Introduction
Dans la perspective de voir se développer les études sur Jules Verne, François Raymond insistait en 1976 sur « l’opportunité d’une critique plurielle [...] du ‘monde vernien’ [...] où puissent se confronter résultats et méthodes de trois séries de recherches trop séparées jusqu’ici : la recherche universitaire [...] ; la recherche érudite [...] ; et [une] recherche marginale » (souligné par l’auteur) [1].
C’est dans ce contexte que je propose ici une tentative d’étude ‘chimico-littéraire’ [2] du roman de Jules Verne Les Indes Noires (1877) [3], dans lequel « le héros découvre le double trésor de [la mine], le nouveau filon et la princesse des ténèbres », selon le résumé saisissant de concision qu’en a fait Simone Vierne [4] !
Dans ce travail, on discutera donc des mines de charbon, et de la vie des mineurs, puis du devenir des mines et des mineurs après la fermeture des exploitations. On insistera aussi sur l’importance des conditions de sécurité (risques liés au grisou, ce gaz explosif) pendant et après l’exploitation minière. Étant donné que, comme souvent chez Verne, les événements décrits dans le roman sont supposés se dérouler dans un futur non précisé mais certainement proche, je me référerai autant que possible aux conditions techniques, scientifiques et sociales prévalant à la fin du XIXe siècle. Pour ces divers aspects, je tenterai ainsi de faire le lien entre la description romanesque et les activités industrielles à l’époque de Jules Verne. C’est en fait assez facile avec cet auteur, comme l’a montré Matthias Gross pour le Voyage au centre de la Terre : il a notamment insisté sur le fait que « les personnages du roman sont confrontés, de façon répétitive, à leur ignorance scientifique et à des événements surprenants » (ma traduction) [4].
Dans ce travail, on discutera donc des mines de charbon, et de la vie des mineurs, puis du devenir des mines et des mineurs après la fermeture des exploitations. On insistera aussi sur l’importance des conditions de sécurité (risques liés au grisou, ce gaz explosif) pendant et après l’exploitation minière. Étant donné que, comme souvent chez Verne, les événements décrits dans le roman sont supposés se dérouler dans un futur non précisé mais certainement proche, je me référerai autant que possible aux conditions techniques, scientifiques et sociales prévalant à la fin du XIXe siècle. Pour ces divers aspects, je tenterai ainsi de faire le lien entre la description romanesque et les activités industrielles à l’époque de Jules Verne. C’est en fait assez facile avec cet auteur, comme l’a montré Matthias Gross pour le Voyage au centre de la Terre : il a notamment insisté sur le fait que « les personnages du roman sont confrontés, de façon répétitive, à leur ignorance scientifique et à des événements surprenants » (ma traduction) [5].
En particulier, et même si de nombreux autres chercheurs verniens (voir notamment : Michel Serres, Simone Vierne, Daniel Compère, Christian Chelebourg, Volker Dehs) les ont déjà étudiés auparavant, j’essayerai ici de caractériser les aspects fantastiques, étranges et inquiétants de ce roman où « noir, c’est noir » — comme le charbon — mais où, heureusement, « il […] reste l’espoir » [6].
Pour cette étude du roman, j’ai utilisé le texte qui est le plus couramment accessible. Toutes les citations aux Indes Noires se réfèrent donc à l’édition en Livre de Poche n° 2044 (Hachette, Paris, 1967), qui reprend l’édition in-8° Hetzel de 1877, avec ses illustrations ; les chiffres romains (petites capitales) indiquent le chapitre, les chiffres arabes la page correspondante [[7], [8]]. Toutefois, suite aux travaux récents sur les manuscrits originaux et la publication des échanges de correspondances entre Jules Verne et son éditeur P.J. Hetzel, cet aspect sera également évoqué dans une partie spécifique.
Charbon, emplois et fermetures des mines
Comme l’a fait Jules Verne pour son récit (IO, iii ; 18), je considère qu’ « il est convenable, pour l’intelligence de [cet article], de rappeler en quelques mots quelle est l’origine de la houille » et ses principaux usages à cette époque. Et ce même si un géologue a été très critique sur ce point en reprochant « la qualité médiocre, si ce n’est franchement mauvaise, de tout ce qu’il [= J. Verne] a écrit en ce qui concerne la géologie »[9] !...
On a pu considérer le XIXe siècle comme celui du charbon ; en effet, « jusqu’en 1914 environ, l’on pouvait mesurer assez bien le développement industriel grâce à l’évolution de la production charbonnière » »[10] qui fournissait différentes formes de charbon solide constituant « 95 % dans la consommation mondiale d’énergie avant 1914 », coke mais aussi gaz de houille. « Pendant plus de cent cinquante ans, les deux routes ont voisiné, et souvent se sont confondues : le charbon fournissait l’énergie indispensable au développement de l’industrie qui en retour entraînait l’essor de la production houillère » »[11].
C’était alors les débuts de l’intensification des industries extractives, ce qui a été désigné récemment par le mot ‘extractivisme’, ou « intensification de l’exploitation massive de la nature, sous toutes ses formes ». Cette définition s’applique aussi au cas des exploitations minières délaissées pour cause de non-rentabilité, puis remises en activité »[12] : ce qui est bien le cas de la mine Dochart, fermée après 150 ans d’exploitation (IO, i ; 5).
C’est par une formule lapidaire que ‘Oncle Bernard’ a résumé La Grande Transformation décrite en détails par Karl Polanyi »[13] : « la révolution industrielle transforma la belle et verte Angleterre en Angleterre noire » »[14] . À propos de l’Exposition Universelle de 1851 à Londres, François Bédarida écrit : « Triomphe de l’âge mécanique : de tous côtés s’affirme le primat du métal et du charbon. [...] l’île est bel et bien devenue, selon l’expression de Michelet, un ‘bloc de houille et de fer’ » »[15] . Le contraste est en effet grand entre d’une part le site de l’usine (décrit au début du roman, p. 31-38) et la mine souterraine (passim), et d’autre part la campagne au-dehors, que Harry fera découvrir à Nell (à la fin). Mêmes contrastes dans le film (en noir et blanc) de Marcel Bluwal pour la télévision »[16] .
À cette époque, grâce au chemin de fer, « tout le pays devient accessible en un temps infime » dans « un pays résolument moderne qui aspire au charme du progrès dont la vitesse est l’emblème » »[17]. Ainsi, peu après que le courrier postal lui a apporté à Édimbourg la missive des Ford (IO, i ; 7), puis la menace de Silfax (IO, i ; 10), l’ingénieur James Starr prendra d’abord le bateau à vapeur (IO, ii ; 13), puis le train pour rejoindre Harry Ford à la gare de Callander (IO, ii ; 18).
Origine du charbon. Le charbon est un mélange complexe et variable, selon le lieu et les circonstances de sa formation, dans lequel les composés lignocellulosiques des plantes se sont dégradés puis transformés en tourbe, et ensuite progressivement en lignite, en bitume puis en anthracite : « le végétal se transformait en minéral » (IO, iii ; 21). Cette série de maturations (en franglais : ‘coalification’, soit aussi charbonisation) dépend de la nature des plantes, et des conditions thermiques et microbiennes qui se sont succédé au cours des temps géologiques. Elle conduit également à la présence de quantités variables d’eau, d’huiles et de gaz dans ce qui sera, en cas d’exploitation, le filon de charbon »[18].
Pour les explorateurs des galeries souterraines du Voyage au centre de la Terre »[19], c’est « toute l’histoire de la période houillère [qu’ils verront] écrite sur ces sombres parois », lorsqu’ils se trouveront « en pleine houillère » ; ici aussi, Jules Verne explique (mais de façon plus succincte) la formation de « ces immenses couches de charbon » par « l’action de la chimie naturelle » (VC, xx ; 170-174). Aronnax et ses compagnons »[20] auront, eux, la surprise de se trouver dans des « houillères sous-marines » qui constituent pour le capitaine Nemo « une mine inépuisable » : il « brûle ce combustible pour la fabrication du sodium » qui lui sert à constituer ses piles électriques (VL, x ; 431-432).
La région qui est le siège du roman appartenait au continent Laurussia qui est entré en collision avec le continent Gondwana vers 360 millions d’années (Carbonifère inférieur) ; la chaîne qui en résulte (Figure 1) est la chaîne varisque (ou hercynienne). À partir de 360 millions d’années, l’Europe appartenait déjà au continent de la Pangée, et le climat tropical y a favorisé le développement de forêts de fougères géantes qui ont ensuite été fossilisées pour former les bassins houillers dont l’âge est entre 320 et 300 Ma (Carbonifère supérieur) »[21]. Il en est donc résulté l’importante zone houillère (charbon de type marin) qui part du bassin de la Ruhr en Allemagne et passe par le bassin français du Nord/Pas-de-Calais, maintenant fermé. La cité écossaise d’Aberfoyle existe vraiment »[22], même si on n’y exploite pas le charbon, au contraire d’autres endroits dans le Sud de l’Écosse : en effet il ne peut pas y en avoir, comme l’indique un rapport géologique officiel ; par contre on y trouve des carrières d’ardoises » [23].
Figure 1. Les massifs anciens d’Europe. Les gisements de charbon de type marin sont liés au démantèlement de la chaîne hercynienne à l’ouest
de l’Europe ; sur cette carte des massifs anciens (socle métamorphique et granitique), les dépôts sédimentaires et charbonneux du Carbonifère se sont mis en place à
l’avant des zones en rose.
Illustration tirée de : M. Faure. « Le substratum de la France métropolitaine : de la formation du Gondwana à la constitution
de la Pangée, une histoire de 600 Ma ». Géologues 180, 13-21 (2005). Reproduite avec l’aimable autorisation de l’auteur et celle de la
revue http://geosoc.fr/boutique-en-ligne/geolgues-geosciences-appliquees/.
Exploitation. « Les installations du fond, c’est-à-dire les galeries de longue durée et les tailles proprement dites, nécessitent des travaux de soutènement et des travaux de remblayage », ce qui demande une organisation stricte pour assurer la sécurité du personnel ... et la rentabilité de la mine [24]. Contrairement à ce que l’on croit souvent, les étais ne sont pas en chêne ou en hêtre, des bois pourtant très solides et résistants, mais en résineux car on entend alors ‘craquer’ ce bois quand un risque d’éboulement se prépare, ce qui permet de s’abriter [25] !
Les installations, maintenant plus ou moins délabrées, de l’ancienne mine sont encore visibles à l’ingénieur qui y revient, accompagné de Harry Ford (IO, iv ; 35-37) : machines, pompes, wagons, pistons... Lorsque les héros du roman auront confirmé l’existence d’un nouveau filon de charbon, l’exploitation reprendra, mais de façon plus moderne bien sûr. En particulier, fidèle en cela à son admiration pour ‘la fée Électricité’, qui s’implantera en France à partir de l’Exposition Universelle de Paris de 1867 [26], Jules Verne décrira alors « un milieu où l’électricité jouait un rôle de premier ordre, comme agent de chaleur et de lumière » (IO, xiii ; 127-128), et la journée de travail dans la Nouvelle-Aberfoyle se déroulera « avec la plus grande activité » (IO, xix ; 204). D’une certaine façon, « pour Jules Verne, l’électricité est un élément magique, qui se trouve derrière bien des mystères du monde, qui semble même en être l’âme » [27]. Le romancier avait en effet clairement pressenti l’importance des applications urbaines de l’électricité dans Paris au XXe siècle [28], notamment pour éclairer rues et magasins, pour créer des affichages publicitaires, et même faire étinceler l’intérieur de Notre-Dame ou créer de la musique (PV, p. 46 et 196-198).
Ainsi, dans Coal-city « l’électricité investit tous les recoins de la mine d’une aura mystérieuse » [29]. On sera ainsi « passé de la noirceur, la désolation et le chaos à la mise en place d’une utopie souterraine stable et sans conflits » (ma traduction) [30].
Production et usages. « À la fin du XVIIe siècle, la consommation de houille est encore faible, sauf en Angleterre dont la production atteint 3 millions de tonnes, chiffre énorme pour l’époque ». Puis les besoins augmentent au rythme du développement industriel (hauts fourneaux sidérurgiques — 1735 ; gaz d’éclairage — Londres, 1807 ; colorants chimiques — 1850) et surtout des transports emmenés par la machine à vapeur (locomotive — Stephenson, 1817 ; bateaux à aubes ou « steam-boat » [IO, ii ; 14-15] et bateaux à hélice — 1837) [31] (IO, I ; 3-4). Ainsi, « en 1860, l’Angleterre produit près de 60 % du charbon du monde » [32], et la production en Grande-Bretagne va plus que doubler entre 1875 et 1913, passant de 134 à 292 millions de tonnes ; les exportations croissent également [33] : 20 % de la production en 1905 (Figure 2).
Figure 2. Production et emplois dans les mines de charbon au Royaume-Uni (1853-2012),
d’après
https://www.gov.uk/government/statistical-data-sets/historical-coal-data-coal-production-availability-and-consumption-1853-to-2011.
On observe ainsi un effet de rétroaction inattendu, auquel on donne le nom de ‘paradoxe de Jevons’, « du nom de l’économiste Stanley Jevons qui fit remarquer, en 1865, que la consommation britannique de charbon avait fortement augmenté après l’arrivée sur le marché de la machine à vapeur de James Watt, plus efficace et plus économe en carburant que les modèles précédents, donc également plus rentable » [34].
Pour ce qui concerne les utilisations plus récentes du charbon, on a distingué dans la seconde moitié du XXe siècle « les usages purement thermiques [...] et ceux où, après carbonisation, il y a en outre un usage spécifique » tel que « coke métallurgique pour la réduction du minerai de fer au haut fourneau ou coke de fonderie pour la production d’aciers spéciaux et de ferro-alliages » » [35].
Emplois et fermeture des mines britanniques. On a longtemps considéré que les stocks de charbon étaient inépuisables : ainsi en 1839 on estime pouvoir « fournir les besoins actuels [de la Grande-Bretagne] pendant plus de 1340 ans » — j’admire la précision de la prédiction ! Pourtant, dès les années 1820, suite à l’épuisement et la fermeture de certaines mines, ce pays a procédé à des évaluations des réserves exploitables [36]. C’est exactement ce qu’écrit Jules Verne dès le début du roman, là où il explique la situation en Angleterre ainsi que l’origine de la dénomination des ‘Indes Noires’ : « la consommation s’était tellement accrue pendant ces dernières années, que certaines couches avaient été épuisées jusque dans leurs plus maigres filons. [...] Tel était, précisément, le cas des houillères d’Aberfoyle » (IO, i ; 3). Cette consommation excessive (IO, iii ; 19-25), et son épuisement certain à plus ou moins long terme, feront regretter par Harry « que tout le globe terrestre n’ait pas été uniquement composé de charbon ! » (IO, iv ; 34). Dans le Voyage au centre de la terre aussi [37], Verne avait déjà évoqué « une consommation excessive [qui risque] épuiser [les réserves] en moins de trois siècles » (VC, xx ; 174). Puis dans L’Île Mystérieuse il reviendra sur le fait que « ce charbon, qu’on peut justement appeler le plus précieux des minéraux » est ce qu’on nomme maintenant une ‘ressource énergétique non renouvelable’ et il prédira qu’il y en a encore pour « au moins deux cent cinquante ou trois cents ans » seulement ; il envisage alors son remplacement comme source d’énergie à partir de la décomposition de l’eau (= oxygène et hydrogène), « car enfin sans charbon, plus de machines, et sans machines, plus de chemins de fer, plus de bateaux à vapeur, plus d’usines, plus rien de ce qu’exige le progrès de la vie moderne ! » [38].
Au fur et à mesure de l’exploitation, le travail du mineur de fond est de plus en plus difficile, pour contrecarrer les effets mécaniques du sous-sol ; et c’est pire lors d’une reprise d’activité après un arrêt : « Quelques semaines d’arrêt d’entretien suffisent aux mouvements naturels des terrains et aux venues d’eau pour détériorer aussi bien les travaux d’ossature que le gisement lui-même. [...] Après quelques années, le coût de reconstitution des grands travaux devient rédhibitoire et il est plus avantageux de créer une mine nouvelle et d’abandonner le gisement fermé devenu inexploitable ». Une telle « fermeture prolongée a pour effet de remplacer en quelque sorte un matériau compact et relativement homogène [...] par un matériau inconsistant et hétérogène » [39]. On imagine donc que le projet des Ford est quelque peu utopique... D’autant que, en raison de l’inertie de ce type d’industrie extractive, il faut « de longs délais pour augmenter la capacité de production d’une mine, [mais aussi] pour mettre en exploitation un nouveau gisement » [40] ; et « l’expérience [prouve] qu’il faut dix ans pour qu’un changement fondamental de production de charbon porte ses fruits » [41]. Or, « un gisement n’est connu que lorsqu’on a fini de l’exploiter », selon une boutade habituelle aux mineurs [42].
En Mars 2014, le quotidien Le Monde annonçait « La fin du charbon britannique ‟d’ici cinq à six ans” », ce qui mettrait « un terme historique à deux cent cinquante ans d’exploitation intensive, au berceau de la révolution industrielle », sachant que « le déclin de cette industrie [...] remonte à la première guerre mondiale, quand un million de personnes travaillaient dans les mines, produisant presque 300 millions de tonnes par an ». Et le journaliste explique ainsi l’évolution de la situation : « En 1947, quand le secteur a été nationalisé, la production était déjà tombée à 225 millions de tonnes » ; elle sera encore divisée par 2 lors de la grande grève des mineurs, en 1984. En 1994, le NCB (National Coal Board, la société publique gérant le secteur) fut nationalisé. Mais « aujourd’hui, UK Coal, l’entreprise privée qui lui a succédé, n’exploite plus que 8 mines [---] dans leur majorité profondes et difficiles à exploiter » et où travaillent actuellement 6000 mineurs seulement. Paradoxe pour le Royaume-Uni, qui produit environ 40 % de son électricité dans des centrales énergétiques à charbon, et qui doit donc importer [43] !
En fait, c’est dès le 17 Décembre 2015 que « la mine de charbon de Kellingley, la dernière encore en activité [au Royaume-Uni]ferme ses portes après 50 ans de bons et loyaux services » ; ils étaient « 450 mineurs à descendre encore quotidiennement à 800 mètres sous terre en quête de la précieuse houille », dans « ce coin brumeux du nord du Yorkshire » [44]. Pourtant, il semble que les réserves de charbon pouvaient permettre de continuer 15 à 20 ans encore. Mais les conditions économiques en ont décidé autrement : le charbon importé (de Russie ou de Colombie, entre autres) correspond en 2014 à 84 % de la consommation [45]. Comme le dit un cadre de la mine : « Cela a pris environ 30 millions d’années de créer la géologie qui a produit le charbon, et pourtant nous en avons déjà consommé la majeure partie en un peu moins d’un siècle » [46] ; on croirait une citation de Jules Verne à propos de la mine d’Aberfoyle (cf. ci-dessus) ! La seule mine de charbon du Royaume-Uni est donc maintenant... le Musée National de Wakefield dans le Yorkshire [47].
La France n’avait pas attendu si longtemps : c’est dès Avril 2004 que la dernière mine de charbon, située à Creutzwald en Moselle, a fermé définitivement. Les houillères de Moselle, en activité depuis 1856, avaient produit 800 millions de tonnes de charbon (dont 100 millions à Creutzwald), à partir de 56 puits où un total de 200 000 salariés, tous métiers confondus, originaires de nombreux pays d’Europe ou d’Afrique du Nord, avaient travaillé. Si quelques personnes devaient rester sur place pour traiter les eaux d’exhaure et capter le grisou, dès 2005 on envisageait de laisser s’ennoyer les installations souterraines (y compris du matériel d’extraction assez récent !) [48].
La mine et les mineurs
Si au début de l’exploitation des houillères « le mineur n’était guère alors qu’un manœuvre spécialisé assez comparable au terrassier » comme on le voit dans le roman, progressivement « celui qui travaille directement la couche de charbon, est devenu un spécialiste ». Longtemps, « sa formation est restée essentiellement traditionnelle et familiale » [49], ce qui est notamment le cas dans la famille Ford : « eux, qui pendant de longues années, s’étaient succédé de père en fils dans la vieille Aberfoyle » (IO, I ; 4 — et aussi IO, v ; 47). C’est pourquoi Harry n’imagine pas un autre avenir que mineur comme son père, au point de vouloir à tout prix trouver un nouveau filon et faire revivre la mine souterraine abandonnée, dans laquelle ils vivent.
Constant Malva, qui a été mineur, confirme qu’on est presque toujours mineur de père en fils : « mon père, mes oncles, les cousins de mon père étaient tous de très bons ouvriers ; ils avaient, si je puis dire, le sens inné du travail de la mine ; ils eussent donc pu m’initier. Mais [...] ils auraient [...] voulu me voir hors de la mine et me reprochaient d’y rester. [...] Ce reproche, on se le fait mutuellement. Et tout le monde reste » [50]. À cette époque encore, dans le Borinage (Brabant belge) où Malva vivait et où il a travaillé de 1919 à 1940, on employait les enfants à partir de 14 ans, ce qui avait d’ailleurs été son propre cas.
Harry est nostalgique : « le travail était dur, mais il intéressait, comme toute lutte » (IO, iv ; 32). Et il faut reconnaître que « le mineur [...] conserve un grand attachement pour sa contrée, analogue à celui du paysan à son terrain ou du marin pour la mer » ; il « a le sentiment d’exercer un ‘métier à part’. Il travaille sous terre, dans un contexte de danger permanent, et ne connaît que sa seule industrie. Un abatteur ne transforme pas la matière, il lutte contre les forces naturelles pour leur arracher du charbon » (c’est moi qui souligne) [51]. Bachelard [52] signale que, pour Novalis « le mineur est un ‘astrologue renversé’ [...] le héros de la profondeur » ; et en parlant de ce qu’il nomme complexe de Novalis, il explique que « Le besoin de pénétrer, d’aller à l’intérieur des choses, à l’intérieur des êtres, est une séduction de l’intuition de la chaleur intime. [...] cette sympathie thermique trouvera, chez Novalis, son symbole dans la descente [...] dans la grotte et la mine » (souligné par l’auteur).
D’autres ont noté que :
Par rapport à son collègue du jour [celui qui travaille en surface] ou d’usine, l’ouvrier mineur a un double sentiment. De supériorité, parce qu’il est ‘le productif’ [...], qu’en outre sa force physique et le prestige du danger auquel il fait face en permanence le font respecter dans la cité où il est ‘quelqu’un’. [...] Et d’infériorité [...] [ce qui] le pousse à se grouper avec ses camarades [...] et explique la solidarité des mineurs d’une même région, leur adhésion massive au syndicalisme, leur participation active aux grèves. [53]
D’où « la mentalité de ‘fortes têtes’ attribuée aux mineurs » [54]. Si un proverbe minier dit « femme de mineur, femme de seigneur », la dureté des grandes grèves du XXe siècle (notamment : celles de 1948 et de 1963 en France, et celles de 1926 et de 1984 en Grande-Bretagne) fera que si « l’homme [...] faisait la politique, la femme tenait la bourse » [55].
Ces rivalités entre catégories sociales, sources de rancœurs exacerbées par la misère, se retrouvent durant les épisodes de grèves (cf. Germinal, passim). Mais cela n’apparaît pas dans Les Indes Noires, où les différents protagonistes, quel que soit leur statut, font toujours preuve d’entente et d’entraide. Pourtant, « “Les Mines, c’était la discrimination” [...] En bas de l’échelle, les ouvriers, les mineurs. Un cran au-dessus, les porions, ces petits chefs ou contremaîtres. Un peu plus haut, mais à peine, les employés des bureaux et, au firmament, les ingénieurs. [...] le charbon était gratuit pour tous. Mais pas le même pour tous » [56].
Grisou et sécurité
Les effets délétères pour la santé de l’exploitation minière mettent souvent longtemps avant de se développer ; il s’agit essentiellement de maladies respiratoires, comme la silicose due à une inflammation des poumons par la poussière de charbon. En 2004, Black rapportait que, aux USA, un mineur de charbon sur 20 était encore atteint par cette affection [57]. C’est pourquoi les habitants du Borinage, dans le Hainaut belge, souffraient d’un « perpétuel tourment : la mine qui les oppresse de toutes parts et les tue de diverses manières. Le spectre de la catastrophe ou de l’accident les hante et la maladie ne les épargne pas. Nombreux sont ceux qui meurent jeunes encore » [58].
Si les mineurs se savent souvent exposés au danger à court (explosions, écrasement) ou long terme (maladies professionnelles), dans les premiers temps ils chercheront rarement à militer pour améliorer leurs conditions de travail, encore moins à s’inquiéter des risques de pollution de leur environnement. Tout dépend de la personne ! Pour certains, rien n’est un risque en soi, il n’y a pas de risque dans la réalité ; pour d’autres inversement, tout peut être risque ; tout dépend de la façon dont on analyse le danger, dont on considère l’événement. Pour la plupart des médecins des mines, les maladies de mineurs étaient banales, alors que c’était la silicose ou « maladie des poumons de pierre », que l’on ‘soignait’ avec... de la graisse de chien (!) [59].
Autres temps, autres mœurs : maintenant que les mines sont fermées et que les mineurs et leurs familles vivotent dans des villes sinistres et sinistrées, des maladies professionnelles (dont les temps de latence sont souvent élevés) se déclenchent, et les anciens mineurs meurent l’un après l’autre. En Lorraine en 2014, 800 de ces anciennes ‘gueules noires’ ont saisi les tribunaux pour faire reconnaître un ‟préjudice d’anxiété” : pour la première fois dans l’histoire des mines, « ils demandent réparation, non des maux qu’ils ont endurés, mais des maux à venir » car « statistiquement, leur espérance de vie est amputée, “de dix ans en moyenneˮ » [60]. La justice prud’hommale leur donnera raison en 2016 [61].
Mais c’est bien sûr le méthane qui est à l’origine du plus grand nombre de morts dans les mines de charbon, par suite de l’explosion du grisou (IO, vii ; 72-73). Le méthane CH4, un gaz incolore et inodore, présent en proportions de 5 à 15 % dans l’air, forme avec lui un mélange explosif, avec des températures pouvant dépasser 1000 °C ; l’étincelle déclenchante est souvent due aux effets électrostatiques des poussières (de charbon et / ou de roches silicatées) [62]. C’est exactement ce que dit James Starr : « Le grisou est presque sans odeur, il est sans couleur Il ne trahit vraiment sa présence que par l’explosion !... » (IO, vii ; 69). On essayait alors de le détecter par des dispositifs basés sur la taille et la couleur de la flamme d’une lampe spéciale : c’est la grisoumétrie [63].
Le grisou est donc principalement composé de méthane (80-95 %), mais il contient aussi des proportions variables d’autres gaz inflammables tel que l’éthane (0-8 %), le propane et des alcanes supérieurs (0-4 %), ainsi que de l’azote (2-8 %) et du dioxyde de carbone (ou gaz carbonique : 2,2-6 %) [64].
Le charbon peut lui-même adsorber le méthane. En effet, le charbon est un assemblage complexe de molécules organiques avec une structure microporeuse : ainsi d’importants volumes de gaz peuvent être incorporés par adsorption à la surface des pores du charbon. La capacité d’adsorption dépend de la qualité physique et de la composition pétrographique du charbon ; de plus, elle diminue quand le degré d’humidité et / ou la température augmentent. Des mesures de méthane adsorbé dans des charbons couvrent la gamme allant de traces à 25 m³/t, les valeurs les plus élevées correspondant à de l’anthracite [65]. On comprend alors mieux l’affirmation de Simon Ford : « pour moi, le grisou, c’était le filon de houille » (IO, vii ; 69).
« Pas de charbon, pas de grisou ! Il n’y a pas d’effets sans cause... » (IO, vii ; 68) : « Au dire de Simon Ford, l’hydrogène [‘protocarboné’, c’est-à-dire le méthane] se dégageait sans cesse, et l’on pouvait conclure à l’existence de quelque important filon » (IO, vii ; 73). C’est pourquoi il décide d’un test décisif : enflammer le gaz qui se dégage (Figure 3), à la suite de quoi « une légère détonation se fit entendre, et une petite flamme rouge, un peu bleuâtre à son contour, voltigea sur la paroi » (IO, vii ; 79). Un nouveau filon était ainsi découvert, ce qui justifie l’invitation de l’ingénieur Starr à revenir sur le site abandonné.
Figure 3. Démonstration de l’inflammabilité du grisou : ici, dans la Mine de Sel de Bex (Suisse).
© Saline de Bex
SA; http://saline-varan.blogspot.fr/2010/10/les-mines-de-bex-le-sel-des-alpes.html].
Entre 1851 et 1980, on a pu recenser 186 explosions importantes dans les charbonnages britanniques (principalement avant la nationalisation de 1947), donnant lieu à environ 10 000 décès. Cependant l’amélioration des conditions de ventilation et du contrôle du grisou ont fait fortement diminuer ces accidents mortels au cours des années [66]. Sur la Figure 4, j’ai reporté les principaux accidents miniers ayant provoqué des morts (par explosions de grisou, mais aussi à la suite d’incendies, d’éboulements ou d’inondations), entre 1760 et 1973, dans les seules mines d’Écosse — rappelons que c’est là que se situe la fosse Dochart sur le site d’Aberfoyle. En France, on se souvient encore avec émotion du terrible coup de grisou de Liévin (Pas-de-Calais) qui, le 27 Décembre 1974, fit 42 morts et 8 blessés parmi les hommes pris au piège dans le fond de la mine [67].
Figure 4. Accidents miniers en Écosse, entre 1760 et 1973 — d’après les données accessibles sur le site http://www.scottishmining.co.uk/5.html.
Pour s’éclairer, les mineurs doivent donc utiliser des lampes de sécurité, comme celle inventée en 1815 par le chimiste britannique Davy [68], ce « bon génie » des mineurs (IO, vii ; 70) : la flamme de la lampe à huile est enveloppée par une toile métallique (Figure 5) qui, en diminuant la température d’échauffement par son pouvoir conducteur, évite d’atteindre la température d’inflammation du grisou [69] (IO, iv ; 37 et 72). Pour éviter l’inflammation explosive du « protocarbure d’hydrogène », le professeur Lidenbrock et ses compagnons, eux, s’étaient équipés pour s’éclairer avec « les ingénieux appareils de Ruhmkorff » [70].
Lorsque l’ingénieur Starr, revenu sur place, se prépare à descendre au fond de la fosse Dochart (IO, iv ; 37), il affirme que « dans la houillère, vide de charbon, les fuites de gaz hydrogène protocarboné ne pouvaient plus se produire », et que donc « les coups de grisou ne sont plus à craindre maintenant ! ». Ce qui est faux : les mines abandonnées après la fin de leur exploitation ne sont pas dépourvues de dangers, loin de là ! Tout d’abord, le méthane circule dans les roches fracturées ; puis il s’accumule dans les galeries non surveillées, parfois même jusqu’aux habitations voisines. Selon Malva, qui y avait travaillé, « le charbonnage le plus grisouteux du monde [serait] le puits n° 10 de Grisoeil », où il se dégageait alors « 50 000 mètres cubes de gaz en vingt-quatre heures » ; il cite également « la maison du grisou », « où les particuliers s’éclairent et cuisinent au gaz naturel sortant de terre » » [71].
Figure 5. Lampe de sécurité des mineurs. À gauche, illustration originale de J. Férat (IO, vii ; 71).
À
droite : lampe de Davy, d’après Miners safety lamps, a guide to resources, North of England Institute of Mining and Mechanical Engineers,
Nicholas
Wood Memorial Library, January 2016, www.mininginstitute.org.uk.
Les terrils résultant des exploitations de charbon contiennent en moyenne environ 50 % de charbon et 50 % de matériaux minéraux ou ‘stériles’ (c’est-à-dire pauvres en charbon, et non pas ‘inertes’ !) ; leur quantité est de l’ordre de 7 à 10 % de la production finale de charbon. De tels résidus de l’exploitation minière sont classifiés comme des ‘technosols’, autrement dit des sols principalement d’origine technique et contenant des matériaux résultant de l’activité humaine » » [72].
Ces résidus miniers peuvent être réintroduits dans la mine après exploitation (totale ou partielle), ce qui réduira les risques environnementaux liés à une rupture d’une digue de terril. Toutefois, comme l’a fort justement signalé Simone Vierne [73] la fosse Dochart, une fois l’exploitation terminée, aurait dû se remplir progressivement d’eau ; ou, mieux, être ennoyée volontairement pour limiter son accès et les risques d’explosions [74]. Mais la présence d’eau au contact des roches fracturées, souvent riches en minerais sulfurés comme la pyrite FeS2, provoque une réaction d’oxydation formant de l’acide sulfurique H2SO4 [75]. Ce phénomène, bien connu des exploitants miniers, est nommé le ‘drainage minier acide’ (ou DMA ; en anglais, ‘acid mine drainage’ — AMD). On peut ainsi arriver à des concentrations en acide très élevées, donc des solutions très corrosives. De plus, les DMA sont souvent également des eaux salines / alcalines, riches en éléments toxiques dissous (arsenic et éléments métalliques tels que plomb, cadmium, mercure, etc.) ; leur écoulement hors du site minier peut alors provoquer d’importantes pollutions des sols et des cours d’eau aux alentours, et notamment des dépôts d’ocres (de couleur rouille), qui sont des oxyhydroxydes de fer(III) FeO(OH)(s) formés par l’oxydation à l’air libre [76].
Hélas, l’ennoyage ne supprime pas totalement la circulation du méthane, qui est alors sous forme dissoute et non plus gazeuse ; ni les risques associés [77].
Origine du méthane. Le méthane CH4, associé au dioxyde de carbone CO2 (ou gaz carbonique), est le principal produit final de la décomposition de la matière organique dans les sédiments lacustres. La principale réaction chimique impliquée se fait à partir de l’acide acétique formé par une série de réactions d’hydrolyse de la cellulose, des protéines, des lipides, et de la matière organique naturelle (composée de 80 à 99 % de ‘kérogène’, une fraction insoluble, et de ‘bitume’, fraction soluble piégée dans la matrice du kérogène), et dont chacune des phases intermédiaires sont assurées par des groupes spécialisés de micro-organismes bactériens [78]. Mais le méthane peut également provenir de la réaction de réduction du CO2 géogénéré par ailleurs [79].
Dans le cas des mines de charbon, une autre source de méthane, la plus importante, est la décomposition thermique du kérogène des lits de charbon : cette source de méthane (et d’autres hydrocarbures gazeux), dite thermogénique, commence à des températures voisines de 110 °C, dans les charbons de qualité bitumineuse, et continue tout au long de la carbonisation [80].
Récupération du méthane après exploitation. Après une diminution initiale, les mines abandonnées continuent à libérer du méthane, pour atteindre un état quasi-stationnaire sur une assez longue durée, ou pour seulement quelques années dans le cas des mines ennoyées [81].
À l’échelle mondiale, les émissions gazeuses provenant des mines de charbon, abandonnées ou actives, produisent 8 % du méthane total, ce qui correspond à 17 % de contribution aux émissions mondiales de gaz à effet de serre [82] — sachant que le méthane a un potentiel de réchauffement global qui est de 28 à 34 fois celui du gaz carbonique. Ce méthane a deux origines : thermogénique et biogénique. Dans les mines abandonnées, le méthane thermogénique est un résidu des processus géologiques, alors que la formation biogénique reste active ; elle est due à la fois au charbon restant et aux bois des poutres de charpentes utilisés pour le soutènement des galeries, et qui y ont été abandonnés [83].
Plutôt que de laisser le méthane ainsi émis partir dans l’atmosphère, il est adéquat de le récupérer et de le valoriser. De nombreuses utilisations sont possibles, la principale étant l’emploi comme combustible dans des installations de production de chaleur et / ou d’énergie, de préférence au voisinage de l’ancienne mine [84].
« Moi, j’ai dit ‟bizarre, bizarre” ? comme c’est étrange ! » [85]
Je souhaite maintenant procéder à une lecture suivie des Indes Noires et (tenter d’y) analyser les divers aspects liés à l’inquiétant, à l’étrange et / ou au fantastique, en m’appuyant aussi sur les travaux précédents. En effet, cette thématique a déjà suscité de nombreux travaux, qui sont rappelés ci-dessous. Mon propos n’est pas d’en établir le bilan, mais d’opérer une relecture du discours, de tenter une revue des analyses précédentes dans la perspective chimico-littéraire que je cherche à développer ici.
Michel Serres, qui a consacré toute une célèbre étude à ce roman [86], explique ailleurs [87] que Les Indes Noires raconte « une initiation aveugle à l’amour » :
...accompagné de comparses, le fiancé extrait l’héroïne d’une mine deux fois noire, houille obscure et ténèbres sans lampe, d’un supplément de souterrain où elle a vécu depuis sa naissance, l’emmène hors de la caverne, puis monte au sommet d’une montagne d’Écosse d’où elle voit l’aurore pour la première fois. Autant de voyages initiatiques vers trois lumières : celle du jour, celle de la connaissance du monde, ainsi que de sa beauté, enfin celle de l’amour.
Tout est dit !
Ensuite, après que J.P. Dekiss lui eut rappelé sa vision « [d’]un contenu religieux entre l’enfer, la terre et le ciel », Michel Serres répond que
le récit Les Indes Noires décrit [...] une utopie sociale, certes, d’abord, mais, en fin de compte, une initiation. Toute l’entreprise consiste à faire monter des Enfers, de l’intérieur de la mine, une femme pour qu’elle voie, un beau matin, le vrai soleil se lever ... ou le soleil du vrai. [...] Elle sort du puits le plus profond, d’un trou noir, et monte vers la clarté. Le roman commence sur le mode social comme un projet politique. [...] À la fois voyage dans un pays, événement historique et collectif, essai de science sociale, enfin tonalité assourdissante d’un voyage initiatique et mystique. [88]
Selon Tzvetan Todorov dans son étude séminale sur le sujet, « Le fantastique implique [...] non seulement l’existence d’un événement étrange, qui provoque une hésitation chez le lecteur et le héros ; mais aussi une manière de lire, qu’on peut [...] définir négativement : elle ne doit être ni ‘poétique’ ni ‘allégorique’ ». C’est le cas ici du « fantastique-étrange [dans lequel] des événements qui paraissent surnaturels tout au long de l’histoire, y reçoivent à la fin une explication rationnelle » (c’est moi qui souligne), même si on a eu (comme les personnages du roman) « une perception particulière d’événements étranges » (souligné par l’auteur) [89].
Résumant les liens qui existent entre Jules Verne et le fantastique à travers nombre de ses romans (et contes), Simone Vierne explique tout d’abord que
Dans le fantastique [...] le lecteur [...] ressent une impression d’étrangeté frissonnante, de crainte fascinée, de peur délicieuse. Le fantastique a à voir, en effet, avec l’imaginaire, avec le rêve.
et elle conclut son étude en signalant que
ébranler la confiance dans la science et à faire apparaître [...] les forces inexpliquées, qui marquent [...] les limites de l’homme, de sa raison, de ses capacités à dominer le monde. [90]
T. Todorov caractérise aussi « l’étrange pur » (c’est moi qui souligne), qu’il relie au « sentiment de l’étrange » décrit par Freud et qui, bien que suscitant la peur, est selon lui « lié uniquement aux sentiments des personnages et non à un événement matériel défiant la raison ». Dans Les Indes Noires en effet, « on relate des événements qui peuvent parfaitement s’expliquer par les lois de la raison, mais qui sont, d’une manière ou d’une autre, incroyables, extraordinaires, choquants, singuliers, inquiétants, insolites » ; cependant, on a ici un récit où le narrateur n’est pas représenté, au contraire de la plupart des histoires fantastiques [91].
Daniel Compère, après des considérations sur la façon dont Edgar Poe est vu par Jules Verne, note que ce dernier, lui, « donne un support scientifique à son fantastique qui n’en est pas moins inquiétant » [92] (c’est moi qui souligne). Ce point est repris par Christian Chelebourg qui précise que, si pour Pierre Larousse dans son Dictionnaire « le fantastique [apparaît comme le lieu d’] une troublante confusion du vraisemblable et de l’incroyable », Jules Verne affiche plutôt « la réduction du merveilleux au scientifique » [93].
Ailleurs, Daniel Compère évoque « l’inexplicable inquiétant, c’est-à-dire la situation où l’événement est inexplicable selon les normes du quotidien ou du connu, mais devient explicable si l’on admet le surnaturel » (c’est moi qui souligne), et il précise que « l’inexplicable se situe à mi-chemin entre le réalisme (explication différée) et le fantastique traditionnel (explication surnaturelle) » [94]. Il cite ensuite à ce propos le roman : « pourquoi se donner tant de mal pour expliquer une série de faits, qui s’expliquaient si aisément par une intervention surnaturelle des génies de la mine ? » (IO, xiv ; 143). D. Compère précise encore que « chez Verne, la science est doublement utilisée. D’une part, elle fait référence à un réel connu et apporte une garantie de véracité. D’autre part, elle sert à justifier l’étrange » [95] ; ainsi, le texte vernien met parfois « sur le même plan le savoir scientifique et le savoir mythique ». De plus, selon lui
dans le discours fantastique, les références ne fonctionnent plus : le savoir est impuissant à expliquer les événements. L’incertain trouve son origine dans une surabondance de langage par rapport au discours réaliste. Ce sont des assertions supplémentaires qui viennent ébranler la certitude du savoir scientifique. On notera que l’incertain ne nécessite pas la présence d’éléments surnaturels, mais simplement l’existence d’un écart entre la narration et l’explication. [96] (Note : les premiers italiques sont de l’auteur, les seconds ajoutés par moi).
En effet, Jules Verne lui-même était sans doute bien conscient de ces aspects : ainsi, il intitule « Quelques phénomènes inexplicables » son chapitre VI (p. 58-65), où il développe le fait que « les légendes [...] abondaient » parmi les mineurs d’Aberfoyle. Il rappelle que « la vieille Calédonie » (c’est-à-dire l’Écosse), « c’est encore le pays des esprits et des revenants, des lutins et des fées : « la plupart des mineurs croyaient volontiers au fantastique, quand il ne s’agissait que de phénomènes purement physiques » (IO, vi ; 58-59) &mdsh; sans toutefois développer ceux-ci. Plus loin, Jack Ryan dira même à Harry : « si, comme moi, tu mettais tout cela sur le compte des lutins de la mine, tu aurais l’esprit plus tranquille ! » (IO, xiv ; 138).
« La ruine et la mort sont particulièrement présentes [...] dès les premières lignes du roman », par la description des installations de surface abandonnées comme par le filon souterrain [97]. Cet « alliage de progrès et de mort » fait que « Aberfoyle est devenue fantastique, [...] irréversiblement insoutenable » [98]. Simone Vierne a insisté sur le « sombre domaine » de la mine d’Aberfoyle, qui est « un monstre endormi », et sur « les opérations (magiques) de [sa] résurrection ». Elle précise aussi que « aménager et exploiter une mine n’est pas seulement un acte de la technique industrielle. C’est lutter contre des forces cosmiques et quasi surnaturelles, qu’une puissance magique seule peut vaincre » [99]. C’est bien ce que je veux montrer ci-dessous.
« La mine, loin de s’opposer à la féerie, l’inscrit dans la modernité, la prolonge dans le réel », écrit Christian Chelebourg [100]. Graziella-Photini Castellanou [101], quant à elle, compare la mine d’Aberfoyle, et l’activité des Ford depuis sa fermeture, à l’intervention du chercheur sur un système chimique, notamment ceux liés à la théorie des structures dissipatives et à la thermodynamique du non-équilibre [102] : « la mine est un système ouvert », en « équilibre statique » ; « En réajustant, par des actions correctrices, les équilibres dans la mine, [Simon Ford et son fils Harry] conservent son invariance structurale ». Elle explique : « leur possibilité de connaître se base sur le principe de causalité [c’est-à-dire] un système de déterminismes où tout phénomène a une cause, où toute cause a un effet, où la même cause produit le même effet ». Mais, quand se produisent « des événements imprévisibles et incontrôlables », alors « l’indéterminable et le désordre entrent en scène et entraînent ‘l’angoisse de l’incertitude’ » [103].
Le mystère commence dès le début : « Deux courriers enserrent le premier chapitre, mystérieux, l’un pour le contenu, l’autre pour le signataire ; [...] l’anonyme […] va rester caché, mais partout présent, à longueur de récit » (c’est l’auteur qui souligne) [104].
Et lorsque l’ingénieur, guidé par Harry, revient sur les lieux, il constate « le triste aspect que présentait l’établissement abandonné », qui apparaît (Figure 6) « comme le squelette de ce qui avait été vivant autrefois » : il ressent alors « une vive impression d’abandon » et commente en s’exclamant que « c’est une désolation ! » (IO, iv ; 35-36).
Figure 6. Le site de la mine abandonnée : à gauche, illustration originale
de J. Férat (IO, iv ; 34) ;
à droite, chevalement du puits Bayard (Brassac-les-Mines, Auvergne), photographie reproduite avec l’aimable
autorisation de son
auteur
(http://www.patrimoine-minier.fr/auvergne/slides/Photo086.html © Sébastien
Berrut 2007-2015).
« Une fâcheuse complication ». C’est ainsi que l’auteur annonce dans le chapitre VI une série d’événements « qui rendi[ren]t fort grave la situation des explorateurs » : la lampe de Harry, comme frappée « par un battement d’ailes invisibles », tombe et se brise, les plongeant dans le noir (IO, x ; 97).
Et nos héros de s’interroger sur la présence d’ « un être mystérieux [...], un ennemi [à] l’inexplicable antagonisme » et qui pourrait leur créer « de sérieuses difficultés ». « En vérité, cela était absurde, mais les faits parlaient d’eux-mêmes, et ils s’accumulaient de manière à changer de simples présomptions en certitudes » (IO, x ; 97). Car Harry craignait par exemple que « la pierre, tombée ce jour même aux pieds de James Starr » (épisode décrit IO, iv ; 42) ne se soit pas détachée de la roche, mais ait été « lancée par la main d’un malfaiteur » (IO, vi ; 65).
Les Dames de Feu ― et leur explication. Afin de créer un effet supplémentaire de mystère autour des divers événements qui se déroulent dans la mine souterraine, Jules Verne introduit aux chapitres XI et XII (p. 100-111 et 111-127) un épisode extérieur, qui par ailleurs met en valeur un personnage secondaire : Jack Ryan, poète, musicien et chanteur, et ancien mineur. Harry Ford dit de lui (IO, v ; 52) que « C’est un bon et gai camarade », traduction littérale de For he’s a jolly good fellow ; ainsi, comme il se doit, le barde qui anime les bals populaires, l’auteur-compositeur-interprète, est-il caractérisé par le refrain d’une chanson anglaise très populaire, qui a passé les siècles jusqu’à nos jours. Sa devise est « rire et chanter, cela vaut mieux, j’imagine, que pleurer et geindre ! » (IO, iv ; 39), et on pourrait le comparer à un korrigan, ou à une autre figure légendaire du folklore celte. Il participe pleinement à ce que Eugène Michel dénomme « la double symétrie entre Simon Ford et Silfax d’une part, Harry Ford et Jack Ryan d’autre part. D’un côté le bien et le mal, [...] [le] jour et la nuit, [...] la fête et [le] sérieux » (c’est moi qui souligne) [105].
Or Jack travaille maintenant dans une ferme des environs (IO, xi ; 101), et son ami Harry avait promis de le rejoindre à la fête du clan d’Irvine : mais il n’est pas venu, et il en conclut que « une grave circonstance avait seule pu l’empêcher de tenir sa promesse ». C’est donc ici que Jules Verne relate « un accident qui faillit [...] coûter la vie » à Jack ; il surenchérit d’ailleurs, ajoutant que « le fait était de nature à donner raison à tous les partisans du surnaturel », parmi lesquels il faut compter Jack Ryan (IO, xi ; 103). En somme, « Verne lutte contre les superstitions, mais il leur propose un rôle » [106].
Il est alors question « de certaines ‘Dames de feu’ qui hantaient le vieux château » de Dundonald, dont les ruines surmontent le littoral — et se trouvent quelque peu à l’aplomb de la mine d’Aberfoyle. Jack Ryan fait partie des personnes particulièrement superstitieuses, qui ont « vu, de leurs yeux vu, ces fantastiques créatures » sous forme de « longues flammes » qui exécutent « d’étranges sarabandes ». Pourtant, nous dit l’auteur, « la science eût expliqué physiquement ce phénomène », dont les « bizarres apparitions » nourrissaient « tout un répertoire de légendes » (IO, xi ; 104, 106). Or donc, par une nuit sans lune, un navire en perdition dans la tempête se trouve attiré sur la côte par une lumière au niveau du château, bien loin du port salvateur, et il se brise sur les rochers. Témoins de cet accident, Jack et ses amis pêcheurs l’attribuent aux Dames de feu, et risquent leur vie pour sauver l’équipage du naufrage (IO, xi ; 108-111).
Alors que « bien des pilleurs d’épaves du littoral » puissent être mis en cause, cela ne fait que raviver chez Jack le « vif sentiment de crainte à l’égard de ces brawnies et autres lutins qui s’amusent à tracasser le pauvre monde » (IO, xii ; 112-113). Bien évidemment, il y a dans cet événement une explication tout à fait naturelle, que Harry découvrira par hasard : une galerie étroite part d’un bout de la mine, et remonte à l’air libre au niveau des ruines du château ; il était donc possible, en venant du sous-sol, d’allumer un feu à l’extérieur pour faire naufrager un bateau, sachant que par mauvais temps les habitants du pays ne sortiraient pas, ou sinon qu’ils seraient convaincus d’assister à un phénomène surnaturel (IO, xv ; 156-157).
La vie souterraine. Maintenant, avant d’avancer encore dans la description des aspects étranges et inquiétants du roman, je voudrais d’abord revenir sur la vie souterraine dans le cottage des Ford, installé au fond de la mine abandonnée.
Dès la fermeture de la mine, Simon Ford avait déclaré son désir de demeurer sur place : « Nous n’abandonnerons pas la mine, notre vieille nourrice, parce que son lait s’est tari ! » (IO, I ; 7 — c’est moi qui souligne) ; ici d’ailleurs, « un jeu de couleurs contrastées s’instaure entre le blanc du lait et le noir du charbon » [107]. D’une certaine façon, « demeurer dans la grotte, c’est commencer une méditation terrestre, c’est participer à la vie de la terre, dans le sein même de la Terre maternelle » [108]. En effet « c’est là qu’il est né, c’est là qu’il veut mourir ! [... dans] sa houillère natale ! » (IO, iii ; 27), là où la famille Ford exerce le métier de mineur de père en fils depuis le début de l’exploitation du charbon en Écosse, au XIIIe siècle (IO, v ; 47). On retrouve ce genre de réflexion chez Bachelard, quand il écrit d’une part que :
La vie minérale attire sans limite l’être voué à la vie minérale, à la mort minérale. Et l’on arrive à des images complexes où la psychanalyse trouvera un beau matériel d’examen. Les symboles du retour à la mère et de la mort maternelle sont ici saisis dans leur synthèse. [109]
et d’autre part que :
La grotte est une demeure. [...] Mais du fait même de l’appel des songes terrestres, cette demeure est à la fois la première demeure et la dernière demeure. Elle devient une image de la maternité de la mort. L’ensevelissement dans la caverne est un retour à la mère. La grotte est la tombe naturelle, la tombe que prépare la Terre-Mère. [110]
Il y a bien un risque quotidien pour les mineurs !
Et donc la famille Ford s’installe dans « la sombre crypte », « sorte de labyrinthe subterrané » (IO, vi ; 60) : Michel Serres développe ces qualificatifs en évoquant « l’hypogée fantastique, l’énorme catacombe, le labyrinthe fabuleux » [111]. « Dans ce milieu parfaitement sain, d’ailleurs, soumis à une température toujours moyenne, le vieil overman ne connaissait ni les chaleurs de l’été, ni les froids de l’hiver. Les siens se portaient bien. Que pouvaient-ils désirer de plus ? » (IO, v ; 48-49). Développant ce qu’il nomme complexe de Jonas, à partir de la légende de Jonas dans le ventre de la baleine, Bachelard explique en effet que « dès qu’on analyse le complexe de Jonas, on le voit se présenter comme une valeur de bien-être. [...] C’est un véritable absolu d’intimité, un absolu de l’inconscient heureux » [112].
Bachelard écrit encore que la grotte — habitation « est la tombe de l’être quotidien, la tombe d’où l’on sort chaque matin, fort du sommeil de la terre » ; et aussi : « [...] l’obscurité de la grotte, de la cave nous prend comme un sein. En fait, dès qu’on touche, même par un seul côté, à ces images composées, surcomposées, qui ont de lointaines racines dans l’inconscient des hommes, la moindre vibration porte ses résonances partout. [...] l’image de la mère se réveille sous les formes les plus diverses, les plus inattendues » [113].
« Dans la mine, noyée dans les ténèbres, règne une sorte de nuit permanente qui est propice aux manifestations surnaturelles » [114]. D’ailleurs, « ‘Pleine ombre’, ce pourrait être la devise du roman ». Nell, qui a vécu pendant une quinzaine d’années au fond de la mine sans voir le jour, chante « une véritable esthétique des ténèbres » [115] quand elle raconte que « les ténèbres sont belles aussi. [...] Il y a des ombres qui passent et qu’on aimerait à suivre dans leur vol ! [...] Il existe, au fond de la houillère, des trous noirs, pleins de vagues lumières. Et puis, on entend des bruits qui vous parlent ! » (IO, xv ; 160). Bachelard le dit à peine différemment quand il écrit : « Dans la grotte règne une lumière pleine de songe et les ombres projetées sur les parois sont facilement comparées aux visions du rêve », et aussi : « À l’entrée de la grotte travaille l’imagination des voix profondes, l’imagination des voix souterraines. Toutes les grottes parlent [...] par des murmures ou des menaces, par des oracles ou des facéties » [116].
Plus tard, les Ford et l’ingénieur James Starr découvrent « une énorme caverne », dont le « dôme recouvrait une vaste étendue d’eau dormante » (IO, x ; 91). Double symbole féminin que la grotte et le lac, combinaison des « deux matières [élémentaires] à tendance féminine » que sont la Terre et l’Eau qui « dès qu’elles se fondent l’une dans l’autre, [...] se sexualisent » [117] ! On y entend « un bruit sourd [...] une sorte de roulement » : « c’est le bruit que font les eaux en roulant sur un littoral », car ils sont « sous le lit même du lac Katrine » (IO, x ; 94). Puisqu’ils viennent d’y découvrir un important filon de houille grasse, « du charbon de bonne qualité » (IO, x ; 92-93) qui va donc pouvoir être exploité, aussitôt Simon décide d’y transporter sa demeure (IO, x ; 96) pour l’installer au bord du lac (IO, xiii ; 130). Si « le monde de la mine fonde la spatialité et la temporalité de ses habitants », Simon Ford et son fils Harry « désirent lui donner une direction dans le temps en réintroduisant l’idée de progrès dans leur univers » [118].
Ainsi, la grotte correspond d’une certaine façon à un cocon confortable, où la famille Ford vit repliée sur elle-même. Mais cela ne durera pas, les héros du roman vont progressivement ressentir « [non] seulement un malaise facilement surmontable, mais une véritable terreur qui met l’âme en déroute » ; en accord avec Michel Mansuy, l’exégète de Bachelard, je souscris en la nécessité d’un volume supplémentaire d’analyses qu’il propose d’intituler « la Terre et les Rêveries de la Peur » [119]...
Trois ans après, la Nouvelle-Aberfoyle est en exploitation, des familles y vivent et c’est ainsi que les ouvriers du fond « fondèrent peu à peu Coal-city », « une sorte de village flamand » avec sa « cité ouvrière » (IO, xiii ; 131). Tournons-nous ici à nouveau vers Constant Malva qui nous décrit ce qu’il voyait (et surtout ce qu’il entendait) lorsque, enfant, il se promenait de nuit dans le village charbonnier (nota : il s’agit ici d’un classique village minier en surface) :
Tout est sombre ; je ne vois rien ou presque rien, mais j’entends, j’entends les bruits de la mine, des installations de la surface : j’entends les coups de gong commandant la manœuvre du fond ; j’entends la cage surgissant du puits et se posant sur les taquets avec fracas ; j’entends la machine d’extraction qui ahane ; j’entends les chariots se culbutant sur le terril : les grosses pierres roulant en bonds désordonnés et s’entrechoquant ; j’entends le ruissellement des menus gravats ; j’entends les cris, les chants, les appels des ouvriers, taqueurs et terrineux. Je dis que je ne vois rien. Si, pourtant, je vois sur le terril des feux follets provoqués par la combustion du charbon qui se trouve dans les déchets. Tout cela a la couleur du cauchemar. [120] (c’est moi qui souligne).
L’anaphore, reprenant ‘j’entends’ comme une litanie en sourdine, ajoute au caractère inquiétant de cette promenade nocturne à la surface du monde minier souterrain ; nul doute que ces sensations sont exacerbées à Coal-city !
Dès le début du roman, Jules Verne nous avait déjà mis dans l’ambiance, en parlant de « ces mystérieuses houillères d’Aberfoyle » (IO, I ; 2) : « La houillère, épuisée, était comme le cadavre d’un mastodonte de grandeur fantastique » (IO, I ; 4). Ce « caractère mortifère de la mine » est en fait directement lié à « l’épuisement de la nature nourricière » [121]. Et lorsque les Ford cheminent dans la mine avec James Starr, « derrière et devant [eux], tout n’était que silence et ténèbres » (IO, iv ; 44) ; pourtant, pour Bachelard « Dans la grotte, il semble que le noir brille » (souligné par l’auteur) [122]. De son propre aveu, expliqué en détails par Geneviève Le Hir, Saint-Exupéry a évoqué le parallèle qui existe entre Les Indes Noires et son Vol de nuit, « qui est aussi une exploration des ténèbres » [123].
Déjà, pendant d’autres explorations, Harry avait été « frappé de certains phénomènes, dont il cherchait en vain l’explication » (IO, vi ; 62), en se demandant « s’il n’était pas le jouet d’une illusion d’acoustique, de quelque bizarre ou fantasque écho » ; y aurait-il quelqu’un d’autre ? « La présence dans la mine d’un être inconnu semble impossible, et, cependant, elle ne peut être mise en doute ! » (IO, vi ; 63). Plus tard, il repensera à « la succession des circonstances singulières, inexplicables », et « Cela ne laissait pas de l’inquiéter pour l’avenir » (IO, viii ; 81). Et il constatera par la suite que le hasard n’a rien à faire avec ces événements : « le hasard devient alors l’inattendu, l’imprévisible, le fait qui apparaît n’obéir à aucune régularité » [124]. Mais, précise Todorov, « si cependant nous n’acceptons pas le hasard, nous postulons une causalité généralisée, [...] nous devons admettre l’intervention de forces ou d’êtres surnaturels » [125] — et c’est bien ce que font tout d’abord les héros du roman !
Figure 7. Nell et son harfang dans la mine, avant son arrivée chez la famille Ford
(illustration
originale : IO, xv ; 151).
Le cas de Nell, un ‘enfant sauvage’. Recueillie par les parents de Harry, Nell (Figure 7) était « une jeune fille de quinze à seize ans, au plus. Son regard vague et plein d’étonnement, sa figure maigre, allongée par la souffrance, [...], sa taille frêle et petite, tout en faisait un être à la fois bizarre et charmant » (IO, xv ; 150). Elle est un peu comme un ‘enfant sauvage’ à qui il faut réapprendre à vivre ‘normalement’ en société. Elle « n’était pas habituée à parler » et s’exprime en « vieux gaélique ». De plus, vivant depuis longtemps « au fond de ce puits » dont elle n’est jamais remontée (IO, xv ; 159-160), les mots « jours », « âge », « années », « semblai[en]t être dépourvu[s] de toute signification» pour elle. Et « Harry [...] se sentait irrésistiblement attiré par l’étrangeté même de Nell » (IO, xv ; 152) ; c’est moi qui souligne). « Elle ne sait rien, elle ne connaît rien du dehors. Elle a tout à apprendre par les yeux, et peut-être aussi par le cœur » (IO, xvi ; 166). Lucien Malson, qui leur a consacré une étude célèbre, rappelle que « les enfants séparés inopinément et durablement de leur mère montrent toujours des phénomènes de régression linguistique. [...] c’est tout le langage qui est, pour ainsi dire, maternel » (souligné par l’auteur) et il est donc important que ces enfants, une fois recueillis, puissent garder « le goût d’apprendre et la possibilité de s’améliorer » [126]. Et, en effet, Harry lui apprendra « à lire, à écrire — toutes choses dans lesquelles la jeune fille fit de rapides progrès. [...] Jamais intelligence plus vive ne triompha plus vite d’une aussi complète ignorance » (IO, xvi ; 198) ; une « instruction concrète et synthétique », en tous points conforme aux idéaux de Jules Verne en matière d’éducation [127].
À l’époque, on avait récemment découvert plusieurs cas de ces enfants, séparés très jeunes de leur famille et ayant vécu seuls ou recueillis par des animaux ; les rapports du Docteur Itard [128], datés de 1801 et 1806, avaient popularisé cette situation. De plus, depuis le célèbre cas de Gaspard Hauser en 1828, qui a inspiré Verlaine [129], une vingtaine de cas ont été signalés jusque vers 1876 [130] et donc ont pu laisser des traces dans la mémoire de Verne. « Nell est une enfant sauvage parce que c’est une enfant terrorisée, une jeune fille hantée par la terre. [...] [son] image [...] s’inscrit au carrefour du mythe et de la science » (c’est moi qui souligne) [131]. Et en effet, Nell a besoin d’être entourée et ré-éduquée à la vie sociale, car « les hommes ne sont pas des hommes hors de l’ambiance sociale, puisque ce qu’on considère être leur propre, tel le rire ou le sourire, jamais n’éclaire le visage des enfants isolés » [132]. Petit à petit, Nell deviendra moins taciturne : « Le soir, quand Harry rentrait, elle ne pouvait retenir un mouvement de joie folle, peu compatible avec sa nature, d’ordinaire plus réservée qu’expansive » (IO, xix ; 215). En quelque sorte, Nell « incarne la puissance vitale du minerai » [133].
De nos jours, Nell aurait été confiée à un pédopsychiatre, voire à un psychanalyste. Dans le roman, c’est Madge qui la prend en charge et qui sera la figure maternelle de substitution ; elle sera bien sûr efficacement secondée dans cette tâche par Harry, et aussi par Jack, qui sont tous deux de la même génération que Nell.
Mais « l’étrange ne se dissipe pas avec l’explication : « Jack Ryan, avec quelque raison, la compara à un farfadet d’aspect un peu surnaturel. Était-ce dû aux circonstances particulières, au milieu exceptionnel dans lequel cette jeune fille avait peut-être vécu jusqu’alors, mais elle paraissait n’appartenir qu’à demi à l’humanité. Sa physionomie était étrange »” (IO, xv ; 150) » [134]. Comme pour beaucoup de ces ‘enfants sauvages’, et d’autant plus parce qu’elle a longtemps vécu dans le noir, Nell souffre de photophobie : « Ses yeux, que l’éclat des lampes du cottage semblaient fatiguer, regardaient confusément comme si tout eût été nouveau pour eux » (IO, xv ; 150). Mais, d’autre part, elle bénéficie d’une excellente vision scotopique : « dans l’obscurité, son regard possédait une extraordinaire acuité, et sa pupille, largement dilatée, lui permettait de voir au milieu des plus profondes ténèbres » (IO, xv ; 154).
La première rencontre, inopinée, entre Harry et Nell, s’accompagne de la part du jeune homme, d’un « vif sentiment de répulsion » puisqu’il a rencontré dans l’obscurité des galeries « un corps [...] glacé aux extrémités » (IO, xiv ; 146). Il décide alors de ramener cet enfant vers le logis familial souterrain ; mais soudain « un souffle puissant » se fait entendre, émis par le vol d’un « énorme oiseau », un « monstrueux volatile » qui se jette sur Harry « avec un acharnement féroce » (IO, xiv ; 148).
Sans surprise pour le lecteur, les deux jeunes gens tombent amoureux ; ce qui semble conforme à ce qu’écrit Novalis, cité par Bachelard : « Le mineur chante la Terre : ‟À Elle il se sent lié — et intimement uni ; — pour Elle il se sent la même ardeur — que pour une fiancée” [...] ‟On dirait que le mineur a dans les veines le feu intérieur de la terre qui l’excite à la parcourir” » [135]. Et on parle mariage ; mais « un être mystérieux », un « fantôme », un « être énigmatique » circule dans les galeries de la mine souterraine, espionnant la famille Ford (IO, xvi ; 171). On l’identifiera plus tard, au chapitre XX qui lui est consacré (p. 217-228) — voir ci-dessous le sous-paragraphe intitulé ‘Signé Silfax’.
Nell pourrait être considérée comme un elfe, une de ces divinités courantes dans les légendes écossaises : avant de la trouver, Jack Ryan l’assimile à un « insaisissable lutin » (IO, xiii ; 134), et aussi à « un feu de brawnie » (IO, xii ; 124). « Le falot lumineux » qui l’a guidé jusqu’à ses amis en train de mourir d’inanition et du manque d’air pur ne pourrait-il être « quelque follet insaisissable » (IO, xii ; 124-125) ? (on notera au passage l’allitération falot / follet, genre de jeu sur les mots comme Jules Verne les appréciait). Ce phénomène des feu-follets, c’est-à-dire de lumières tremblotantes se déplaçant dans les cimetières, mais aussi dans les marais ou les tourbières, a été attribué à l’auto-ignition, au contact de l’air, de la phosphine PH3, un gaz produit par la décomposition en milieu anaérobie (cas des cadavres enterrés, par exemple !) des phosphates, qui sont source d’énergie pour la matière vivante. Formé simultanément à du méthane, ce gaz à l’odeur alliacée (cf. la lutte contre les vampires !) peut s’auto-enflammer à la température de 37,8 °C, notamment en présence de traces d’autres hydrures de phosphore telle la diphosphine P2H4 [136].
Toutefois, comme Béatrice Didier l’a montré, « le véritable personnage féminin dans ce roman, c’est la mine, cette mine qui est devenue stérile » [137].
Retour de Nell à la lumière. « Un élément du mythe [de Jonas et la baleine] est souvent [...] oublié par la psychanalyse. [...] Jonas est rendu à la lumière. [...] La sortie [...] est automatiquement une rentrée dans la vie consciente et même dans une vie qui veut une nouvelle conscience » (souligné par l’auteur), ce que l’on peut facilement rapprocher des thèmes de « la naissance réelle » et de « la naissance de l’initié après l’initiation » alchimique [138]. En effet, Nell sortira au grand jour, ce qui constitue les chapitres XVII (p. 172-188) et XVIII (p. 188-204) : « L’excursion devait se prolonger pendant deux jours » (IO, xvii ; 172), sous la conduite de Harry et de son ami Jack Ryan.
Au cours de cette expédition, l’ingénieur James Starr se comporte « en observateur, en philosophe, très curieux, au point de vue psychologique, d’observer les naïves impressions de Nell — peut-être même de surprendre quelque peu des mystérieux événements auxquels son enfance avait été mêlée » (, xvii ; 174), tout comme le faisait le Docteur Itard [139]. Arrivés en surface alors que c’est encore la nuit, « la première impression physique qu’éprouva la jeune fille, fut celle de l’air pur que ses poumons aspirèrent avidement » (IO, xvii ; 175), et elle se sent alors plus libre, « comme si [elle avait] des ailes, [...] [elle] éprouve comme une sorte de vertige ! » (IO, xvii ; 183).
Et puis, c’est le lever du soleil, expérience primale : « Il se répandait comme une sorte de lumière cendrée dans l’espace. Enfin, un premier rayon atteignit l’œil de la jeune fille. C’était ce rayon vert, qui, soir ou matin, se dégage de la mer, lorsque l’horizon est pur. [...] Nell dut presque aussitôt fermer les yeux. Sur leurs paupières, trop minces, il lui fallut même appliquer ses doigts » (IO, xvii ; 186 — c’est moi qui souligne). Nell est très chanceuse de pouvoir observer ce fameux rayon vert, alors que Helena Campbell [140], l’héroïne du roman éponyme (et contemporain), qui s’était fixé ce but, ne le verra pas [141] ! Ce phénomène de réfraction, également connu sous le terme anglo-saxon de ‘green flash’, et que Jules Verne évoque ainsi à deux reprises en le situant toujours en Écosse, était un sujet d’étude (et surtout d’observation) scientifique particulièrement à la mode en cette fin du XIXe siècle [142]. Rappelons que, selon une légende écossaise, « ce rayon a pour vertu de faire que celui qui l’a vu ne peut plus se tromper dans les choses de sentiment [...], celui qui a été assez heureux pour l’apercevoir une fois, voit clair dans son cœur et dans celui des autres » (RV, iii ; 32).
Dans le film de Marcel Bluwal pour la télévision [143], ces scènes en surface sont réalisées en extérieurs, et ce sont des paysages d’Auvergne (Puy de Sancy) qui représentent l’Écosse ; même en noir-et-blanc, le contraste est grand avec les scènes dans la mine, où les décors de carton-pâte nous ramènent dans le monde théâtral... cher à Jules Verne.
Signé ‘Silfax’ ! Le voyage au pays de Rob Roy [144] se poursuit donc, tout au long du chapitre XVIII (p. 188-204), dans une ambiance de découverte et de complicité. Mais, soudain, « un inexplicable phénomène se produisait [...] le lac Katrine venait de se vider presque subitement » (IO, xviii ; 202) ! Et dans les profondeurs de la houillère, « un mugissement d’une violence extraordinaire se fit soudain entendre » : « une énorme cataracte [...], une haute vague » déferle dans Coal-city où bien évidemment « la terreur était au comble » (IO, xix ; 206).
Une fois les dégâts, finalement peu importants, constatés, on s’interroge sur « cet événement bizarre » ; les soupçons se tournent à nouveau vers quelque « génie malfaisant » que l’on voudrait bien identifier et mettre hors de nuire, mais en évitant de mêler Nell à ces préoccupations, qu’elle partage toutefois comme en témoigne le fait que « sa figure attristée portait la marque des combats intérieurs qui l’agitaient ». Ils ont donc « un ennemi implacable [qui] a juré la perte de la Nouvelle-Aberfoyle et qu’un intérêt [...] pousse à chercher tous les moyens possibles d’assouvir [s]a haine » ; c’est certainement « un être redoutable » animé par « une sorte de folie froide et patiente » (IO, xix ; 208-210)...
Et puis, « on eût dit que l’approche de l’union de Nell et d’Harry provoquait catastrophes sur catastrophes [...] principalement dans les travaux de fond » : « Ainsi, un incendie dévora le boisage d’une galerie inférieure », et il fallut pour l’éteindre utiliser « les extincteurs, remplis d’une eau chargée d’acide carbonique » (IO, xix ; 214) — ce qui constitue alors une innovation récente [145], particulièrement développée pour assurer la sécurité dans les théâtres dont la scène était alors éclairée au gaz [146] ; et l’on sait bien que les théâtres étaient des lieux très fréquentés par Verne. « Bref, ces faits se multiplièrent tellement, qu’une sorte de panique se déclara parmi les mineurs », et « chacun était sous le coup des plus sinistres pressentiments [face à] cet ennemi caché » (IO, xix ; 214-216).
Et « un matin, huit jours avant l’époque convenue pour la cérémonie », on découvre un message de menaces, vis-à-vis de la famille Ford mais aussi de toute la communauté des mineurs de Coal-city : « Malheur à vous ! Malheur à tous ! », avec la signature d’un certain Silfax (IO, xix ; 216)...
Suite à cette découverte, « Nell était pâle comme la mort, le visage bouleversé, les traits empreints d’une épouvante inexprimable » (IO, xix ; 216). En effet, Silfax est l’arrière-grand-père de Nell, avec lequel elle a vécu 15 ans « dans quelque secret abîme » au fond du puits de mine. Simon Ford se souvient de lui : c’était « le pénitent », celui qui « au risque de sa vie, allait chaque jour provoquer les explosions partielles du grisou », et qu’on désignait ainsi en raison de sa tenue (robe longue avec capuche) [147]. Il le décrit comme un « homme farouche », un « être étrange, rôdant dans la mine, toujours accompagné d’un énorme harfang, sorte de chouette monstrueuse », « une sorte de sauvage » dont « [la] force était prodigieuse » et dont « [la] dangereuse profession avait dérangé les idées » ; « on le disait méchant, et il n’était peut-être que fou », se considérant en quelque sorte comme le propriétaire de la mine (IO, xx ; 217-218). Nell confirmera qu’ « il se proclamait le roi de l’ombre et du feu ! » et que « dans sa folie même, [c’est] un homme puissant » (IO, xx ; 223-225). « Silfax est un peu le négatif de Simon Ford, mais sa folie minière puise à la même source que le courage de son rival, dans la métaphore animante des gisements » [148].
Nell raconte encore que, au début de leur vie recluse et souterraine, « il était alors bon pour moi, quoique effrayant. » Quant au harfang, « malgré la répulsion qu’il m’inspirait, [il] me prit en une telle affection, que je finis par la lui rendre. Il en était venu à m’obéir mieux qu’à son maître ». A tel point que, lorsque Nell se trouva esseulée et à bout de forces dans le fond de la mine, « l’harfang [...] resta fidèlement » auprès d’elle (IO, xx ; 221-223).
Ce harfang (plus exactement : harfang des neiges, Bubo scandiacus) est représenté faussement dans les illustrations de l’édition de 1877 (voir ici les Figures 7 et 9) comme... un hibou grand-duc d’Europe Bubo bubo (Figure 8) [149] ! Alors que c’est un oiseau à tête ronde, diurne, au plumage blanc tacheté, originaire de la toundra arctique, et en effet caractérisé par un vol puissant.
Le problème de retrouver Silfax reste entier ! En effet, il « est partout et nulle part », « Il est invisible, lui, mais il voit tout », et il a selon Nell « l’inexplicable faculté de tout savoir » : il est, « dans sa folie même, un homme puissant par l’esprit » (IO, xx ; 225). David Meakin qualifie Silfax du terme d’ « ingénieux anti-ingénieur » (ma traduction) [150].
Figure 8. Histoires de hiboux : Harfang des neiges (à gauche) ou Grand-duc d’Europe (à droite) ?
Les photographies des
oiseaux sont reproduites d’après le site Pixabay, où elles sont placées selon la licence Creative Commons
(https://pixabay.com/fr/chouette-harfang-des-neiges-blanc-1803650/ et
https://pixabay.com/fr/pharaon-hibou-grand-duc-oiseau-585657/).
Sans attendre d’avoir retrouvé Silfax, le mariage de Nell et de Harry va donc avoir lieu ; mais il est perturbé car un énorme rocher s’entrouvre, de l’eau s’engouffre devant eux, et Silfax apparaît en prononçant ses malédictions (IO, xxi ; 233) : jusqu’au bout, Silfax voudra rester le maître des forces chthoniennes. L’illustration originale de J. Férat (Figure 9) nous montre Silfax, barbu et échevelé, debout sur sa barque flottant sur le lac souterrain, et faisant s’envoler son harfang, une mèche allumée dans le bec pour détruire le monde souterrain de la mine nouvelle (IO, xxi ; 234). Dans cette évocation, et dans l’illustration correspondante, on peut voir en Silfax une sorte de double symétrique et maléfique de Noé (un autre vieillard barbu, comme montré par exemple sur la Figure 9) qui, depuis son arche échouée sur le Mont Ararat après le déluge, voit revenir sa colombe tenant dans son bec un rameau d’olivier, ce qui annonce la proximité d’un sol non inondé et donc la promesse d’un nouveau monde terrestre [151]. Mais Silfax sur sa barque est en fait en route vers sa mort, ce qui ne nous étonnera pas si l’on se réfère à Bachelard [152]. Et « les eaux du lac Malcolm [...] s’étaient à jamais refermées sur le vieux Silfax » (IO, xxi ; 235).
Cette fin du roman est résumée ainsi par Michel Serres : « le grisou pétille des roches noires, l’oiseau porteur de feu s’envole sous la voûte, et, sur les eaux du lac intérieur, chacun attend la conflagration finale : la fin du monde, de ce microcosme des Indes, résulterait de la tétralogie élémentaire [selon Bachelard] » (c’est moi qui souligne) [153]. Mais heureusement le harfang, « l’oiseau fidèle » à Nell, « ayant reconnu [sa] voix, [laisse retomber] la mèche enflammée dans les eaux du lac », sauvant ainsi nos héros de l’explosion du grisou (IO, xxi ; 235).
Figure 9. Silfax vs. Noé, ou la menace de mort vs. la promesse de vie. A gauche, illustration originale de
J. Férat (IO, p. 231) pour l’édition Hetzel de 1877 ;
à droite, Noé et la colombe
(http://creationwiki.org/pool/images/thumb/d/d0/Noah.gif/150px-Noah.gif).
Et, en Écosse comme ailleurs, tout finit par des chansons : Jack Ryan qui, lors du mariage « obtint ce triple résultat de jouer, de chanter et de danser tout à la fois », écrira de nombreuses chansons relatives à « la légende de l’oiseau du vieux Silfax, l’ancien pénitent des houillères d’Aberfoyle » (IO, xxii ; 236-237). Finalement, la vie et le rationnel l’emportent sur les menaces mortifères et le fantastique.
L’inquiétante étrangeté du roman. Comme on a pu le comprendre par ce qui précède, ce roman de Jules Verne correspond parfaitement à ce que Freud a magistralement défini dans un texte célèbre, comme « l’inquiétante étrangeté [qui] surgit [...] chaque fois où les limites entre imagination et réalité s’effacent, où ce que nous avions tenu pour fantastique s’offre à nous comme réel » [154]. Il précise aussi que la sensibilité à ce sentiment de ‘ce qui provoque l’angoisse’ dépend des individus et il insiste sur le fait que « dans la fiction, il existe bien des moyens de provoquer des effets d’inquiétante étrangeté qui, dans la vie, n’existent pas » car l’écrivain peut facilement (et c’est bien ce que fait ici Jules Verne) « éviter, avec art et astuce, jusqu’à la fin, de nous en donner une explication décisive » [155].
Les personnages, les lieux, les événements de ce roman consacré aux ‘Indes Noires’, « expression étrange aux consonances douces et profondes à la fois, rappelant des contrées lointaines et mythiques », combinent à la fois le ‘régime nocturne’ et le ‘régime diurne’ (au sens de Gilbert Durand), tout en les opposant comme sont opposés l’imaginaire et la science [156]. Ce qui ne l’empêche pas d’être « l’un des plus poétiques romans de Jules Verne », aux nombreux « mini-récits qui y sont enchâssés » [157].
« Le fantastique implique [...] une intégration du lecteur au monde des personnages ; il se définit par la perception ambiguë qu’a le lecteur même des événements rapportés » écrit à ce sujet Todorov, faisant aussi référence à Roger Caillois qui parle de « l’impression d’étrangeté irréductible » à propos du fantastique [158]. Et, pour Philippe Scheinhardt, « l’utopie minière de la Nouvelle-Aberfoyle [...] a pour but de refouler les fantasmes qui s’étaient investis dans les ruines de l’ancienne Aberfoyle, qui représentent une première version de la mine fantastique [...], au sens romantique du terme » (souligné par l’auteur) ; il renchérit en écrivant que Jules Verne y exploite « la poésie de la mine abandonnée, en lui conférant un aspect fantastique ». Mais « la monomanie de Silfax est finalement un symptôme de la contradiction vécue par les utopistes de la mine » [159].
La cité abandonnée
Comme je l’ai indiqué au début de cet article, je me suis basé sur la lecture de la version publiée du roman. Toutefois, il est certainement intéressant de « chercher Verne ‘à l’état nature’, ‘en version originale’ pour ainsi dire » : c’est ce qu’a pu réaliser William Butcher, à partir d’une analyse détaillée des manuscrits inédits correspondants [160].
À propos de ce qui portait initialement le titre d’Un coin des Indes Noires, W. Butcher reprend et complète fortement des informations déjà données par d’autres [161]. Il insiste sur l’attirance éprouvée par Jules Verne vis-à-vis de l’Écosse en raison de ses origines familiales, et aussi sur le fait que ce roman doit beaucoup à son voyage de 1859 [162], rapporté de façon humoristique dans le Voyage [à reculons] en Angleterre et en Écosse publié de façon posthume [163]. Pour sa part, Ian Thompson a présenté, de façon très documentée, les parallèles entre le voyage réel, sa transcription et le roman de la mine écossaise [164]. Et, si « Verne parcourt l’Écosse en lecteur de Walter Scott et de MacPherson, [...] c’est en lecteur qu’il écrit sur l’Écosse » [165].
Se basant sur l’abondante correspondance avec P.J. Hetzel, maintenant disponible, William Butcher explique que l’éditeur a fortement insisté pour demander (et obtenir) la suppression de deux chapitres où était développée la présentation d’une importante métropole souterraine, avec villes, trains et bateaux à vapeur — ce qu’il considérait comme un spectacle à la Barnum.
Selon le chapitre 13 du manuscrit original, intitulé « Une métropole de l’avenir », Coal-city, cette cité utopique de plusieurs centaines de maisons et plusieurs milliers d’habitants, installée dans un ‘Underland’ idyllique, est « une ville bien anglaise » aux magasins nombreux et variés : commerces alimentaires, restaurants et cafés, magasins de vêtements, agences d’assurances et de voyages, etc [166]. Elle a donc attiré des personnes recherchant de saines conditions de vie (sic !), de façon permanente ou pour y faire du tourisme ou des cures thermales. Quant au chapitre 14, concernant « La vie souterraine », il discutait notamment de l’exploitation (modernisée) du charbon britannique [167]. Jules Verne y insistait aussi sur les dangers du grisou, et sur l’importance de la lampe de Davy même si elle était désormais devenue désuète grâce à l’éclairage électrique.
Un point important souligné par les modifications de Hetzel, telles que relevées par W. Butcher, concerne « le thème central du roman » : alors que Verne préférerait Silfax, Hetzel insiste pour promouvoir le rôle de Nell, ce qu’il obtiendra évidemment. Les scènes de l’explosion finale et de la mort de Silfax seront également fortement modifiées par Hetzel, qui supprime le texte vernien pour lui substituer ce qu’il considère comme plus approprié [168].
Et, puisque il est ici question de modifications au manuscrit original, et d’échanges de correspondances avec Hetzel, je voudrais signaler aussi que, par un effet paradoxal tout à fait inattendu [169], le personnage central de Harry Ford a failli être remplacé par celui de Zéphyrin Xirdal... du moins si l’on en croit des échanges de correspondances (apocryphes) entre Jules Verne et les Hetzel père et fils, relatés dans une nouvelle de Philippe Curval [170].
Verne et Zola : le roman de la mine, encyclopédique ou social ?
Les évocations de la mine et des mineurs sont en fait assez abondantes, dans la littérature (romans, nouvelles, poèmes,...) mais aussi dans d’autres formes d’expression artistique (tableaux, films, chansons,...) ; se limitant aux domaines littéraires français, anglais et allemand des XIXe et XXe siècles, la revue détaillée de Ringger et Weiand nous en présente de nombreux exemples, certains célèbres, et d’autres pas. Ils soulignent en particulier la fréquence de l’opposition entre « le paysan et le mineur », représentants respectifs du « monde ancien » face au « monde moderne » — mais cet aspect n’est pas apparent dans le roman étudié ici. En fait, je ne vais m’intéresser qu’au seul Émile Zola, qui selon eux « réussit à marier le mythe et la réalité, l’intérieur de l’homme face à l’intérieur de la terre » [171].
Henri Marel a écrit que Germinal [172] est « LE SEUL roman de la mine » (c’est moi qui souligne) [173]. Cependant, Jacques Noiray a montré que ce thème avait précédemment intéressé de nombreux auteurs du XIXe siècle, que ce soit dans des mélodrames, des romans-feuilleton, ou des romans où les préoccupations sociales sont mises en avant ; quant à lui, il considère Les Indes Noires comme « le premier grand roman de la mine » publié avant celui de Zola (c’est moi qui souligne), et également « la première peinture véritablement poétique de la mine » (souligné par l’auteur) [174].
Il est en tout cas intéressant de constater que Émile Zola (1840-1902), tout comme son contemporain Jules Verne (1828-1905), a eu le même type d’inspiration. Il faut aussi noter que l’un comme l’autre se sont documentés à la même source : le livre sur La vie souterraine, ou la mine et les mineurs de Louis-Laurent Simonin [175]. Ils se sont également rendus dans la même mine d’Anzin près de Valenciennes, pour obtenir des informations de première main, qu’ils ont utilisées chacun à sa manière [176].
Ces deux romans : Les Indes Noires (1877) et Germinal (1885) ne se passent pas dans le même lieu : Écosse et bassin français du Nord, respectivement. On sait que Jules Verne s’était rendu en Écosse précédemment, et qu’il en avait retenu paysages et ambiances [177]. Mais si les Indes Noires peut être considéré comme un roman encyclopédique et géographique [178] et fantastique (voir ci-dessus) alors que Germinal est plutôt un roman ouvrier, social et historique (car axé sur la grève des mineurs), la mine telle que décrite par Zola ne manque toutefois pas d’aspects qui en font, ici aussi, un personnage maléfique, inquiétant et fantastique à la fois. Si H. Marel d’une part, J. Noiray d’autre part, ont pu évoquer certains de ces aspects, je souhaite y revenir ici.
Étienne, l’apprenti-mineur, est inquiété par le « tonnerre » des wagons tirés « dans l’ombre par des bêtes vagues, au trot de fantôme », et qui à l’arrêt forment « un long serpent noir » (I, iii, 66). Par ailleurs, comme ses compagnes, Catherine, qui n’est encore qu’une enfant, craint « l’Homme noir [...], le vieux mineur qui revient dans la fosse et qui tord le cou aux vilaines filles » (I, iv, 79). Après son malaise dû au grisou, « cet air mort comme disent les mineurs » (V, ii, 349), son compagnon ira « chercher la vie dans l’air glacé de la plaine, que soufflait le ventilateur » (V, ii, 351).
Monstre vorace et dévoreur, « le puits avalait des hommes par bouchées de vingt et de trente, [...] d’une gueule plus ou moins gloutonne, [...] toujours affamé » (I, iii, 56-57) ; mais il veut aussi de la houille, « ce pain des machines » (VI, i, 421). Semblable en cela au Minotaure caché au fond de son labyrinthe souterrain, le bien nommé puits du Voreux, ce dragon qui demandait le sacrifice des mineurs (hommes, femmes, enfants, vieillards ... et même chevaux ! [179]) finira par mourir dans « un silence terrifié » : « Et l’on vit alors une effrayante chose, on vit la machine [...] les membres écartelés, lutter contre la mort [...] elle expirait, broyée, engloutie. [...] la bête mauvaise [...] gorgée de chair humaine, ne soufflait plus de son haleine grosse et longue » (VII, iii, 518-519). Il y a aussi « l’ancien puits », « un coin de sauvage abandon » où des restes de structures présentent « un profil de potence » (IV, vi, 310) ; dans les étroites galeries abandonnées circulent « des chauves-souris, effarées, [qui] se collaient à la voûte » (312), et on y sent « l’odeur des anciens bois fermentés [...] hériss[és] de champignons » et entourés par « des vols de papillons blancs, des mouches et des araignées de neige, une population décolorée, à jamais ignorante du soleil » (314).
Les bizarreries de la nature du sous-sol sont également signalées par Zola, qui décrit « une lande inculte, d’une stérilité volcanique, sous laquelle, depuis des siècles, brûlait une mine de houille incendiée » (V, i, 344). Enfer ou paradis ? « la lande maudite du Tartaret » présente « ses gazons toujours verts, [...], ses champs où mûrissaient jusqu’à trois récoltes » (345). Dues à « la fermentation des poussières du charbon » (345), « ces profondeurs de braise ardente [...] avaient une température moyenne de quarante-cinq degrés » (V, ii, 346-347). Il y a aussi sous le Voreux une « mer souterraine [...] avec ses tempêtes et ses naufrages [...], roulant ses flots noirs » (VII, ii, 497) ; on retrouve ici, en quelque sorte, la mer souterraine du Voyage au centre de la Terre [180] !
Les dures conditions de vie des mineurs, au fond et en surface, leurs problèmes de chômage, tout cela n’a pas beaucoup changé à la fin des années 1930, comme le montre le reportage ‘en situation’ que publie George Orwell sur les villes, cités et industries minières des bassins houillers du Nord de l’Angleterre. Il observe, lui aussi, « une sorte de sinistre splendeur », « un monstrueux décor de terrils, de cheminées, de ferrailles amoncelées, de canaux emplis d’eau croupie ». « Au fond, là où on extrait le charbon, c’est une sorte de monde à part », où « les mineurs ne se posent pas [...] de questions », sans doute parce que « c’est un travail qu’ils accomplissent depuis l’enfance » [181].
Quant aux deux mondes de l’extraction du charbon qui sont déjà décrits par Zola : les ouvriers et les petits-bourgeois, on retrouve les vicissitudes des vies parallèles des membres, souvent hauts en couleurs, de deux familles typiques du Nord de la France, dans la saga auto-fictionnesque de Sophie Chauveau, qui s’étend de 1900 à 1968 [182].
Hoffmann : mauvaise mine
Plusieurs commentateurs des œuvres de Jules Verne se sont intéressés aux liens avec le fantastique dit ‘gothique’ [183], mais aussi à sa filiation avec Hoffmann [184].
En particulier, pour ce qui concerne Les Indes Noires, Volker Dehs [185] a fait le rapprochement avec le fameux ‘conte suédois’ Les Mines de Falun d’E.T.A. Hoffmann, qui date de 1819 [186]. D’autre part, et sur le même sujet, Max Milner a présenté « les valeurs très différentes que revêtent les images de la mine dans des contextes psychologiques et culturels que beaucoup de choses séparent » [187]. S’il y est bien question de mine et de mineurs, d’amour contrarié par un vieillard atrabilaire, et de diverses connotations fantastiques ou inquiétantes, le géochimiste que je suis veut ici donner quelques compléments d’information sur les différences entre les deux types de mines, et les circonstances de leurs aspects fantastiques.
Je m’explique... Les mines de Falun [188] ne sont pas des mines de charbon, mais des mines métalliques de cuivre et argent (MF, 473) ; ce ne sont pas des puits de mines, mais une exploitation à ciel ouvert, qui résulte d’un effondrement survenu en 1687, comme le conte nous le précise (MF, 391). On a donc « une opposition fondamentale [entre] l’air libre [et] un monde souterrain », qui est en quelque sorte « l’image renversée » du « monde d’en haut » [189]. Ces minerais métalliques se trouvent habituellement sous forme de sulfures, d’où l’odeur de soufre qui peut envahir les galeries (MF, 655) mais surtout la formation non de grisou explosif (comme dans une mine de charbon) mais de dioxyde de soufre. Ces minerais sont par ailleurs naturellement riches en arsenic, élément très toxique, ce qui rend délicate la gestion des déchets solides, dits improprement ‘stériles’ [190]. Ils sont également souvent présents sous forme de minéraux contenant du fer (MF, 754-757), par exemple la chalcopyrite (CuFeS2).
Ce sont ces produits de la lixiviation oxydante (= dissolution sous l’effet de la circulation d’eau) du minerai qui produisent les sulfates, à l’origine du « vitriol liquéfié » qui a conservé le cadavre d’Elis Fröbom, le jeune marin devenu mineur (MF, 1015) ; si cette expression a par ailleurs une signification alchimique (vitriol ‘philosophique’) [191], peut-être s’agirait-il d’une solution de sulfate de cuivre et / ou d’argent, sels dont les propriétés anti-fongiques et anti-bactériennes sont bien connues, et qui auraient alors permis de conserver le cadavre du « mineur minéralisé » comme le désigne Bachelard [192]. Mais cette lixiviation produit aussi de l’acide sulfurique, principal composant des DMA très acides (drainages miniers acides, voir ci-dessus) [193].
D’autre part, les mines métalliques d’Europe centrale ou du Nord ne sont pas habitées par des fées ou des ‘brawnies’ comme les mines de charbon écossaises. Par contre, elles sont hantées par des nains maléfiques, parmi lesquels il faut nommer les plus connus : Nickel et Kobold, qui ont donné leurs noms respectivement aux deux éléments métalliques que sont le nickel et le cobalt ! D’ailleurs le principal minerai de cuivre, la covellite (qui est un sulfure de cuivre CuS) était désignée autrefois par le nom allemand de Kupfernickel ; et on peut raisonnablement penser qu’il s’agit là du minerai de Falun. Signalons aussi que tous ces éléments métalliques sont fréquemment présents ensemble, sous forme de minéraux multi-métalliques en proportions variables, dans les minerais exploités.
Enfin, si « la jeune Nell [...] est en quelque sorte l’âme de la mine, comme l’était la Reine du conte d’Hoffmann » [194], pour moi, dans ce conte il s’agit en fait d’un cas de possession : Elis Fröbom, le jeune mineur, est possédé par la maléfique ‘Reine des Métaux’ qui l’a attiré auprès d’elle, avec la complicité du vieux Torbern, afin qu’il reste à jamais dans « le Royaume souterrain des pierres et des métaux, auquel il s’était donné » (MF, 878-879).
Bachelard, un non-lecteur de Jules Verne ?
Faisant explicitement référence aux travaux de Bachelard, Michel Serres conclut son étude du roman en écrivant que « Les Indes Noires sont une alchimie à quatre éléments », ce qu’il détaille ainsi :
tellurique, d’abord, par la terre et le souterrain, les galeries et les rochers ; aquatique, par les lacs, les lochs, les barques et les noyades. La houille, par synthèse, coule comme un sang noir parmi les veines de charbon. [...] L’esprit vole de ses ailes lourdes et, par synthèse, est un oiseau de feu. La houille, aussi, est une terre de feu. [195]
Curieusement Bachelard, si il fait dans ses œuvres référence aux Mines de Falun et / ou à E.T.A. Hoffmann (Figure 10), ne parle jamais des Indes Noires, ni d’ailleurs ne fait aucune allusion aux romans de Jules Verne. En effet, comme le précise Michel Mansuy, un des exégètes du chimiste-philosophe, celui-ci « n’aime pas la science-fiction » (souligné par l’auteur) alors que bien des auteurs comme Verne « n’ont pas cessé de hanter rêveurs et savants. » Mais « l’étude de ces songes, Bachelard la laisse à d’autres et nous le déplorons, car il nous a privés de remarques ingénieuses » (c’est moi qui souligne) [196].
Titre | 'Hoffmann' | 'Falun' | 'Verne' |
La Psychanalyse du Feu | 12 | 0 | 0 |
La Terre & les Rêveries de la Volonté | 11 | 5 | 0 |
La Terre & les Rêveries du Repos | 2 | 1 | 1 * |
L’Eau & les Rêves | 2 | 0 | 0 |
L’Air & les Songes | 2 | 0 | 0 |
La Flamme d’une Chandelle | 0 | 0 | 0 |
La Formation de l’Esprit Scientifique | 0 | 0 | 0 |
* plus une autre citation indirecte, dans une copie d’élève.
Figure 10. Relevé de diverses occurrences dans les principaux textes de G. Bachelard (sauf erreur ou omission de ma part).
Pourtant, né en 1884 Gaston Bachelard aurait dû probablement avoir l’occasion de lire ces romans d’aventures au cours de son enfance ? Mais justement, Verne était alors principalement considéré comme une lecture d’enfance ou d’adolescence seulement : rappelons-nous le célèbre ‘Avertissement de l’éditeur’ de P.J. Hetzel, dans lequel il évoque « l’instruction qui amuse, l’amusement qui instruit » [197]. De nombreux auteurs littéraires, mais aussi des scientifiques célèbres, reconnaîtront cependant l’influence de la lecture des romans de la série des Voyages Extraordinaires de Jules Verne sur le choix de leur carrière. Ainsi, parmi tant d’autres, Michel Butor qui explique que les ‘livres pour la jeunesse’ correspondent à un corpus explicitement apparu au XVIIIe siècle, et dans lequel Jules Verne a réussi à « nourrir de la façon la plus concrète la représentation chez l’enfant d’un monde extérieur à celui des parents » [198]. Et, si le but de Hetzel était bien de combiner les talents de Verne à écrire pour les enfants avec ses capacités à anticiper l’application des développements scientifiques récents, on sait que les éditions ‘pour la jeunesse’ diffusées au début du XXe siècle (Bibliothèque Verte, Idéal Bibliothèque,...) ont été très fortement élaguées, voire ‘massacrées’ [199].
Non seulement Jules Verne n’a jamais été inclus de son temps dans les ouvrages recensant les grandes œuvres littéraires françaises, mais il fut aussi rejeté à la fois par les éducateurs catholiques et par les partisans d’un anti-scientisme qui se développait alors en France [200]. Les œuvres de Jules Verne n’étaient donc pas dignes d’être lues par des adultes érudits [201]… et encore moins d’être citées par eux ! Et je me rapporterai ici au commentaire de David Meakin à propos d’un extrait de La Formation de l’Esprit Scientifique dans lequel Bachelard écrit : « Les anticipations scientifiques, si en faveur près d’un public littéraire qui croit y trouver des œuvres de vulgarisation positive [...], ces voyages dans la Lune [...] sont, pour l’esprit scientifique, de véritables régressions infantiles. Elles amusent parfois, mais elles n’instruisent jamais » [202] ; D. Meakin remarque alors que Bachelard ne fait ici « aucune allusion explicite à Jules Verne, bien que le rapprochement soit particulièrement frappant » (ma traduction) [200] !
Finalement, et en reprenant une phrase célèbre de Boris Vian [204], je ne peux qu’avouer que sur ce sujet « Tout a été dit cent fois // Et beaucoup mieux que par moi »...
NOTES
- François Raymond. « Connaissance de Verne », Archives Jules Verne, n° 1, Le développement des études sur Jules Verne, sous la direction de François Raymond & Daniel Compère, Archives des Lettres Modernes n° 161 (647-654), Minard, Paris, 1976, p. 5-40. ^
- Voir pour un exemple antérieur : Jean-Claude Bollinger & Anne Clancier. « Le Chant du Styrène : Étude Chimico-Psychanalytique ». Dans : Anne Clancier. Raymond Queneau & la Psychanalyse. Éditions du Limon, Paris, 1994, p. 139-157. Texte intégral disponible dans les archives en ligne du CNRS https://hal.archives-ouvertes.fr/. ^
- Jules Verne. Les Indes-Noires. Hetzel, Paris, 1877. Livre de Poche, n° 2044, Hachette, Paris, 1967 (J.-M. Margot m’a fait remarquer que, à l’occasion de cette réédition, le trait d’union a disparu du titre). ^
- Simone Vierne. « Pour l’élaboration d’une mythocritique ». Mythes, images, représentations : Actes du XIVe Congrès de la Société Française de Littérature Générale & Comparée. Limoges, 1977, sous la direction de Jean-Marie Grassin, Trames, Limoges, 1981, p. 79-85. ^
- M. Gross. “Journeying to the heat of the Earth: from Jules Verne to present-day geothermal adventures”. Engineering Studies 7, 28-46 (2015). ^
- Noir c’est noir : cette chanson, interprétée par Johnny Hallyday (album La Génération Perdue, Philips, 1966), est une adaptation française (paroles françaises de Georges Aber) de la chanson Black is black de Los Bravos (paroles originales de Anthony Hayes & Steve Wadey, musique de Steve Wadey, Anthony Hayes & Michelle Grainger, 1965). ^
- Nota : le Livre de Poche a réédité le texte sous une nouvelle couverture en 1976 — avec d’autres re-tirages par la suite — mais avec la même pagination. ^
- Suivant la suggestion de Jean-Michel Margot, et pour me conformer ainsi aux recommandations de Zvi Har’El pour le Forum JV (dont Verniana est une émanation), j’utilise ici l’abréviation IO (et non IN) pour renvoyer au roman. ^
- Bernard Gèze. « La géologie dans les romans de Jules Verne ». Mémoires de la Société Géologique de France 168, 83-86 (1995) ; il s’agit de la reprise d’une communication de l’auteur devant le Comité Français d’Histoire de la Géologie, datée du 26 Novembre 1986. ^
- Jean Romeuf. Le Charbon. collection Que Sais-Je ? N° 193, Presses Universitaires de France, Paris, 1949 [1945] ; p. 9. ^
- Georges Tiffon. Le Charbon. collection Que Sais-Je ? N° 193, Presses Universitaires de France, Paris, 1983 [1967] ; p. 4. ^
- Anna Bednik. Extractivisme, Exploitation industrielle de la nature : logiques, conséquences, résistances. Éditions Le passager clandestin, Neuvy-en-Champagne, 2016. Voir p. 12, 23, 35-36, 254, et la note 4 p. 282. ^
- Karl Polanyi. La Grande Transformation — Aux origines politiques et économiques de notre temps. Gallimard-NRF, Paris, 1983. ^
- Oncle Bernard (alias l’économiste Bernard Maris). « Journal d’un économiste en crise — Du gaz pour Montebourg ». Charlie-Hebdo 1101, 6 (24 Juillet 2013). ^
- François Bédarida. La Société Anglaise — du milieu du XIXe siècle à nos jours. Collection Points — Histoire n° 137, Seuil, Paris, 1990, p. 20. ^
- Les Indes Noires. Film télé (N&B) produit par l’ORTF (durée : 01h 28min), 1ère diffusion le 25 Décembre 1964. Réalisateur : Marcel Bluwal ; adaptation et dialogues : Marcel Moussy. Interprètes : Alain Mottet (James Starr), Georges Poujouly (Harry Ford), André Valmy (Simon Ford), Jean-Pierre Moulin (Jack Ryan), Geneviève Fontanel (Maggie), Paloma Matta (Nell), Christian Barbier (Silfax). ^
- Loïc Ravenel. « Les Aventures de Sherlock Holmes : Organisation et utilisation de l’espace ». Mappemonde 3, 1-4 (1992). ^
- G. Ourisson, P. Albrecht & M. Rohmer. « L’origine microbienne des combustibles fossiles ». Pour la Science 84, 56-65 (1984).
P.G. Hatcher & D.J. Clifford. “The organic geochemistry of coal: from plant materials to coal”. Organic Geochemistry 27, 251-274 (1997).
J.L. Clayton. “Geochemistry of coalbed gas — A review”. International Journal of Coal Geology 35, 159–173 (1998).
W.H. Orem & R.B. Finkelman. “Coal formation and geochemistry”. Treatise on Geochemistry 7, 191-222 (2003).
voir aussi : J. Romeuf, op.cit. Note 10, p. 29-33 ; G. Tiffon, op.cit. Note 11, p. 5-8 ; et IO, iii ; 19-22. ^ - Jules Verne. Voyage au centre de la Terre. Hetzel, Paris, 1864 ; Livre de Poche, n° 2029, Hachette, Paris, 1977. ^
- Jules Verne. Vingt mille lieues sous les mers. Hetzel, Paris, 1869-1870 ; Livre de Poche, n° 2033, Hachette, Paris, 1986. ^
- Je remercie mon collègue Michel Faure, Professeur de Géologie à l’Université d’Orléans, qui m’a communiqué ce document et me l’a aimablement commenté. ^
- Simone Vierne. « À propos d’Aberfoyle ». Bulletin de la Société Jules Verne 6 (23), 154-156 (1972). ^
- W.G. Henderson, N. J. Fortey and others. Mineral reconnaissance at the Highland Boundary with special reference to the Loch Lomond and Aberfoyle
areas. Mineral Reconnaissance Programme Report of the Institute of Geological Sciences N° 61, Natural Environment Research
Council, London,1983.
voir aussi : Ian Thompson. Jules Verne’s Scotland: In Fact and Fiction. Luath Press Ltd., Edinburgh, 2011; p. 151 et note 4 p. 154. ^ - J. Romeuf. op.cit. Note 10, p. 41-42 ; G. Tiffon. op.cit. Note 11, p. 24-36. ^
- Communication personnelle du guide, lors de la visite de la mine d’anthracite de Messeix (63), Août 2013 ; et : Sophie Chauveau. Noces de charbon, Gallimard, Paris, 2013 (ce point particulier est signalé p. 78 dans la réédition en collection Folio n° 5939, Gallimard, Paris, 2015). ^
- Bernard Esposito. « Les voyages extraordinaires de Jules Verne au pays de l’électricité ». Bulletin d’Histoire de l’Électricité 35, 143-176 (2000). ^
- Simone Vierne. « Puissance de l’imaginaire ». p. 152-171 dans : Jules Verne (sous la direction de Pierre-André Touttain), Cahiers de L’Herne n° 25, Paris, 1974 (réimpression : Fayard, Paris, 1998). ^
- Jules Verne. Paris au XXe siècle. Hachette / Le Cherche Midi, Paris, 1994. ^
- Philippe Scheinhardt. « La mine et la cantatrice — Fantasmatique et fantasmagorie dans deux romans ‘fantastiques’ de Jules Verne ». p. 219-245 dans Jules Verne entre Science et Mythe. Revue IRIS n° 28, Centre de Recherche sur l’Imaginaire, Université Grenoble 3, Ellug, Grenoble, 2005. ^
- David Meakin. “Future past: Myth, inversion and regression in Verne’s underground utopia”. p. 94-108 dans : Edmund J. Smyth (editor). Jules Verne: Narratives of Modernity. Liverpool University Press, Liverpool, 2000. ^
- G. Tiffon. Op.cit. Note 11, p. 45-46. ^
- F. Bédarida. Op.cit. Note 15, p. 27. ^
- Historical coal data: coal production, availability and consumption 1853 to 2015 ; Statistical data set, part of: Coal statistics from UK Department of Business, Energy & Industrial Strategy, First published: 22 January 2013, Last updated: 26 August 2016. MS Excel Spreadsheet, 323 kB, available free at: https://www.gov.uk/government/statistical-data-sets/historical-coal-data-coal-production-availability-and-consumption-1853-to-2011. ^
- A. Bednik. Op.cit. Note 12, p. 111.
Voir aussi : Christophe Bonneuil & Jean-Baptiste Fressoz. L’événement Anthropocène — La Terre, l’histoire et nous. Nouvelle édition révisée et augmentée, Collection Points-Histoire n° H517, Seuil, Paris, 2016 ; p. 120-121. ^ - Michel Toromanoff. Le Drame des Houillères. Seuil, Paris, 1969 ; p. 15. ^
- C. Bonneuil & J.B. Fressoz. Op.cit. Note 34, p. 229 et p. 218. ^
- Jules Verne. Voyage au centre de la Terre. Op.cit. Note 19. ^
- Jules Verne. L’Ile mystérieuse. Hetzel, Paris, 1874-1875 ; Livre de Poche, n° 2038 et n° 2039, Hachette, Paris, 1966. Ces citations sont dans le Tome 2, xi, 458. ^
- M. Toromanoff. Op.cit. Note 35, p. 89. ^
- François Callot. Les Richesses Minières Mondiales. Seuil, Paris, 1970 ; p. 52. ^
- M. Toromanoff. Op.cit. Note 35, p. 34. ^
- F. Callot. Op.cit. Note 40, p. 19. ^
- E.A. (Eric Albert). « La fin du charbon britannique “d’ici cinq à six ans” », Le Monde daté du Mercredi 12 Mars 2014, Cahier Eco&Entreprise, p. 2. ^
- A.F.P., Royaume-Uni : « dernière descente au charbon pour les gueules noires de Kellingley ». (document obtenu sur liberation.fr/planete/2015/12/17). ^
- Philippe Bernard. « Les mineurs anglais éteignent la frontale ». Le Monde daté du mercredi 16 décembre 2015, Supplément Économie & Entreprise, p. 5. ^
- A.F.P., op.cit. Note 44. ^
- Philippe Bernard. Op.cit. Note 45. ^
- Alain Cwiklinski. « L’après-mine fait grise mine ». L’Humanité, Vendredi 30 Avril 2004 (document obtenu sur http://www.humanite.fr/node/304751). ^
- J. Romeuf. Op.cit. Note 10, p. 35-36 et p. 52. ^
- Constant Malva. Un mineur vous parle. Éditions Plein Chant, Bassac (Charente), 1985 [réédition de l’édition originale : Éditions de La Concorde, Lausanne, 1948] ; p. 7. ^
- M. Toromanoff. Op.cit. Note 35, p. 92 et p. 91. ^
- Gaston Bachelard. La Psychanalyse du Feu. Collection Folio / Essais n° 25, Gallimard, Paris, 1999 [1949]. La citation est en p. 75-76. ^
- M. Toromanoff. Op.cit. Note 35, p. 93. ^
- M. Toromanoff. Ibidem, p. 5. ^
- Dominique Simonnot. Plus noir dans la nuit — La grande grève des mineurs de 1948. Calmann-Lévy, Paris, 2014 ; p. 13. ^
- D. Simonnot. Ibidem, p. 22-23. ^
- H. Black. “Coal mine safety”. ChemMatters, 17-19 (February 2004). ^
- C. Malva. Op.cit. Note 50, p. 106. ^
- D. Simonnot. Op.cit. Note 55, p. 17-18. ^
- P. Le Hir. « La peur blanche des gueules noires de Lorraine ». Le Monde daté du Jeudi 30 Octobre 2014, p. 13. ^
- (Anonyme). « Charbonnages de France condamné pour préjudice d’anxiété concernant 786 mineurs ». Lu sur lemonde.fr/societe/article/2016/06/30/. ^
- H. Black. Op.cit. Note 57. ^
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- D.P. Creedy. Ibidem. ^
- D.P. Creedy. Ibidem. ^
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Pierre Outteryck. « Le 27 décembre 1974, la catastrophe (évitable) de Liévin ». L’Humanité n° 21575, daté vendredi 26, samedi 27 et dimanche 28 Décembre 2014, p. 17. ^ - William B. Jensen. “Sir Humphry Davy and the Hollow Earth — The Geochemistry of Verne’s Journey to the Center of the Earth”. P. 65-76 dans : William B. Jensen. Captain Nemo’s Battery — Assorted Chemical Annotations on Science Fiction and Literature. The Epicurean Press, Cincinnati OH, 2011. ^
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- Jules Verne. Voyage au centre de la Terre. Op.cit. Note 19 : VC, xx ; 174. On trouve une description détaillée de ces lanternes dans VC, xi ; 96, note 1. ^
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- S.B. Banks & D. Banks. Ibidem. ^
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- C.Ö. Karacan et al. Op.cit. Note 81. ^
- Le lecteur aura reconnu ici la réplique célèbre du film de Marcel Carné Drôle de drame (1937), dialogues de Jacques Prévert. ^
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- Christian Chelebourg. « Les Contes d’un Grand-Père — Ré-Dièze et Raton sur les traces de Sand et d’Hoffmann ». P. 27-36 dans : Otrante n° 18 Jules Verne & la veine fantastique. Sous la direction de Denis Mellier & Alain Schaffner, Kimé, Paris, 2005. ^
- Daniel Compère. « L’incertain ». P. 15-26 dans : Série Jules Verne n° 5, Émergences du fantastique. Sous la direction de François Raymond, Revue des Lettres Modernes 812-817, Minard, Paris (1987). ^
- Daniel Compère. Jules Verne — Parcours d’une œuvre. 2ème édition, Éditions Encrage, Amiens, 2005 [1996]. ^
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- Daniel Compère. « Jules Verne : Le triomphe du fantastique dans Les Indes Noires ». P. 51-62 dans : Otrante n° 18 Jules Verne & la veine fantastique. Sous la direction de Denis Mellier & Alain Schaffner, Kimé, Paris, 2005. ^
- Jean Delabroy. « La pierre du dernier salut : Les Indes Noires». P. 45-54 dans : Série Jules Verne n° 5, Émergences du fantastique. Sous la direction de François Raymond, Revue des Lettres Modernes 812-817, Minard, Paris (1987). ^
- Simone Vierne. « Jules Verne et la mine fantastique des Indes Noires ». P. 155-164 dans Actes du 98e Congrès national des Sociétés Savantes, Saint-Étienne, 1973. Bibliothèque Nationale, Paris, 1975. ^
- Christian Chelebourg. « Industrie, vitalité, pédagogie — Les Indes Noires ». P. 29-58 dans : Archives Jules Verne n° 4, Jules Verne, la Science et l’Espace — travail de la rêverie. Archives des Lettres Modernes n° 282, Minard, Paris, 2005. ^
- Graziella-Photini Castellanou. « Le déterminisme et l’indéterminisme dans l’univers des Indes Noires ». Caitele Echinox (9), 83-92 (2005). ^
- cf. Ilya Prigogine & Isabelle Stengers. La Nouvelle Alliance — Métamorphose de la Science, Gallimard, Paris, 1979 ; réédition en Folio / Essais n° 26, Gallimard, Paris, 1986, passim. ^
- G.P. Castellanou. Op.cit. Note 101. ^
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- Eugène Michel. « Les Indes Noires, une utopie de l’écriture ». Bulletin de la Société Jules Verne 161, 5-8 (2007). ^
- E. Michel. Ibidem. ^
- Béatrice Didier. « Images et éclipses de la femme dans les romans de Jules Verne ». P. 326-347 (et discussion, p. 348-357) dans : Jules Verne et les Sciences Humaines, Colloque de Cerisy 1978, Collection 10/18 n° 1333, U.G.E., Paris, 1979. ^
- Gaston Bachelard. La Terre et les Rêveries du Repos. Librairie José Corti, Paris, 2004 [1948]. La citation est p. 234. ^
- Gaston Bachelard. La Terre et les Rêveries de la Volonté. Librairie José Corti, Paris, 1986 [1947]. La citation est p. 257. ^
- G. Bachelard. Op.cit. Note 108, p. 232. ^
- M. Serres. Op.cit. Note 86, p. 295 ou p. 26. ^
- G. Bachelard. Op.cit. Note 108, p. 169. ^
- G. Bachelard. Ibidem. Note 227, p. 299. ^
- D, Compère. Op.cit. Note 97. ^
- Patrick Besnier. « Les ténèbres ont leur beauté — Jules Verne et la fin de l’histoire ». Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest 82 (2), 213-218 (1975). ^
- G. Bachelard. Op.cit. Note 108, p. 227 et 216-217. ^
- Gaston Bachelard. L’Eau et les Rêves. Librairie José Corti, Paris, 1991 [1942]. La citation est en p. 129-130. ^
- G.P. Castellanou. Op.cit. Note 101. ^
- Michel Mansuy. Gaston Bachelard et les Éléments. Librairie José Corti, Paris, 1967. La citation est en p. 278. ^
- C. Malva. Op.cit. Note 50, p. 74. ^
- Ph. Scheinhardt. Op.cit. Note 29. ^
- G. Bachelard. Op.cit. Note 108, p. 223. ^
- Geneviève Le Hir. « Antoine de Saint-Exupéry et Jules Verne : Vol de Nuit et Les Indes Noires ». Bulletin de la Société Jules Verne 141, 13-18 (2002). ^
- G.P. Castellanou. Op.cit. Note 101. ^
- T. Todorov. Op.cit. Note 89, p. 116. ^
- Lucien Malson. Les Enfants Sauvages, Mythe et Réalité — suivi de Mémoire et rapport sur Victor de l’Aveyron par Jean Itard. Collection 10/18 n° 157, U.G.E., Paris, 1964. Les citations sont p. 64 et p. 70. ^
- Christian Chelebourg. « Nell, l’enfant des Indes Noires — Voyage au centre du didactisme vernien ». P. 183-203 dans : ahiers Robinson n° 12 “Enfants Sauvages”, Université d’Artois, Arras, 2002. ^
- Repris dans L. Malson. Op.cit. Note 126. ^
- Paul Verlaine. Gaspard Hauser chante Sagesse (pièce IV du Livre III), 1881 ; p. 92-93 dans Sagesse — Amour — Bonheur, édition de Jacques-Henry Bornecque, collection Poésie / NRF n° 111, Gallimard, Paris, 1975. Les gens de ma génération connaissent ce poème, notamment, par la version chantée en 1969 par Georges Moustaki. ^
- L. Malson. Op.cit. Note 126 : Tableau ‘Répertoire des cas’, p. 72-75. ^
- C. Chelebourg. Op.cit. Note 127. ^
- L. Malson. Op.cit. Note 126, p. 55. ^
- C. Chelebourg. Op.cit. Note 100. ^
- D. Compère. Op.cit. Note 194. ^
- G. Bachelard. Op.cit. Note 52, p. 76. ^
- J. Roels & W. Verstraete. “Review paper — Biological formation of volatile phosphorus compounds”. Bioresource
Technology 79, 243-250 (2001).
G. Gassmann & G. Glindemann. “Phosphane (PH3) in the biosphere”. Angewandte Chemie ;mdash; , International Edition in English 32, 761-763 (1993). ^ - B. Didier. Op.cit. Note 107. ^
- G. Bachelard. Op.cit. Note 108, p. 171-172. ^
- L. Malson. Op.cit. Note 125, passim. ^
- L’auteur nous précise, par une note en bas de la page 150 de IO, que « Nell est un abréviatif de Helena ». ^
- Jules Verne. Le Rayon Vert. Hetzel, Paris, 1882 ; Livre de Poche, n° 2060, Hachette, Paris, 2004. ^
- (Anonyme). Le Rayon Vert confirmé en 1886, Bulletin de la Société Jules
Verne 142, 7 (2002).
A. Danjon & G. Rougier. « Le spectre et la théorie du rayon vert ». Comptes Rendus Hebdomadaires des Séances de l’Académie des Sciences (Paris) 171, 814-817 (1920).
A. Danjon & G. Rougier, « Le Rayon Vert ». L’Astronomie 34, 513-518 (1920).
Arthur Schuster, “The Green Flash at Sunset”. Nature 110 (2759), 370-371, 16 September 1922 [il s’agit de la présentation d’un ouvrage scientifique sur le sujet, avec référence explicite au roman de Jules Verne].
L. Dufour, « Météorologie et littérature — Le rayon vert dans la littérature française ». Ciel & Terre 98, 122-123 (1982).
Je veux ici signaler aussi qu’un ‘editor’ de la revue Nature, dans laquelle on peut relever plus de 25 descriptions d’observations entre 1870 et 1930, ajoutera en 1914 la note suivante : « It is a pity that this well-known phenomenon due to atmospheric dispersion is not more frequently looked for ». ^ - Voir ci-dessus, note 16. ^
- Sylvie Kleiman-Lafon. « L’utopie gothique de Jules Verne au pays de Rob Roy ». Études Écossaises 11, 51-67 (2008).
John Loney. “Irvine History Notes — Notes on the history of Irvine and surrounding areas”. ‘Jules Verne’, sur Internet à l’adresse : http://irvinehistorynotes.yolasite.com/jules-verne.php. ^ - H. Fougeret. « Les extincteurs d’incendie ». La Nature, 59e année, n° 2848, p. 10-18 (1er Janvier 1931). ^
- Suite à un terrible incendie à l’Opéra Comique de Paris, l’éclairage au gaz est définitivement abandonné en 1892. ^
- Voir aussi la description dans IO, vii ; 70 et l’illustration p. 67, d’ailleurs quasiment reprise par J. Férat de celle qu’il avait déjà réalisée pour le livre de Simonin, comme l’indique Eugène Michel, « Les Indes Noires : L’art et la manière d’accommoder la science », Bulletin de la Société Jules Verne 166, 51-56 (2008). ^
- C. Chelebourg. Op.cit. Note 100. ^
- Voir les fiches correspondantes sur le site consacré aux oiseaux : http://www.oiseaux-birds.com/fiche-harfang-neiges.html et http://www.oiseaux-birds.com/fiche-gd-duc-europe.html. ^
- D. Meakin. Op.cit. Note 30. ^
- La Bible. Le déluge, Genèse 8, 11. ^
- G. Bachelard. Op.cit. Note 117, p. 100-102 et p. 104. ^
- M. Serres. Op.cit. Note 86, p. 302 ou p. 33. ^
- Sigmund Freud. « L’inquiétante étrangeté (das Unheimliche) ». P. 163-210 [dans la traduction ‘historique’ de Marie Bonaparte], dans Essais de Psychanalyse Appliquée, collection Idées/Gallimard n° 353, Gallimard/NRF, Paris, 1971 [1933]. La citation est en p. 198. ^
- S. Freud. Ibidem, p. 164, 206 et 208. ^
- Isabelle Bonnin. « Étude de l’imaginaire dans Les Indes Noires de Jules Verne ». Recherches sur l’Imaginaire 25 (1), 163-178 (1994). ^
- Daniel Compère. « Les Indes Noires sur blanc ». Bulletin de la Société Jules Verne 42, 60-63 (1977). ^
- T. Todorov. Op.cit. Note 189, p. 35-36. ^
- Ph. Scheinhardt. Op.cit. Note 29. ^
- William Butcher. « Un coin des Indes noires ». P. 385-418 dans : Jules Verne inédit — Les
manuscrits déchiffrés. ENS Éditions, Lyon, 2015. Ma citation est en p. 14.
Cette étude avait fait l’objet d’une publication antérieure (en anglais, hélas entachée de nombreuses fautes de frappe) : William Butcher & Sarah Crozier. “Verne’s underground city: The lost chapters from Les Indes Noires”. Fichier ‘undergroundcity.org’, disponible à l’adresse : http://www.ibiblio.org/julesverne/articles.htm/undergroundcity.doc. ^ - Pierre-André Touttain. « Aspect du romantisme souterrain : les Indes Noires ». P. 225-228 dans : Jules
Verne (sous la direction de Pierre-André Touttain), Cahiers de L’Herne n° 25, Paris, 1974 (réimpression : Fayard, Paris, 1998).
et aussi : S. Vierne. Op.cit. Note 113 ; S. Kleiman-Lafon. Op.cit. Note 159. ^ - Ian B. Thompson. “The visit to Scotland by Jules Verne in 1859”. Scottish Geographical Journal 121, 103-106 (2005). ^
- Jules Verne. Voyage à reculons en Angleterre et en Écosse. Edité par Christian Robin, Le Cherche Midi éditeur, Paris, 1989. ^
- I. Thompson. Op.cit. Note 23. Voir les chapitres 1 (“First Impressions”. P. 17-58) et 6 (“The Underground City”. P. 128-156). ^
- S. Kleiman-Lafon. Op.cit. Note 144. ^
- W. Butcher. Op.cit. Note 160, p. 393-403. ^
- W. Butcher. Ibidem, p. 403-406. ^
- W. Butcher. Ibidem ; pour cette partie, voir p. 407, p. 414-415, p. 55 et p. 71. ^
- Philippe Curval. « Décalage temporal ». P. 153-170 dans La Machine à remonter les rêves : Les Enfants de Jules Verne. Richard Comballot & Johan Heliot (dir.), Mnémos, Paris, 2005, coll. « Icares SF ». ^
- Rappelons tout d’abord que Les Indes Noires a été publié en 1877, donc du temps de Hetzel père (Pierre-Jules
Hetzel, 1814-1886) ; mais Zéphirin Xirdal est un personnage d’inventeur ajouté par Michel Verne dans la version posthume de La Chasse au Météore parue
en 1908 — donc du temps de Hetzel fils (Louis-Jules Hetzel, 1847-1930), alors que la version originale inachevée de Jules Verne datait de 1901.
La nouvelle de Philippe Curval commence par une lettre à Hetzel fils, datée de 1901, selon laquelle c’est Jules Verne qui a créé le personnage de Zéphirin Xirdal, lequel plaît bien à son fils Michel. Mais le ‘vrai’ Xirdal, alors qu’il se rend compte que le livre La Chasse au Météore, tel que publié, ne le mentionne pas, nous signale que « pour l’écrivain (...) la substance de son œuvre se recompose éternellement quand le lecteur en prend connaissance et se désagrège aussitôt que le livre est refermé » (p. 160) ! C’est pourquoi il décide alors de « remonter le temps jusqu’à sa création pour exiger de l’écrivain qu’il rendît enfin justice à ses talents » (p. 161), et ce en utilisant des modifications de sa ‘dynamo-sphère’. Il se rematérialise donc... dans le corps et l’esprit de Jules Verne qui est en train d’écrire Les Indes Noires, soit donc bien avant l’époque souhaitée ; et là, tout bascule ! « Détail d’importance qui bouleversait les données de l’histoire : Xirdal avait pris la place du héros principal, Harry Ford » (p. 166). Finalement, Zéphirin Xirdal s’enfuira avec Nell, ce que Jules Verne constate à son grand étonnement, dans une lettre de 1876 à Hetzel père où il écrit vouloir reprendre l’histoire initiale... ^ - Kurt Ringger & Christof Weiand. « Aspects littéraires de la mine ». Revue de Littérature Comparée 58, 417-441 (1984). ^
- Émile Zola. Germinal (Les Rougon-Macquart, tome XIII), Charpentier, Paris, 1885. Mes références portent sur la partie, le chapitre et la page dans l’édition du Livre de Poche ‘Classiques’, n° 145, Libraire Générale Française, Paris, 2000. ^
- Henri Marel. « Jules Verne, Zola et la mine ». Cahiers Naturalistes 26 (54), 187-200 (1980). ^
- Jacques Noiray. Le romancier et la machine — L’image de la machine dans le roman français [1850-1900], Tome I — L’univers de Zola. Librairie José Corti, Paris, 1981. Voir en particulier : p. 44-68, et p. 161-176. ^
- Louis-Laurent Simonin. La vie souterraine, ou la mine et les mineurs. Hachette, Paris, 1867 ; pour JV, voir E. Michel. Op.cit. Note 147 ; pour EZ, voir H. Marel. Op.cit. Note 173. ^
- Il s’agit de visites séparées : en novembre 1876 pour JV ; en février/mars 1884 pour EZ ; voir H. Marel. Op.cit. Note 173. C’est dommage, car il aurait été intéressant de voir, côte-à-côte dans la mine et la cité minière, Zola le socialiste et Verne le républicain ! Eux qui, de plus, seront quelques années plus tard l’un dreyfusard et l’autre anti-dreyfusard, comme le rappelle Christophe Charle. « Champ littéraire et champ du pouvoir : les écrivains et l’Affaire Dreyfus ». Annales. Économies, Sociétés, Civilisations 32 (2), 240-264 (1977). ^
- S. Vierne. Op.cit. Note 22 ; S. Kleiman-Lafon. Op.cit. Note 144 ; P.A. Touttain. Op.cit. Note 161 ; I. Thompson. Op.cit. Note 162. ^
- Lionel Dupuy. « Les Indes noires, ou l’aventure humaine selon Jules Verne ». P. 97-114 dans : Jules Verne, l’homme et la terre. La mystérieuse géographie des 'Voyages extraordinaires'. La Clef d’Argent, Dole, 2006. ^
- Voir aussi D. Simmonot. Op.cit. Note 55, p. 24-26. ^
- Jules Verne. Voyage. Op.cit. Note 19 : VCT, xxx ; 233 sqq. ^
- George Orwell. The Road to Wigan Pier. V. Gollancz Ltd., London, 1937 ; traduction française : Le quai de Wigan. Éditions Ivréa, Paris, 1982. Mon édition de référence est la réédition en Collection 10/18 n° 3250, Paris, 2000 ; voir p. 7-133. ^
- S. Chauveau. Op.cit. Note 25. ^
- Daniel Compère. « Jules Verne et le roman gothique », Bulletin de la Société Jules Verne 35/36, 72-78 (1975).
Daniel Couégnas. « Traces intertextuelles : le ‘gothique’ de Jules Verne ». P. 27-43 dans : Série Jules Verne n° 5, “Émergences du fantastique”. Sous la direction de François Raymond, Revue des Lettres Modernes 812-817, Minard, Paris (1987). ^ - Simone Vierne. « Jules Verne et la mine fantastique des Indes Noires ». P. 155-164 dans : Actes du 98° Congrès National des
Sociétés Savantes (Saint-Etienne, 1973), Section d’histoire moderne et contemporaine, Tome I — Carrières, mines et métallurgie de 1610 à
nos jours. Bibliothèque Nationale, Paris, 1975.
P.A. Touttain. Op.cit. Note 161. ^ - Volker Dehs. « Inspirations du fantastique ? Jules Verne et l’œuvre de E.T.A. Hoffmann ». P. 163-190 dans : Série Jules Verne n° 5, “Émergences du fantastique”. Sous la direction de François Raymond, Revue des Lettres Modernes 812-817, Minard, Paris (1987). ^
- E.T.A. Hoffmann. Le violon de Crémone — Les mines de Falun. Collection Étonnants Classiques n° 36, Flammarion, Paris, 2008. La traduction des Mines de Falun (p. 45-79) y est celle de Paul Sucher, Aubier-Montaigne, Paris, 1942 ; je me réfère ici aux lignes numérotées dans cette édition. ^
- Max Milner. « L’imaginaire de la mine, de Hoffmann à Jules Verne ». P. 241-257 dans : Du romantisme au surnaturalisme &mgash; Hommage à Claude Pichois (sous la direction de James S. Patty), Editions de la Baconnière, Neuchâtel (Suisse), 1985. ^
- Le site industriel des anciennes mines de Falun est devenu un musée, qui peut donc se visiter, voir http://www.falugruva.se/en/. ^
- M. Milner. Op.cit. Note 187. ^
- Hubert Bril & Jean-Claude Bollinger. « Comprendre les pollutions par les métaux ». L’Actualité Chimique 298, 54-62 (2006). ^
- voir aussi http://www.cnrtl.fr/definition/vitriolique. ^
- G. Bachelard. Op.cit. Note 109, p. 258. ^
- Bernhard Dold. “Acid rock drainage prediction: A critical review”. Journal of Geochemical Exploration 172, 120–132 (2017).
voir aussi : D.K. Nordstrom. “Hydrogeochemical processes governing the origin, transport and fate of major and trace elements from mine wastes and mineralized rock to surface waters”. Applied Geochemistry 26, 1777–1791 (2011). ^ - M. Milner. Op.cit. Note 187. ^
- M. Serres. Op.cit. Note 86, p. 302 ou 33. ^
- M. Mansuy. Op.cit. Note 119, p. 99 ou 261. ^
- (P.)J. Hetzel. « Avertissement de l’éditeur ». P. 1-2 dans : Jules Verne. Voyages et aventures du Capitaine Hatteras : les anglais au Pôle Nord, le désert de glace (grand in-8°, illustrations de Riou), Hetzel, Paris, 1867. ^
- Michel Butor. « Lectures de l’enfance ». L'Arc 29, 43-45 (1966). (réimpression : Duponchelle, Paris, 1990). ^
- D. Compère. Op.cit. Note 95, p. 112.
Philippe Burgaud & Jean-Michel Margot. « Jules Verne chez Hachette de 1914 à 1950 ». Verniana 6, 1-42 (2013-2014). ^ - Arthur B. Evans. “Jules Verne and the French Literary Canon”. P. 11-39 dans : Jules Verne: Narratives of Modernity, Edmund J. Smyth (editor), Liverpool University Press, Liverpool, 2000. ^
- A.E. Evans. Ibidem; et aussi :
Kiera Vaclavic. « Jules Verne écrivain... de jeunesse : The case of Voyage au centre de la Terre ». Australian Journal of French Studies 42, 276-283 (2005).
Isabelle Jan. « Le Voyage au centre de la Terre est-il un livre pour enfants ? ». P. 81-88 dans Jules Verne, écrivain du XIXe siècle — Colloque d’Amiens (11-13 Novembre 1977), Volume I — Nouvelles recherches sur Jules Verne et le voyage (Coll. «Thèsothèque» n° 2), Librairie Minard, Paris, 1978. ^ - G. Bachelard. La Formation de l’Esprit Scientifique, Librairie Philosophique J. Vrin, Paris, 1983 [1938]. La citation est en p. 36. ^
- David Meakin. “Jules Verne’s alchemical journey short-circuited”. French Studies 45, 152-165 (1991). ^
- Boris Vian. « Tout a été dit cent fois ». Dans : Je voudrais pas crever, J.J. Pauvert, Paris, 1962 / Fayard, Paris, 1996 ; voir p. 57 dans la réédition en Livre de Poche n° 14133, L.G.F., Paris, 1997. ^