aux pages 208 et 209. Gänzl reproduit un grand nombre de critiques parues dans la presse, mais n'en cite jamais l'origine exacte. ^
  63. The New York Dramatic Mirror, (date exacte non mentionnée), entrefilet reproduit par Gänzl dans son ouvrage en p. 209. ^
  64. The Washington Critic, 22 mai 1886, p. 1. ^
  65. Nommé ainsi d'après le fondateur du théâtre, William H. English. Voir : Howard Caldwell. The Golden Age of Indianapolis Theaters. Bloomington, Indiana University Press, 2010, 222 p. ^
  66. The Era (London), 9 juin 1878, p. 15 ^
  67. Gavin Byars. Doctor Ox's Experiment. Opera in two acts adapted from a novella by Jules Verne. Libretto by Blake Morrison. Vocal Score by Paul Broom. Mainz, London, Madrid etc.: Schott, 1997. 328 p. ^
  68. The Stage (London), 18 juin 1998 p. 15 et Electronic Telegraph (London), 13 juin 1998, p. 2. ^

 

 

Philippe Burgaud (philippe.burgaud@club-internet.fr) est ingénieur chimiste, diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Paris (ENSCP), docteur ès Sciences et licencié en Science Economique. Il s'intéresse à Jules Verne depuis de très nombreuses années. Il a écrit de nombreux articles sur Verne, en rapport avec les romans, les pièces de théâtres ou les films tirés des romans de Verne, notamment dans le Bulletin de la Société Jules Verne et Verniana, mais aussi dans la Revue Jules Verne, dans Historia, dans Jules Verne et Cie, le bulletin du Club Verne, ou encore dans le Téléphonoscope - revue des amis d'Albert Robida. Il est membre du Comité d'administration de la Société Jules Verne. En été 2014, il a cédé sa collection de cinéma consacrée à Jules Verne à la Médiathèque de Nantes. ^