Comparé aux précédents, ce volume possède un contenu très spécial, non seulement parce que Vernania fête son dixième anniversaire, mais aussi parce qu’il marque le début de nouveaux développements très prometteurs. Vous connaissez la riche trajectoire du périodique annuel Vernania, que vous avez pu découvrir au fil des éditoriaux précédents.
La parution de ces dix volumes a été rendue possible par la réunion des efforts de recherche venus de différents points de la planète, et qui ont permis aux études verniennes de continuer à avancer [1]. Verniana a facilité une approche plus internationale, plus interdisciplinaire, et plus riche qu’à tout autre moment de l’histoire de la critique vernienne [2]. Ces dix volumes de Verniana mettent également en évidence la diversification des approches non seulement dans leur dimension temporelle, mais aussi spatiale [3]. Verniana enrichit ainsi l’information que nous pouvons consulter sur nos écrans, souvent sans aucun frais [4]. Elle nous permet d’accéder au pur plaisir de se plonger dans une aventure qui nous invite à voyager au sein d’un héritage vivant [5].
Un héritage qui, à partir de ce volume, va s’élargir, en devenant plus accessible à des lecteurs non francophones et non anglophones. L’œuvre, déjà du vivant de Jules Verne, fut traduite dans de nombreuses langues et maintenant ces traductions sont à la base d’abondantes recherches dans différents pays.
En 2008, Daniel Compère présentait Verniana comme « une revue véritablement internationale qui publie des articles en plusieurs langues, l’anglais et le français au départ, et d’autres langues peut-être » [6], et en 2013 William Butcher déclarait que ce périodique se distinguait par son bilinguisme au sein des publications périodiques [7]. Aujourd’hui Verniana devient quadrilingue. Deux langues y sont nouvellement représentées : le portugais et l’espagnol.Pour la première fois, Verniana publie un article en portugais. Augusto de Campos [8], écrivain, poète et critique brésilien reconnu, propose une étude comparative « Dados os dados : Mallarmé, Verne ». De Campos nous invite à découvrir les rapports entre ces deux écrivains contemporains, en utilisant sa langue portugaise, dont Jules Verne insère nombre de mots et d’expressions dans son roman La Jangada : huit cents lieues sur l’Amazone (1881). Le fait qu’un écrivain comme Augusto de Campos, renommé dans le monde des lettres brésiliennes, s’intéresse à lui, prouve que Verne est un auteur qui continue à susciter un vif intérêt.
Cette étude littéraire montre par ailleurs que l’œuvre de Verne peut être abordée à partir de points de vue très variés et toujours très riches en informations. C’est le 23 janvier 1867, dans le Jornal do Brazil, que les lecteurs brésiliens ont découvert, en langue portugaise, les écrits verniens avec la publication en feuilleton des Aventuras do Capitão Hateras, Os inglezes no polo norte (Les Anglais au pôle nord, Aventures du capitaine Hatteras, 1864-1865). Quelques années plus tard, en 1873, la maison d’édition de Baptiste-Louis Garnier publiait au Brésil le premier roman en portugais, Viagem ao centro da Terra.
William Butcher se demandait comment envisager l’avenir des études verniennes. Il soulignait l’importance de chercher une voie ouverte à une acceptation inconditionnelle de la part du monde littéraire et de l’université [9]. Cette voie, avec ce volume, commence à s’ouvrir : dans le monde littéraire, grâce à Augusto de Campos et dans le monde universitaire, grâce aux nombreux chercheurs qui travaillent sur Jules Verne.
Jusqu’ici les éditoriaux de la revue ont été exclusivement publiés en anglais et en français mais ce volume introduit l’espagnol. Depuis 2007, un groupe de chercheurs universitaires (T3AxEL) travaille pour diffuser l’énorme patrimoine issu de la figure et de l’œuvre de Jules Verne, en espagnol et en portugais.
Ces recherches nous ont permis d’établir et de diffuser le fait que déjà au XIXe siècle différentes maisons d’édition espagnoles publiaient des traductions, et que des journaux espagnols les imprimaient sous forme de feuilletons. Citons quelques exemples qui nous montrent l’importance que l’édition des romans et des nouvelles a eue du vivant de l’auteur : la première œuvre de Jules Verne traduite en espagnol est la nouvelle L’Amérique du Sud. Etudes historiques. Les premiers navires de la marine mexicaine (1851) sous le titre América del Sur. Las primeras naves de la marina mejicana qui sera publié en 1852, en feuilleton, dans le Museo de las Familias de Madrid, signé JV. Six maisons d’édition différentes publieront Viaje al centro de la Tierra (Voyage au centre de la terre, 1864) entre 1867 et 1886 [10]. La première traduction en espagnol, celle de la version en quarante-trois chapitres, sera publiée en feuilleton dans La Correspondencia de España de l’imprimerie de D. Hilarión de Zuloaga, et c’est immédiatement après que le texte modifié en quarante-cinq chapitres sera proposé au public.
Mais ce n’est pas seulement l’œuvre qui intéresse les lecteurs espagnols de l’époque. Les journaux diffusent des informations en rapport avec Verne : l’achat d’un bateau, une traversée, une visite touristique, des problèmes de santé,… Les journaux établissent également des relations entre des actions décrites dans un roman et des événements de l’actualité de l’époque, comme le tour du monde de Nellie Bly.
C'est en analysant les éditoriaux des neuf volumes précédents que nous avons perçu le passé de Verniana. Aujourd'hui, cette revue connaît des développements très prometteurs avec la diversification des langues et une plus grande ouverture aux mondes littéraire et universitaire. Mais qu'en est-il des enjeux auxquels la revue sera confrontée demain pour poursuivre son développement?
La vitalité de la revue Verniana ne fait pas de doute, et c’est une immense satisfaction pour toutes celles et ceux qui y travaillent assidûment. Mais il existe un enjeu primordial pour l’avenir. Le développement de toutes les revues, version numérique ou papier, dépend aujourd’hui plus que jamais non seulement de l’intérêt qu’elles suscitent chez de nouveaux lecteurs ou amateurs, mais aussi chez les futurs auteurs. Or, aujourd’hui, la publication d’articles a comme but pour les chercheurs non seulement de divulguer leurs travaux, idées ou découvertes, mais aussi de développer un parcours spécifique dans les domaines qui leur sont propres.
Le futur de Verniana est assuré par l’autorité que la revue a su conquérir dans le domaine des études verniennes. Mais il faudra l’ouvrir à de nouveaux auteurs : ceux qui désirent aussi écrire sur Jules Verne et qui ont besoin que leurs articles soient visibles dans leurs parcours professionnels.
C’est le défi que Verniana devra relever au profit des jeunes et des nouveaux chercheurs et pour continuer à défendre l’avenir des études verniennes.
NOTES
- Jean-Michel Margot, « Editorial », Verniana, vol. 4, 2011-2012, p. iii. ^
- Terry Harpold, « Editorial », Verniana, vol. 3, 2010-2011, p. x. ^
- Volker Dehs, « Editorial », Verniana, vol. 2, 2009-2010, p. i. ^
- Garmt de Vries-Uiterweerd, « Editorial », vol. 7, 2014-2015, p. vi. ^
- Marie-Hélène Huet, « Editorial », vol. 8, 2015-2016, p. vi. ^
- Daniel Compère, « Editorial », Verniana, vol. 1, 2008-2009, p. vi. ^
- William Butcher, « Editorial », Verniana, vol. 6, 2013-2014, p. v. ^
- Pour avoir des informations sur Augusto de Campos, on peut consulter les sites
suivants :
http://www2.uol.com.br/augustodecampos/home.htm (site personnel)
https://vimeo.com/243275243
https://editoraperspectiva.blog/2017/10/04/augusto-de-campos-janus-pannonius-grand-prize-for-poetry/
https://en.wikipedia.org/wiki/Augusto_de_Campos (en anglais)
https://es.wikipedia.org/wiki/Augusto_de_Campos (en espagnol)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Augusto_de_Campos (en français)
https://pt.wikipedia.org/wiki/Augusto_de_Campos (en portugais) ^ - William Butcher, « Editorial », Verniana, vol. 6, 2013-2014, p. vii. ^
- Cette année 1886, MM J. Hetzel&Cie cèdent à la maison d’édition d’Agustin Jubera le droit de traduction et de publication en Espagne des ouvrages que
Verne publiera désormais. Le contrat de cession du 30 octobre 1897 accorde la propriété absolue et à perpétuité du droit de publication en langue espagnole des dits ouvrages
non seulement pour l’Espagne comme précédemment, mais encore pour tous les pays de langue espagnole de l’Amérique Centrale et du Sud. Cependant, il y eut un contrat
antérieur très spécifique, signé le 7 juin 1875, entre l’éditeur Hetzel et le directeur du Journal de Ultramar pour traduire et publier en langue
espagnole L’île mystérieuse.
Les contrats peuvent être consultés dans les archives Hachette déposées à l’Institut Mémoires de l’Edition Contemporaine (IMEC). ^