Verniana — Jules Verne Studies / Etudes Jules Verne — Volume 8 (2015–2016) — 1–26
Submitted February 9, 2015 Published February 28, 2015
Proposé le 9 février 2015 Publié le 28 février 2015

Jules Verne, agent publicitaire (France, 1987-1988)

Jean-Claude Bollinger


Abstract

Le Superbe Orénoque was published in 1898. The same year was founded in France the « Compagnie Générale d’Électricité » (CGE), with the goal to develop the usage and the applications of electricity, a topic of great interest for Jules Verne. After several modifications of the structure of the company, especially its nationalisation in 1982, the CGE was privatised again in 1987. The advertisement campaign and the television spots used to promote and sell the privatisation of the company made an explicit reference to the Voyages extraordinaires. It is somewhat amazing to that another, totally different, advertisement campaign, also using Jules Verne’s novels, was run at the same time in France: for Toshiba, a Japanese society established in 1875 (when L’Île mystérieuse was published). We discuss here the intertextuality between the works of Jules Verne and the corresponding advertisements used by CGE and Toshiba, independently of each other. Click on images to view in full size.

Résumé

1898 est l’année de la parution du Superbe Orénoque, mais aussi celle de la création de la CGE (Compagnie Générale d’Électricité), consacrée à valoriser cette ‘fée’ qui fascinait également Jules Verne. Après diverses modifications de structure, dont en particulier la nationalisation de 1982, la CGE doit être re-privatisée en 1987. La campagne publicitaire liée à cette opération est déclinée sur le thème des Voyages extraordinaires de Jules Verne ; c’est ce que l’on présente ici, à partir des pages publiées dans la presse écrite et de (très) courts métrages créés pour la télévision. Curieusement, la même année 1987, une seconde campagne publicitaire basée sur la vision anticipatrice de Jules Verne paraît dans la presse écrite : cette fois, c’est pour la firme japonaise Toshiba, créée en 1875, l’année de parution de L’Île mystérieuse. On discute ici l’intertextualité des œuvres de Verne et des images publicitaires correspondantes. Cliquer sur les images pour les voir en pleine page.


Depuis près d’un siècle et demi, le nom de Jules Verne est associé au futur, au progrès, aux développements de la science et de la technologie : n’a-t-il pas ‘prévu’ les missions Terre-Lune, l’exploration des fonds sous-marins, etc. ? Cent ans après ses premiers livres, par exemple à propos de l’installation d’une nouvelle — et importante — usine d’aluminium à Dunkerque, un grand quotidien rappelait [1] que Jules Verne avait, le premier, pressenti l’intérêt de ce métal et l’avait utilisé dans son « obus cylindro-conique » qui devait voyager De la Terre à la Lune puis Autour de la Lune.

Dans ce travail nous discuterons, sur deux séries de documents publiés une centaine d'années après les premières parutions verniennes, comment Jules Verne et ses œuvres sont devenus des agents de publicité — entendons par là des arguments publicitaires — pour des domaines présentant une forte connotation de technologie avancée. En effet, après un colloque sur Jules Verne et l’Innovation organisé en Juin 1984 par l’ANVAR — Île de France [2], relayé par l'exposition 1984 vu par Jules Verne [3], l’année 1987 a connu deux campagnes publicitaires (totalement indépendantes l’une de l’autre) qui reprenaient ce thème, et que nous allons examiner ici.

Cette présence de Jules Verne, par le biais de publicités dans la presse écrite, est sans doute un juste retour des choses, puisque l’auteur était bien connu pour utiliser abondamment la presse de son époque, qu’il lisait régulièrement ; d’autre part, il la faisait souvent intervenir dans ses romans, parfois presque comme un personnage à part entière [4]. Le rôle des illustrations dans les livres du tandem Jules Verne / P.J. Hetzel est par ailleurs très important, quasiment indissociable : le compilateur du volume qui leur est consacré dans La Pléiade écrit à ce sujet [5] : « Cas unique dans l’histoire des Lettres françaises que ce Jules Verne dont l’œuvre écrite avoue un lien ‘siamois’, inopérable, avec l’illustration : parasitisme ou dépendance amoureuse. Jumelage, seul de son espèce, d’un texte et de son illustration. »

Et en effet les œuvres, les personnages de Jules Verne, ou même l’auteur lui-même, ont depuis le XIXème siècle été maintes fois mis en scène. Nous limitant au seul domaine français, on n’en citera ici que quelques exemples, notamment les ‘chromos’ édités au début du XXème siècle au nom de diverses marques de cacao, de chocolat ou de vêtements [6], et les publicités pour Nestlé, Waterman ou Vélosolex dans les années 1970-1980 [7]. On a également pu connaître le parfum ‘Phileas’ de Nina Ricci (créé en 1984, maintenant introuvable dans le commerce), destiné à l’homme « hors du commun », « qui sait où il va » [8] — bien entendu inspiré par le héros du Tour du Monde en quatre-vingts jours. Et, si notre auteur pouvait utiliser les ‘plumes Jules Verne’ (« marque déposée » par « autorisation du 14 Janvier 1890 ») [7, 9] pour écrire ses œuvres, en 2003 il aurait pu s’offrir le stylo-plume Montblanc à son nom, en laque bleu océan, n’existant qu’à 18 500 exemplaires, et dont la plume en or est « finement gravée d’un casque de scaphandrier ancien », en référence bien sûr à Vingt mille lieues sous les mers [10].

Notre lecture de ces deux campagnes de publicité se basera notamment sur les travaux de Marc Arabyan, pour qui il s’agit [11] d’ « aborder l'organisation de la page publicitaire en tant qu’unité discursive composite, pluridimensionnelle et dynamique » (p. 12), ce qui permettra « de dégager des principes de mise en page liés d’une part à la composition de l’image, d’autre part aux rapports entre le texte et l’image » (p. 11) [souligné par JCB] et de « se livrer à un travail de synthèse de ce qui est lisible et de ce qui est visible, un travail de mise en phrases (...) des deux ordres de la communication sur papier : le texte et l’image. » (p. 14) [italiques de l'auteur].

Campagne de privatisation de la Compagnie Générale d'Electricité (avril-mai 1987)

Un peu d’histoire, pour commencer [12] : qu’est-ce que la CGE en 1987 ? La Compagnie Générale d’Électricité fut créée, en tant que Société Anonyme, en 1898 [13] à Paris, où son siège social est resté rue de la Boétie, dans le 8ème arrondissement. Dirigée par son créateur et principal actionnaire, le Centralien Pierre Azaria (1865-1953), elle combinait la production d’énergie électrique et la fabrication, entre autres, de batteries, de câbles et d’ampoules électriques.

La CGE se développe dans les années 1910 par l’acquisition de sociétés autonomes maîtrisant des technologies complémentaires. Dans les années 1920, elle s’associe avec son principal concurrent, Thomson-Brandt, et continue à se développer en se diversifiant dans les années 1930. Nationalisée par le gouvernement français à la veille de la deuxième guerre mondiale, elle sera ensuite dirigée par l’occupant allemand ; ce qui entraîna des bombardements alliés sur ses principales usines. À la Libération, le secteur de la production d’énergie électrique fut nationalisé (1946), mais les autres activités industrielles de la CGE redevinrent privées. Afin de moins dépendre des commandes de l’État, la CGE diversifia alors ses activités, s’orientant dans les années 1950 vers la production de biens de consommation, comme des téléphones, et des produits d’électronique industrielle. À la fin des années 1960, le gouvernement français imposa une restructuration des industries électriques, notamment en introduisant Alsthom, le constructeur de centrales nucléaires de Thomson-Brandt, dans le giron de la CGE, alors dirigée depuis 1963 par Ambroise Roux (1921-1999). Dans les années 1970, la CGE racheta Alcatel, société française spécialisée dans les télécommunications, pour créer CIT-Alcatel, qui devint une nouvelle société du groupe CGE.

Après l’élection de François Mitterrand à la Présidence de la République, le gouvernement socialiste décida en 1982, conformément au ‘programme commun de la gauche’, la nationalisation de nombreuses sociétés, dont la CGE. Puis en 1987, le changement de gouvernement (Jacques Chirac devient Premier Ministre de cohabitation) conduit à une re-privatisation de la CGE, sous la forme d’une offre publique de vente (OPV), couplée à une offre publique d’échange (OPE) [14, 15] : c’est à ce moment que se fait la campagne de publicité que nous allons examiner, largement diffusée dans la presse quotidienne régionale et à la télévision, afin d’inciter les petits épargnants et boursicoteurs réguliers, telle la mythique ‘veuve de Carpentras’ [16], à souscrire aux actions mises en vente au prix de 290 Francs, ce qui représente une capitalisation de 20,6 milliards de Francs [17].

La situation financière et les perspectives de développement sont alors très favorables [18]. Une note sur les « Résultats Consolidés 1986 » du Groupe CGE [9], faisant suite au Conseil d’Administration du 31 Mars 1987, indique que le bénéfice consolidé est alors en augmentation de 45 %, et « représente 2,1 % du chiffre d’affaires qui s’établit à 80,9 milliards de Francs ». Puis on apprendra que « le chiffre d'affaires hors taxes réalisé au premier trimestre 1987 (…) s’est élevé à 26,1 milliards de Francs », soit « une progression de 69 % » [20].

Afin de séduire les (futurs) actionnaires, Patrice Allain-Dupré, chargé de la Communication à la CGE, a choisi une campagne, intitulée « Groupe CGE : L’Esprit de Conquête », destinée en priorité aux jeunes générations, moins motivées a priori. « Dans l'esprit des Voyages Extraordinaires de Jules Verne, [mais] revus et corrigés façon Spielberg », six petits films pour la campagne télévisée ont été confiés à des spécialistes du fantastique, relayés par des annonces « pleine page » dans la presse écrite (presse quotidienne régionale essentiellement). Le dessinateur des annonces « avait fait les décors du film 2001 — L’Odyssée de l'Espace », aidé, semble-t-il, de plusieurs autres artistes. Le montant total de ces dépenses de publicité pour la privatisation se montait à 45 MF, dont 13 MF pour la télévision et 17 MF pour la presse écrite [21, 22].

On pouvait donc s’attendre à trouver ici une intertextualité [23] caractérisée de certaines de ces images publicitaires, par rapport à des modèles célèbres [24].

Si les titres des films télévisés et des placards publicitaires [25] dans la presse quotidienne font donc explicitement référence à ceux que l’on désigne parfois par « les romans scientifiques » de Jules Verne, un regard plus approfondi montre que les thématiques industrielles évoquées se rapportent en fait souvent à un autre roman ! Sans savoir si c’est volontaire ou non, les descriptions et illustrations suivantes essayeront de décrypter l’ensemble des références.

 

Figure 1. Le Monde, vendredi 24 avril 1987 (collection Maison d'Ailleurs) Figure 2. Le Monde, samedi 25 avril 1987

 

À première vue, 20 Mille Lieues Sous les Mers (Figure 1) se réfère bien, et directement, au roman éponyme (1869-1870). L’illustration (signée C. Broutin) évoque nettement les dessins de De Neuville dans l'édition Hetzel [26] : la ville engloutie (Vingt mille lieues sous les mers, p. 421) et le temple d'Hercule (p. 393), ainsi que le fameux calmar géant (p. 555 et 559).

Le thème correspondant est cependant celui d'un « câble téléphonique » sous-marin, « reliant la France à Singapour » « sur plus de 10 000 km ». En fait, les câbles électriques sont déjà connus du temps de Jules Verne [27] : la première liaison téléphonique mondiale se fait entre Douvres et Calais, en novembre 1852. Puis la première liaison transatlantique est réalisée en 1866 par le Great Eastern, gigantesque paquebot converti en navire câblier, et qui aura en avril 1867 comme passagers Jules Verne et son frère Paul [28].

La thématique évoquée dans La Chasse au Météore (Figure 2) est en fait celle du diptyque De la Terre à la Lune / Autour de la Lune (1865 et 1870), puisqu’il s'agit de mettre en avant les « accumulateurs alcalins » de la société Saft, « des batteries spécialement conçues pour l'espace ».

Toutefois, il n’était pas question d’utiliser des piles ou accumulateurs dans ces deux romans ; c’est plutôt le gaz, « emmagasiné dans un récipient spécial » et disponible simplement en tournant un robinet, qui « devait éclairer et chauffer ce confortable véhicule » qu’était le « wagon-projectile » [29] (De la Terre à la Lune, p. 306) [30].

En Février 2014, l’électro-chimiste Franco-marocain Rachid Yazami a été récompensé [31] pour sa participation au développement des accumulateurs Lithium-Ion.

 

Figure 3. Libération, jeudi 30 avril 1987 (collection Philippe Burgaud) Figure 4. Le Monde, mardi 5 mai 1987

 

Dans L’école des Robinsons (Figure 3) on voit un enfant qui tapote sur un clavier de Minitel, surmonté par une soucoupe volante irradiant les nuages qui les séparent, le tout dans une dominante rose (serait-ce une allusion subliminale à l’une des principales utilisations, le ‘Minitel rose’ ?). Ce dessin (signé A. Laurent) veut nous montrer « comment un clavier et un petit écran font travailler l’imagination des enfants et des grands », ceci pour un « ultime combat avec l'envahisseur » (sic !). On est loin, alors, des accusations des années 2010, selon lesquelles enfants, adolescents et aussi adultes passent trop de temps devant leurs écrans (du smartphone à l’ordinateur, en passant par la télévision et la tablette), et en perdraient l’orthographe à force d’utiliser des SMS [32]. Pourtant, à cette époque, un socio-économiste réputé qui « ne conçoi[t] plus le téléphone sans le Minitel », affirme que « radio et télé devront chercher à s’allier » avec lui, et que « en multipliant les voyages en exotisme, [il] fera comprendre aux hommes leurs limites » en matière d'altérités sexuelles [33] (sic !). En fait, le Minitel a cessé toute activité le 30 Juin 2012 [34], détrôné depuis belle lurette par Internet.

Le Phare du Bout du Monde (Figure 4) nous met face à une sombre masse rocheuse, écrasée par une Lune immense et survolée par un condor stylisé sous forme d’un bijou métallique d’inspiration inca.

Au premier plan du dessin, signé C. Broutin : tuyaux et rails, éclairages en faisceaux, apparaissent en-dessous de constructions étagées ; c’est « une centrale hydro-électrique », installée dans « une immense caverne creusée de main d’homme », « sous les ruines sacrées du Machu-Picchu », et qui « apporte la lumière aux descendants des Fils du Soleil » ! Rien à voir, donc, avec le roman éponyme (1905) de Jules Verne. Les commentaires sont plus proches du Temple du Soleil d'Hergé que du Phare du bout du monde de Jules Verne.

 

Figure 5. Le Monde, mercredi 6 mai 1987 Figure 6. Le Monde, jeudi 7 mai 1987

 

« Un éclair orangé qui déchire la nuit, une gueule de squale prête à mordre l’air » : non, ce n’est pas le générique [35] du feuilleton télévisé disneyen Zorro (1957-1959, pour la première diffusion américaine) ! Le Conquérant (Figure 5) ne fait pas non plus référence à l’Albatros, la machine volante monstrueuse de Robur le conquérant (1886), mais au « fabuleux T.G.V. », « le train le plus rapide de la Terre », construit par Alsthom.

L’illustration le rejette cependant tout en bas de la page, où il est partiellement tronqué, et insiste plutôt sur la vision d’un aigle fondant sur sa proie, alors que la partie en haut à droite nous montre deux petites silhouettes humaines en haut d’un éperon rocheux émergeant des nuages. Serait-ce une évocation du frontispice du Sphinx des glaces ?

Dans Le Tour du Monde en 80 Secondes (Figure 6), on fait la connaissance de « l’honorable Ming », un commerçant chinois, et de sa « machine à communiquer » : « un central téléphonique [qui] transmet (…) la voix (…), des données informatiques, des textes, des images ».

Cet homme d’affaires avisé, dont le patronyme est celui d’une importante dynastie d’empereurs chinois (de 1368 à 1644) ne sort pas du roman quasi éponyme, mais plutôt des Tribulations d’un Chinois en Chine (1879) [36]. En effet, chez le riche Kin-Fo, « le progrès matériel s’était introduit dans son intérieur » (p. 39) : des appareils téléphoniques entre les divers bâtiments de son domaine, des sonnettes électriques (p. 39), et aussi un tuyau acoustique (p. 44). « Enfin, dédaignant l’emploi suranné de l’écriture dans sa correspondance intime, [il] avait adopté le phonographe » (p. 40), dont une « aiguille, actionnée par [une] membrane, [trace sur un papier spécial] des rainures obliques correspondant aux paroles prononcées. » (p. 45). Kin-Fo peut ainsi communiquer, par la voix, avec Lé-ou, sa fiancée (p. 54, Figure 7).

Jules Verne insiste dès le début de ce roman sur le fait que la Chine de l’époque est peuplée de « trois cent soixante millions d'habitants. C’est presque un tiers de la population de toute la terre » (p. 18), et que les classes supérieures, non seulement possèdent « de remarquables aptitudes pour le commerce » (p. 17), mais aussi sont très ouvertes au progrès : il cite plusieurs fois « le câble électrique » (p. 17 et 39).

 

Figure 7. Gravure de Bennett de la page 41 (édition Hetzel grand in-octavo) :
Lé-Ou entendit : « Petite sœur cadette »
Figure 8. Le Monde, mardi 12 mai 1987

 

Il est sans doute un peu ironique de constater que Jules Verne (dès 1879), et surtout en 1987 les publicitaires de Alcatel NV (« cette filiale de la CGE, deuxième industriel mondial des télécommunications publiques » selon la publicité discutée ici), ont ainsi la prémonition que la Chine deviendra avant la fin du XXème siècle le principal producteur mondial de moyens de communications électroniques : ordinateurs, téléphones portables, smartphones et tablettes, et de leurs composants. En mars 2014, Alcatel-Lucent signera « un gros contrat à 750 millions d’euros avec China Mobile », le « premier opérateur mondial en nombre d’usagers du mobile », afin de lui fournir « des technologies de très haut débit 4G ». Une très bonne nouvelle pour l’équipementier français, qui, bien que « très fort sur le fixe (…) avait raté le virage du mobile et s’était vu, ces dernières années, devancé [entre autres] par le chinois Huawei » [37].

En guise d’apothéose, toutes ces réalisations sont rassemblées dans un Voyage au centre de la C.G.E. (Figure 8), afin d'énumérer les « 10 bonnes raisons de devenir actionnaire » et donc de profiter de l’offre publique de vente concernant ce groupe industriel. De façon similaire, une double page (texte et illustration en face à face) a paru dans Le Nouvel Économiste (n° 591, 8 mai 1987, p. 58-59 et n° 592, 15 mai 1987, p. 20-21) dans une dominante bleue (Figure 9) avec un TGV orange (en bas) et une fusée jaune (en haut). Dans Le Nouvel Observateur (n° 1173, 1-7 mai 1987), une autre version de cette double page reprend le thème Les Voyages Extraordinaires... en trois bandes horizontales avec texte au centre (Figure 10).

 

Figure 9. Publicité du Nouvel Economiste

 

Figure 10. Publicité du Nouvel Observateur

 

Ces publicités dans la presse quotidienne régionale sont presque toutes construites selon une diagonale partant du bas à gauche vers le haut à droite (Figure 11). Sur la page du quotidien Le Monde [38], qui avait à l’époque le format 32,5 × 50 cm, la publicité occupe un espace total de 29 × 45 qui comprend le dessin sur 29 × 41 avec un encart de texte de 9,5 × 15,5 en bas à droite. Le titre vernien, en caractères gras de 2 cm de haut (pour les majuscules), est complété en bas de page par le texte « …Encore une bonne raison de devenir actionnaire de la C.G.E. » en cursives rouges. Les dessins sont presque tous monochromes, avec des couleurs un peu éteintes (bleu, vert, brun, …) sur le papier journal ; mais sur le papier glacé des magazines, les couleurs sont bien sûr plus appuyées (comparer les Figures 8 et 9).

 

Figure 11. Schéma de composition standard d'une image narrative, extrait de :
Marc Arabyan, La Mise en page des pages de publicité, Éditions Lambert-Lucas, Limoges, 2008 [2006] (schéma 2, p. 81).
Reproduit avec l'aimable autorisation de l’auteur et de la maison d'édition

 

Quant aux spots télévisés, ce sont des films d'environ 20 à 30 secondes (datés du 1er avril 1987 dans les archives de l’INA, consultables en ligne). On y voit de façon récurrente deux hommes d’affaires, en costume et cravate, parfois avec une sacoche porte-documents, et dont l’allure est très datée, quand on les regarde maintenant ! L’un d’eux (celui sans lunettes), demande à l’autre, qui porte des lunettes à monture sombre (ce qui le rend sans doute plus sérieux, donc mieux informé ?) : « Donnez-moi une bonne raison de devenir actionnaire de la CGE ».

Les films publicitaires pour la campagne de privatisation de la C.G.E. (Avril/Mai 1987)
Titre du film publicitaireAccès sur InternetDuréeRoman de Jules Verne Innovation C.G.E.
20 000 Lieues sous les Mershttp://www.ina.fr/video/PUB3784075144 21 sVingt mille lieues sous les mersCâble sous-marin
Le Conquéranthttp://www.ina.fr/video/PUB3784075143 31 sRobur le conquérantTrain à grande vitesse (TGV)
L'Ile Mystérieusehttp://www.ina.fr/video/PUB3784075150 32 sL'Ile mystérieuseCentrale nucléaire
Le Tour du Monde en 80 Secondeshttp://www.ina.fr/video/PUB3784075153 21 sLes Tribulations d'un Chinois en ChineTéléphonie grande distance
L'Ecole des Robinsonshttp://www.ina.fr/video/PUB3784075154 32 sL'Ecole des RobinsonsLe Minitel
Les Voyages Extraordinaireshttp://www.ina.fr/video/PUB3784075157 17 s Les Voyages extraordinaires Récapitulatif des cinq précédents films

 

Évoluant dans des décors naturels plutôt contemporains (escalade d'une paroi abrupte ; promenade sous-marine ; ville chinoise ; villa moderne ; bateau sur une mer agitée), mais cherchant à évoquer des thématiques verniennes dûment référencées, ces spots nous font découvrir les réalisations et prouesses techniques de ladite société. Et la conclusion, toujours la même, est alors : « C’est ça, la CGE ... mais ce n’est pas tout ! ».

Dans ces films, et dans les illustrations de la presse quotidienne régionale aussi, on peut constater [39] l’importance de l’éclairage, souvent vertical et de haut en bas ou de bas en haut (p. 46) ; mais aussi de la composition verticale de l’image et l’orientation de ses axes (vertical et/ou diagonal, p. 53).

On peut s'interroger sur les raisons des choix effectués : pourquoi tel roman, pourquoi telle illustration ? Sans doute peut-on imaginer l'équipe des communicants travaillant pour la CGE (réunis avec les dessinateurs pressentis ?), essayant de faire correspondre point par point la liste des œuvres de Jules Verne et la liste des sociétés du groupe CGE (avec leurs productions emblématiques). Si les titres portant un nom de héros (Mathias Sandorf, Hector Servadac, Michel Strogoff, Claudius Bombarnac, etc.) sont évidemment à proscrire, par contre (Robur) le conquérant conviendra parfaitement, puisque le thème choisi pour la campagne a été « l'esprit de conquête ». De même pour le câble sous-marin de la filiale ‛Les Câbles de Lyon’ (pourtant peu connue du grand public) : 20 000 Lieues sous les mers leur est bien sûr tout de suite venu à l'esprit ! D'autant plus que le film de Richard Fleischer (1954) a connu un grand succès, et reste sans doute dans les mémoires des membres de l'équipe [40].

D'autres films, au grand succès populaire, ont pu influencer les choix des thèmes publicitaires : Le Tour du monde en 80 jours (1956) [41], et aussi Voyage au centre de la terre (1959) [42]. Si on suppose que les dessinateurs et les communicants de CGE étaient, pour la plupart, des trentenaires à la date de la conception de la campagne publicitaire, ils avaient donc une dizaine d'années lors de la sortie de ces films ; c'est aussi l'âge où on commence, en général, à se passionner pour les romans de Jules Verne, découverts à cette époque dans l'Idéal-Bibliothèque ou dans la Bibliothèque verte, très accessibles, avec des illustrations spécifiques [43].  Mais alors, pourquoi ne pas avoir retenu le plus récent Les Tribulations d'un Chinois en Chine (1965) [44], pourtant interprété par notre 'Bébel' national, aux côtés d'Ursula Andress ? Quant à L’Île mystérieuse (1961), elle n'est reprise que dans un des petits films télévisés [45].

Si L’École des Robinsons n'est pas vraiment un « roman scientifique », ce titre a pu évoquer d'une part l'esprit d'aventure et de débrouillardise, et d'autre part l'éducation des ‛générations futures’, d'où son choix ? Et puis, alors que le roman posthume La Chasse au météore [46] a été retenu, pourquoi pas Le Rayon vert, ou L'Archipel en feu ?

Il semble assez évident que les illustrateurs participant à cette campagne publicitaire pour la CGE ont été influencés, au moins partiellement, par les gravures des éditions Hetzel (voir notamment la Figure 1, et les commentaires correspondants). S'ils n'avaient pas eu la chance de les contempler dans des éditions originales in-octavo, il faut rappeler que, dès 1966, la plupart des romans de Jules Verne avaient été réédités par Le Livre de Poche, permettant ainsi un accès facile et bon marché aux gravures. On peut donc imaginer l'équipe se procurer une collection de ces livres auprès d'un libraire, d'autant que depuis cette date la série des romans a été régulièrement ré-imprimée.

Se trouver face à une paroi montagneuse élevée, verticale et rocheuse, est un thème récurrent des illustrations de cette campagne publicitaire (Figures 4, 5 et 6), dans les films télévisés aussi. Une telle situation se trouve également dans de nombreuses planches gravées par Georges Roux, par exemple dans Maître du monde (1904) ou Le Phare du bout du monde (1905). Comme aurait dit Michel Ardan, le Français qui participe au voyage circumlunaire : per aspera ad astra.

Cette campagne CGE est à considérer dans la catégorie des ‘relations publiques’, dont le but est « de donner de l'organisation (…) une idée générale favorable » [47]. En effet, les résultats de cette privatisation furent très positifs, puisque « 2 400 000 particuliers devinrent actionnaires de la CGE, sans compter les (…) 101 500 salariés et retraités ». Puis, lors de la nouvelle cotation du titre, « la fixation du premier cours s'établit à 323 Francs » [48].

À partir d'avril 2014 cependant, la presse s’est fait le relais des discussions ouvertes entre Alstom (qui a entre-temps perdu son « h ») et General Electric (GE) ; ce dernier offrant 10 milliards d’Euros pour acheter les activités du groupe français dans le domaine de l’énergie [49]. Un nouveau rebondissement dans l’histoire compliquée et imbriquée de ces sociétés puisque Alsthom, rachetée en 1969 par CGE, a été créée en 1928 par la fusion de la Compagnie française Thomson Houston (une filiale française de GE) et de la Société alsacienne de constructions mécaniques. Mais GE, créée aux États-Unis en 1890 par Thomas Edison (1847-1931), était déjà présente en France depuis 1882, sous la forme de la Compagnie Continental Edison destinée à exploiter les inventions du célèbre ingénieur et contemporain de Jules Verne : notamment, l’ampoule électrique à incandescence et le téléphone [50]. Après de nombreuses péripéties et prises de positions politiques, le gouvernement français a finalement accepté le rachat par GE, pour 12,35 milliards d'Euros, de « l’essentiel des activités énergétiques d’Alstom, qui représentent 70 % [de son] chiffre d'affaires » [51]. Mais on apprenait simultanément que « Trop cher, le TGV ne fait plus rêver » [52], ce qui fragilise Alstom. Par ailleurs, ses ateliers commenceront en 2015 à produire les 238 éoliennes qui doivent équiper à partir de 2017 les trois parcs que la nouvelle société franco-américaine a décrochés avec EDF Energies Nouvelles [53], lui permettant de rester ainsi à la pointe des innovations technologiques ; c'est bien ce qui avait été promis en 1987 !

« Jules Verne a imaginé le XXIe siècle, Toshiba crée aujourd'hui et demain »

« Partageant avec Jules Verne la même ambition créatrice », la firme japonaise Toshiba, « dont l’histoire remonte à 1875 », « relève le défi du XXIe siècle » en créant dès la fin des années 1980 « les diverses technologies de demain ». Les débuts de cette firme correspondent donc à l'époque où paraissaient trois des romans les plus populaires de Jules Verne [54], qui totalisaient en 1904 près d’un quart du total des tirages ; les 8 romans précédents faisant, eux, un tiers des tirages [55].

Mais qu’en est-il de cette société [56], et de sa présence en France au moment du lancement de la campagne publicitaire qui nous intéresse ici ?

Dès la fin du XIXème siècle, le Japon commença à développer des industries électrotechniques : équipements télégraphiques, lampes électriques, générateurs de courant et émetteurs radio. Après un violent tremblement de terre (1923), dans un effort de reconstruction de l’industrie nationale les deux principales entreprises du secteur (industrie lourde et équipements pour particuliers) fusionnèrent en 1939 pour former Tokyo Shibaura Denki.

Durant la deuxième guerre mondiale, la demande de matériel de radio pour l’armée permit un développement rapide, interrompu par des bombardements détruisant les usines. Après la guerre, ce sont les équipements électriques domestiques qui permettent de reprendre les activités industrielles et commerciales. Puis les exportations se développent dans la deuxième moitié du XXème siècle, et la part du commerce international aussi. La société investit alors de plus en plus dans la recherche et le développement, notamment dans les ‘nouvelles technologies’ dont elle devient un leader mondial.

En 1984, la compagnie change son nom pour la forme raccourcie ‘Toshiba’, et simultanément diversifie et recentre ses secteurs de production et de commercialisation, notamment vers les semi-conducteurs et les ordinateurs individuels, tout en créant une série de filiales dédiées.

A partir de 1982, la distribution en France des produits ‘grand public’ de Toshiba est contrôlée en partie par l’homme d’affaires et politicien Bernard Tapie. La revente de la société NAVS (Nippon Audio Video System) à une nouvelle société Toshiba-France en 1985, dans des conditions contestées, donnera lieu à une « affaire Toshiba-France » [57] dont l’instruction commence le 9 Janvier 1992, pour éclater le 23 mai 1992, avant de se conclure par un non-lieu vis-à-vis de Bernard Tapie le 19 novembre 1992 [58].

Pour promouvoir ses technologies les plus variées (scanner médical, ordinateur compact, téléviseur et magnétoscope), à travers une campagne publicitaire parue en septembre et octobre 1987 dans Le Figaro Magazine, puis relayée en avril et mai 1988, Toshiba utilise une imagerie d'appartements au confort bourgeois typiques de la fin du XIXème siècle, habités par des savants en haut-de-forme (!), meublés de machines électriques aux curseurs et cadrans cuivrés. Tout cela est dessiné par Christian Jégou, qui illustre alors régulièrement des revues de vulgarisation scientifique. De tels intérieurs rappellent le salon du Nautilus, avec son orgue et sa bibliothèque, le reflet animé de la Stilla dans Le Château des Carpathes et évoquent même le trajet de l'obus cylindro-conique qui va De la Terre à la Lune, par exemple. Le tout représente une atmosphère que nous qualifions aujourd'hui de Steampunk [59].

Conformément aux remarques de Charles-Noël Martin [60], « les romans les plus célèbres ont été et restent immuablement ceux où le ton scientifique est le plus évident ». Les œuvres citées par la publicité (Vingt mille lieues sous les mers, De la Terre à la Lune), font effectivement partie des tirages les plus élevés, et dans l'inconscient collectif elles sont certainement associées avec les plus exactes prédictions de Jules Verne : d’une part, le premier sous-marin nucléaire qui passa sous le Pôle Nord a été baptisé Nautilus [61] ; d’autre part, le point de départ des fusées américaines vers la Lune, Cap Kennedy, est implanté en Floride comme Stone Hill [62] (pour se contenter de ces seuls détails).

Cependant, un décalage important existe entre les trois publicités illustrées et les œuvres verniennes citées.

 

Figure 12. Le Nouvel Economiste, no 610, 25 septembre 1987 ;
Le Figaro Magazine, 10 octobre et 31 octobre 1987 ;
L'Expansion, no 317, 9-22 octobre 1987 et no 319, 6-19 novembre 1987

 

Le scanner médical (Figure 12) est l'objet de la première publicité. Au premier plan à droite, une laborantine utilise un microscope, à côté de ballons et cornue, évoquant sans doute les travaux sur les microbes de Pasteur, un autre mythe de la science [63]. Derrière elle, sont accrochés au mur des clichés de radiographies par rayons-X (jambes, cage thoracique), dont on se souvient qu’ils ont été découverts en 1895 par W.C. Röntgen.

Au second plan, centré sur la double page du magazine, un ‘savant’ à barbe et lorgnon, en redingote et chapeau haut-de-forme (sic !) ainsi que son assistant (qui, lui, porte une blouse blanche) s’étonnent du fonctionnement des lampes à décharge branchées sur leur appareil générateur d’électricité et/ou de rayonnements — à moins qu’ils ne s'inquiètent de l’apparition, à gauche, du scanner médical tout auréolé de lumière. Le tout sur fond de bibliothèque luxueuse, de tentures, colonnes et statues de marbre ! Rien de spécialement rattaché aux œuvres de Jules Verne là-dedans, par contre une ambiance steampunk typique.

 

Figure 13. Le Nouvel Economiste, no 608, 11 septembre 1987 et no 609, 18 septembre 1987 ;
L'Expansion, n° 315, 11-24 septembre 1987 ; n° 316, 25 septembre-8 octobre 1987 et n° 320, 20 novembre-3 décembre 1987 ;
Le Figaro Magazine, samedi 3 octobre 1987

 

L'ordinateur compact (Figure 13) se situe au dernier étage d'un appartement luxueux (fauteuil style Louis XV, colonnades de marbre à feuilles d’acanthe dorées, plafond cloisonné avec caissons, tapis épais, etc.) où le même ‘savant’ à redingote et ses assistants (au premier plan à droite) surveillent le lancement d’un « obus cylindro-conique », et contrôlent probablement sa trajectoire à l’aide de machines aux cuivres rutilants et aux boiseries encaustiquées, équipées de cadrans, manettes, curseurs et lampes divers et variés. Visiblement, l’apparition de « la technologie de demain », à gauche de l'image, leur paraît pleine d’intérêt.

Cette fois le diptyque De la Terre à la Lune / Autour de la Lune est bien présent, par sa ‘navette spatiale’ bien reconnaissable [64].

Par contre, Jules Verne n’a jamais évoqué l'existence possible de l'ordinateur (surtout pas du portable, encore moins bien sûr de la tablette chère aux années 2010). À ce propos Jean Chesneaux, qui cherche à « réfléchir sur la modernité de Jules Verne, [donc] sur les Voyages extraordinaires en tant qu’esquisse[s] prémonitoires de notre modernité des années quatre-vingt, et sur notre société comme champ de réminiscence des anticipations verniennes », considère que l’auteur aurait probablement considéré cette technologie de façon négative, et qu’il en eût été « particulièrement inquiété », voire « bien probablement terrifié » [65].

 

Figure 14. Le Figaro Magazine, 17 octobre 1987 et 7 novembre 1987

 

Le téléviseur avec son magnétoscope (Figure 14) constituent le troisième et dernier volet de cette campagne publicitaire. Dans une autre pièce de son luxueux logis, notre ‘savant’ habituel règle le fonctionnement d’un appareil aux nombreuses lampes électroniques tandis qu’un assistant, au fond et au centre, surveille cadrans et curseurs. L’appareil est ici, au second plan à droite, une armoire métallique à boulons, avec un écran sur lequel apparaît une jeune femme évoquant Salomé exécutant la danse des 7 voiles, sous l’œil intéressé d’un autre homme en veste d’intérieur, vu de dos au premier plan, fumant un cigare dans son fauteuil de style Louis-Philippe.

Un précurseur de la télévision (ou de son équivalent [66]) apparaît chez Jules Verne dans Le Château des Carpathes (CC), une œuvre moins célèbre que celles citées dans la publicité, et de manière plus directe dans « La Journée d'un journaliste américain en 2889 », inspiré d'une illustration de Robida, dans Le Vingtième siècle [67]. Sans doute le ‘savant’ — dont on peut admirer (comme dans les deux autres publicités d’ailleurs) l’intérieur confortable (CC, p. 226) et les découvertes merveilleuses — est-il ici Orfanik, « un inventeur de premier ordre » (p. 214) dans le domaine de l’électricité (on ne parlait pas encore d’électrotechnique et encore moins d’électronique !). Son compagnon, vu ici de dos, est probablement Rodolphe de Gortz (CC, p. 227) et la danseuse, représentée « debout sur l'estrade, en pleine lumière, sa chevelure dénouée, ses bras tendus, admirablement belle dans son costume blanc » (CC, p. 228) ne peut être que la Stilla. Il ne manque que Franz de Télek, peut-être symbolisé par la télé (!?) selon un jeu de mots comme les aimait Verne [68].

En résumé, le ‘savant’ présent dans ces illustrations est sans nul doute typique de l’imagerie pseudo-vernienne que nous avons tous plus ou moins mémorisée. D’ailleurs, ici le savant est supplanté par « l’ingénieur [qui] fait de la recherche scientifique un moyen de progrès et non un but en soi » [69]. Toutefois, si le monde représenté est bien celui de la fin du XIXème siècle, époque où « l’emploi de l’électricité, qui est à juste titre considérée comme ‘l’âme de l'univers’, avait été poussé aux derniers perfectionnements » (CC, p. 213) en attendant ceux de la technologie du XXIème siècle, insistons sur le fait que l’argument publicitaire repose sur deux romans qui ne sont pas illustrés (ou à peine : l’obus partant pour la Lune), alors que la troisième illustration renvoie à un roman non cité, peut-être parce qu’il est moins célèbre ?

Reprenant à son compte l’assertion de McLuhan selon laquelle « Advertising is the greatest art form of the 20th century » [70], cette campagne publicitaire a été relayée 6 mois plus tard [71], en ré-employant les trois illustrations double-page de Christian Jégou, maintenant transformées en tableaux de maître (avec encadrement doré) accrochés aux murs d'un musée moderne et dépouillé, aux côtés de l'appareil Toshiba associé, qui constitue « L'Empreinte de Demain ». De construction identique, avec une dominante de couleur crème dans deux d’entre elles, ces publicités comportent toutes (Figure 15), sur un mur à gauche, le tableau original portant une plaque indiquant simplement ‘Jules Verne’. L'objet Toshiba qui « anticipe dès maintenant le troisième millénaire » se trouve sur un socle surélevé à droite, protégé par des cordons ; leur couleur dominante correspond aux couleurs primaires : jaune (scanner), bleu (téléviseur), rouge (ordinateur). Enfin, au centre et au fond de la salle d'exposition, en haut d’une volée d’escaliers, on aperçoit une sculpture contemporaine, dûment créditée aux artistes créateurs, dans la marge de l’illustration.

 

  
Figure 15.
 
Le scanner médical a paru dans
Le Nouvel Économiste, n° 645, 27 mai 1988.
 
L'ordinateur portable a paru dans
L'Expansion, n° 331, 15 avril-5 mai 1988 ;
Le Nouvel Économiste, n° 640, 22 avril 1988 et n° 643, 13 mai 1988.
 
Le téléviseur et son magnétoscope a paru dans
Le Figaro Magazine, 1 avril 1988 ;
Le Nouvel Économiste, n° 638, 8 avril 1988 et n° 641, 29 avril 1988

 

Comparant diverses présentations de la science vulgarisée [72], Daniel Jacobi rappelait (p. 160) que, à cette époque, le supplément hebdomadaire Le Figaro Magazine, imprimé en couleurs sur papier glacé, contient souvent une rubrique scientifique (reportage, entretien, ...) destinée à un lectorat que l’on peut qualifier en majorité de ‘CSP+’ (catégorie socio-professionnelle favorisée) [73]. Il précisait aussi (p. 169) que l’on y retrouve « un canevas narratif stéréotypé qui permet d’approcher la science par recours à une structure formelle banalisée ; des séries de schématisations (au sens des logiciens) susceptibles de favoriser la mise en relation de ce qui est déjà connu et de ce qui est nouveau ; des informations allusives et elliptiques que seuls des experts peuvent déchiffrer. » Pas étonnant donc d’y avoir trouvé la série des publicités Toshiba !

Les autres revues où ces deux séries de publicités ont été publiées sont, elles aussi, consacrées à l’économie et à la finance, et sont également destinées aux décideurs et autres membres de la CSP+. Les lecteurs de L’Expansion ou du Nouvel Économiste sont certainement, dès cette année 1987, des acheteurs de téléviseurs avec magnétoscope, de micro-ordinateurs personnels, et aussi de fours à micro-ondes ou de photocopieurs, autres fabrications de Toshiba citées dans le texte du bandeau inférieur des publicités. Mais aussi, sans doute plus que d’autres, ils peuvent être directement décideurs de l’achat d’un scanner médical, en tant que praticiens hospitaliers et/ou élus locaux.

Cette campagne de publicité Toshiba semble donc surtout avoir eu pour rôle de créer et/ou renforcer la connaissance de cette ‘nouvelle’ marque (voir plus haut), et « soutenir la bonne réputation de la firme pour favoriser ses ventes » [74], que ce soit pour le grand public (la télévision) ou pour les centres hospitaliers (le scanner) (cf. aussi les noms des diverses branches spécialisées de Toshiba : ‘Medical’, ‘Systemes’ et ‘Consumer Products’). Le message publicitaire en question « [attire] l’attention, [fait] identifier le produit et la marque, sans même avoir de contenu informatif » (p. 12) puisque l’illustration décrit des situations datées (début du XXème siècle), qui font plutôt appel à la culture générale du lecteur du magazine qui, vu sa catégorie socio-professionnelle favorisée et son âge moyen, a certainement été, enfant, un lecteur assidu des romans de Jules Verne.

Selon Armand Dayan, il est courant d’observer qu’une telle « firme multinationale désireuse de se donner une identité nationale le fait à travers la publicité institutionnelle », ce qui « sert aussi à valoriser la firme auprès de ses partenaires (fournisseurs, banquiers) [et] de son propre personnel » (p. 25). [75]

En 2014, on apprend que, tout en s’appuyant « sur des savoir-faire technologiques, dont certains sont hérités de ses métiers traditionnels », Toshiba a décidé de se réorienter vers … des productions végétales (!) en créant près de Tokyo un site de production de salades et d’épinards en hydroponie [76]. En effet, puisque « l’électroménager, les ordinateurs ou encore les téléviseurs connaissent des difficultés et font l’objet de restructurations », l’industriel a décidé de désormais privilégier ses « trois nouveaux ‘piliers’ (…) à savoir les semi-conducteurs, l’énergie et la santé ». Juste retour à Jules Verne, ou plutôt au capitaine Nemo, écologiste avant l’heure [77], pour qui « la mer fournit à tous [les] besoins », avec des mets « sains et nourrissants », mais également des vêtements… et des parfums de toilette [78].

Conclusion

Jules Verne, souvent considéré (à tort) comme anticipateur et prophète de la technologie des XXème et XXIème siècles, est devenu un mythe tenace [79]. Dans l'inconscient de nombreuses personnes, il est donc associé à l'anticipation de diverses techniques, qui en réalité pré-existaient parfois déjà en partie… et dont certaines sont plutôt à ranger dans le domaine des ‘fausses sciences’ [80]. Mais ce que l'on retient, de la lecture du texte (accompagné souvent de ses illustrations), ce sont en fait des « souvenir[s] déformant[s] » qui « comble[nt] des lacunes restées ouvertes dans l'horizon d'attente du lecteur d'autrefois » ; et quant aux gravures, elles « produisent un effet (…) d'étrangeté familière » [81]. Et les créateurs et illustrateurs des campagnes publicitaires présentées ici ne font bien sûr pas exception !

Comme Robert Pourvoyeur l'a déjà signalé [82], en fait Jules Verne s’est surtout intéressé à la géographie (« dans un sens très large »), et d’autre part à « cette branche de la physique que l’on nomme la mécanique, (…) avec les applications de la vapeur et de l’électricité ». Par ailleurs, celui que Jean-Michel Margot qualifie d' « archétype populaire » [83] « est devenu, malgré lui, un écrivain pour enfants et un prophète ». Il continue donc (et continuera sans doute) à être ainsi employé, notamment par les publicitaires, pour symboliser des innovations technologiques qui améliorent le bien-être et la santé avec Toshiba, mais aussi l'esprit d’aventure qui sous-tend le dynamisme d'un grand groupe industriel de l’énergie, des transports et des télécommunications comme la CGE.

Rappelons, pour finir, que Jules Verne n’a jamais été agent de publicité ! Mais il a été quelques temps agent de change (à partir de 1856, à l’époque de son mariage) ; et la publicité n’a-t-elle pas parfois pour but de donner le change ?

 

NOTES

[Sauf indication contraire, l’accessibilité de tous les sites Internet cités ici a été vérifiée lors de la rédaction de cette version finale, le 5 février 2015. Par ailleurs, les dates données pour les romans de Jules Verne renvoient à la première publication en volume dans la Bibliothèque d’Éducation et de Récréation, éditions in-18 de Hetzel — selon Simone Vierne, Jules Verne, collection Qui Suis-Je ?, Editions Pardès, Grez-sur-Loing, 2005, p. 122-123.]

  1. Éric Fottorino, « Le retour de l’alu », Le Monde, 24 novembre 1988, p. 1 et 34. ^
  2. ANVAR : L'Agence Nationale de Valorisation de la Recherche, établissement public à caractère industriel et commercial ; est devenue en Juillet 2005 la société anonyme Oséo-Anvar, puis Oséo-Innovation en Janvier 2007. Les actes de ce colloque n'ont jamais été officiellement publiés, mais reproduits seulement en nombre limité d'exemplaires multigraphiés. ^
  3. Exposition 1984 vu par Jules Verne, du 6 Juin au 13 Juillet 1984, FNAC, Forum des Halles, Paris. ^
  4. Christian Robin, « Jules Verne et la presse », p. 87-108 dans Jules Verne, Cent ans après (Colloque de Cerisy), sous la direction de Jean-Pierre Picot & Christian Robin, Terres de Brume, Rennes, 2005. ^
  5. François Angelier, Album Jules Verne, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris, 2012, p. 7 (dans l’Avant-Propos). ^
  6. Éric Weissenberg, « Chromos et photos publicitaires sur le thème de Jules Verne », Bulletin de la Société Jules Verne, 145, p. 43-55 (2003) ; et références citées. ^
  7. Jean-Michel Margot, « Un archétype populaire : Jules Verne », Verniana 6, p. 81-92 (2013-2014). ^
  8. Voir par exemple : www.marieclaire.fr/,phileas,725211.asp . ^
  9. François Angelier, op. cit., note 5, illustration n° 166, p. 159. ^
  10. morastylos.com/stylos/editions-limitees/montblanc/ecrivain/plume/2003-jules-verne.html , par exemple. ^
  11. Marc Arabyan, La Mise en page des pages de publicité. Éditions Lambert-Lucas, Limoges, 2008 [2006]. ^
  12. Partie rédigée essentiellement d’après le site http://www.answers.com (rubrique ‘Alcatel Alsthom Compagnie Générale d'Electricité’, consultée le 18 Février 2012) et le Dictionnaire Historique des Patrons Français, sous la direction de Jean-Claude Daumas, Flammarion, Paris, 2010 (pp. 49-51, 618-620, 854) ; voir aussi l'article de Françoise Vaysse, « La privatisation de la CGE : Quatre-vingt-neuf ans de participations », Le Monde, 12 mai 1987, p. 33 et 35. ^
  13. C’est aussi l’année de la découverte du Radium par Marie & Pierre Curie. ^
  14. Claire Blandin, « Une opération-test pour la politique de privatisation ». Le Monde, 9 mai 1987, p. 19. ^
  15. Le lecteur souhaitant une comparaison des pratiques de privatisation en France et au Royaume-Uni dans les années 1980, pourra consulter par exemple : T. Jenkinson & C. Mayer, «The privatisation process in France and the U.K.», European Economic Review 32, 482-490 (1988). ^
  16. Selon le site http://www.edubourse.com, il s’agit d'un terme, plus ou moins révolu maintenant, mais longtemps utilisé dans les banques et les médias, et qui désignait un client lambda représentatif de l’ensemble de la clientèle, à qui il était assez simple de vendre des produits financiers. Cette mythique ‘veuve de Carpentras’ était supposée avoir hérité du patrimoine de son mari et ne pas avoir les compétences nécessaires pour aller à l’encontre des conseils (plus ou moins judicieux ?) de son banquier. ^
  17. Le lecteur intéressé par des détails complémentaires sur les aspects industriels et financiers de cette opération de privatisation, pourra se reporter au livre de Pierre Suard, L’Envol saboté d’Alcatel-Alsthom, France-Empire, Paris, 2002, et plus particulièrement au Chapitre III « La Privatisation de la CGE » (passim), également disponible sur le blog officiel de son auteur (http://pierre-suard.com/post/La-Privatisation-de-la-CGE) ; et bien sûr à la Note d’information abrégée sur le Groupe CGE (32 pages, Avril 1987) visée par la Commission des Opérations de Bourse (visa n° 87-120a) — ou même à la Note d’Information complète (visa COB n° 87-120). ^
  18. Jean Gloaguen, « Privatisations : et de dix ! », Le Nouvel Économiste n°  592 (15 Mai 1987), p.  28-30. ^
  19. Publiée dans la rubrique ‘Communication Financière’ du Nouvel Économiste, n° 587 (10 Avril 1987), p. 88. ^
  20. Dans une autre note d’information, publiée dans la rubrique ‘Communication Financière’ du Nouvel Économiste, n° 593 (22 Mai 1987), p. 50. Rappelons qu’on est alors en pleine campagne de privatisation… Quelques mois après, la CGE annoncera que le chiffre d’affaires au cours du premier semestre 1987 « s’est élevé à 56,6 milliards de Francs », soit une « progression de 60 % par rapport à (…) l’exercice précédent. » [Le Nouvel Économiste, n° 605 (21 Août 1987), p. 49]. ^
  21. François Koch, « L’Art de séduire les actionnaires », Le Monde, Supplément Affaires, 8 mai 1987, p. 14. ^
  22. Pierre Suard (op. cit. note 17) donne, lui, le chiffre de 64 MF pour le coût de cette campagne de publicité. ^
  23. L’intertextualité, c’est la « présence effective d’un texte dans un autre », selon Gérard Genette, Palimpsestes-La littérature au second degré, collection Points-Essais n° 257, Seuil, Paris, 1992 [1982], p. 8. Toutefois, pour être effective cette présence doit donc être perceptible, d’où la « possibilité d’identifier ce texte comme autre et de déterminer son origine », comme Daniel Compère y insiste justement : D. Compère, « La Coquille Sénestre, ou le voyage extraordinaire de Jules Verne dans la littérature », p. 161-182 dans Jules Verne, Cent ans après (Colloque de Cerisy), sous la direction de Jean-Pierre Picot & Christian Robin, Terres de Brume, Rennes, 2005. (ma citation est p. 179). ^
  24. Marc Arabyan, op. cit. note 11, p. 57-67. ^
  25. Je me base ici sur ma collection personnelle d’extraits du quotidien Le Monde, et sur les films télévisés disponibles sur le site Internet de l'INA (Institut National de l'Audiovisuel). ^
  26. Jules Verne, Vingt mille lieues sous les mers, Hetzel, Paris, 1869-1870 ; Livre de Poche, n° 2033, Hachette, Paris, 1986. ^
  27. Voir par exemple : http://www.cite-telecoms.com/fr/cite-des-Telecoms-200ans-cables-telephoniques-sousmarins et http://www.lajauneetlarouge.com/article/les-cables-sous-marins-coeur-des-reseaux-de-telecommunications . ^
  28. Leur voyage donnera lieu à la publication en 1871 du roman Une ville flottante. ^
  29. Jules Verne, De la Terre à la Lune, Hetzel, Paris, 1865 ; Livre de Poche, n° 2026, Hachette, Paris, 1977. ^
  30. Pour ce qui concerne la purification de l’air et sa régénération, par des méthodes chimiques tout à fait en accord avec les connaissances les plus récentes de l'époque, et qui seront utilisées dans la réalité 100 ans plus tard, voir : Jean-Claude Bollinger, « Littérature & Chimie : Jules Verne, et la Chimie au service de la respiration des astronautes », L’Actualité Chimique, p. 303-305 (juillet/août 1992). ^
  31. David Larousserie, « Rachid Yazami — chimiste électroactif », Le Monde, mercredi 12 mars 2014, supplément Science et Médecine, p. 7. ^
  32. Voir par exemple, en mars 2014, les articles suivants sur les sites respectifs du Figaro (http://www.lefigaro.fr/culture/2014/03/18/03004-20140318ARTFIG00145-les-sms-ne-seraient-pas-une-menace-pour-l-orthographe-mais-l-etude-est-sujette-a-caution.php#) et de Libération (http://www.liberation.fr/societe/2014/03/18/les-sms-ne-sont-pas-une-menace-pour-l-orthographe-des-adolescents_987973). ^
  33. Corinne Lhaik, « Ce que le Minitel va changer (entretien avec Marc Guillaume) », Le Nouvel Observateur, n° 1169 (3-9 avril 1987), p. 58. ^
  34. Geoffroy Husson, « Le Minitel, ‘faux frère’ d’Internet, ferme définitivement », sur le site du Monde, daté du 29 Juin 2012 : http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/06/29/le-minitel-faux-frere-d-internet-ferme-definitivement_1718808_651865.html . ^
  35. Le texte de la chanson du générique de la version française, diffusée pour la première fois en 1965 sur la 1ère chaîne de télévision, est : « Un cavalier, qui surgit hors de la nuit / Court vers l’aventure au galop / Son nom, il le signe à la pointe de l’épée / D’un Z qui veut dire Zorro ». ^
  36. Jules Verne, Les Tribulations d'un Chinois en Chine, Hetzel, Paris, 1879 ; Livre de Poche, n° 2030, Hachette, Paris, 1966. ^
  37. Sarah Belouezzane & Harold Thibault, « Alcatel-Lucent va participer au déploiement du réseau 4G de China Mobile », Le Monde, samedi 29 mars 2014, Cahier Eco&Entreprise, p. 3. ^
  38. Dans Le Monde, il s’agit toujours de la page 4, sans doute particulièrement bien placée pour être repérée par les souscripteurs éventuels ? Alors que la même campagne se trouve à la dernière page de Libération : y aurait-il des différences de structure de lecture selon les lectorats de ces 2 quotidiens ? ^
  39. Marc Arabyan, op. cit. Note 11 : il utilise les termes cinématographiques de plongée et de contre-plongée. ^
  40. Twenty Thousand Leagues under the Sea, long métrage américain (durée : 1 h 40 min env.), en couleurs, produit par Walt Disney Pictures, réalisé par Richard Fleischer (1954) ; avec  Kirk Douglas (Ned Land), James Mason (le capitaine Nemo), Paul Lukas (le professeur Pierre Aronnax / le narrateur), Peter Lorre (Conseil). ^
  41. Around the World in Eighty Days, long métrage américain (durée : 2 h 47 min env.), en couleurs, produit par United Artists, réalisé par Michael Anderson (1956) ; avec David Niven (Phileas Fogg), Mario Moreno (Passepartout), Shirley MacLaine ( Aouda), Robert Newton (Fix). ^
  42. Journey to the Centre of the Earth, long métrage américain (2 h 12 min env.), en couleurs, produit par 20th Century Fox, réalisé par Henry Levin (1959) ; avec James Mason (Oliver Lindenbrook [sic !]), Pat Boone (Alec McEwen), Diane Baker (Jenny), Arlene Dahl (Carla Goetaborg), Thayer David (le comte Saknussem). ^
  43. Philippe Burgaud & Jean-Michel Margot, « Jules Verne chez Hachette de 1914 à 1950 », Verniana 6, 1-42 (2013-2014) ; voir en particulier p. 30-33. ^
  44. Les Tribulations d'un Chinois en Chine, long métrage franco-italien (1 h 50 min env.), en couleurs, co-produit par Les Films Ariane et A.A.A., réalisé par Philippe de Broca (1965) ; avec Jean-Paul Belmondo (Arthur Lempereur), Ursula Andress (Alexandrine Pinardel), Valérie Lagrange (Alice Ponchabert), Jean Rochefort (Léon), Maria Pacôme (Suzy Ponchabert). ^
  45. Mysterious Island, long métrage britannique (1 h 41 min env.), en couleurs, produit par Columbia Pictures, réalisé par Cy Endfield (1961) ; avec Michael Craig (Cyrus Harding), Michael Callan (Herbert Brown), Joan Greenwood (Lady Mary Fairchild), Gary Merrill (Gideon Spilett), Herbert Lom (Capitaine Nemo), Beth Rogan (Elena Fairchild), Percy Herbert (sergent Pencroft), Dan Jackson (caporal Neb Nugent). ^
  46. La version originale de Jules Verne, épurée des retouches et modifications de Michel Verne, venait alors juste d'être établie et publiée par Olivier Dumas. Voir sa Préface, p. 9-20 dans l'édition Folio n° 4035, Gallimard, Paris, 2004. ^
  47. Armand Dayan, La Publicité, Que Sais-Je ? n° 274, Presses Universitaires de France, Paris, 2003 [1985], p. 115. ^
  48. Pierre Suard, op. cit. note 17, passim. ^
  49. Isabelle Chaperon & Cédric Pietralunga, « L’État s'invite dans les discussions entre Alstom et General Electric », Le Monde, samedi 26 avril 2014, Cahier Eco&Entreprise, p. 3 ; Isabelle Chaperon & Cédric Pietralunga, « Alstom : L’État choisit GE et prend 20 % du capital », Le Monde, dimanche 22 – lundi 23 juin 2014, Cahier Eco&Entreprise, p. 3. ^
  50. Denis Cosnard, « General Electric — une histoire française », Le Monde, mercredi 30 avril 2014, Cahier Eco&Entreprise, p. 2. ^
  51. AFP, « Bercy autorise le rachat d'une part d’Alstom par General Electric », sur le site de Libération en date du 05 novembre 2014 : http://www.liberation.fr/economie/2014/11/05/bercy-autorise-le-rachat-d-une-part-d-alstom-par-general-electric_1136509 . ^
  52. 52. Denis Cosnard, « Trop cher, le TGV ne fait plus rêver », Le Monde, vendredi 21 novembre 2014, Cahier Eco&Entreprise, p. 2. ^
  53. Jean-Michel Bezat, « Alstom lance la filière française de l’éolien de mer », Le Monde, jeudi 4 décembre 2014, Cahier Eco&Entreprise, p. 5. ^
  54. Le Tour du monde en quatre-vingts jours (1873) ; L’Île mystérieuse (1875) ; Michel Strogoff (1876). ^
  55. Charles-Noël Martin, Recherches sur la Nature, les Origines et le Traitement de la Science dans l’Œuvre de Jules Verne, Thèse de Doctorat, Université Paris VII, 1980, p. 213-215. On trouvera des compléments sur ce sujet dans Volker Dehs, « Les tirages des éditions Hetzel — Une mise au point », Revue Jules Verne 5, 89-94 (1998). ^
  56. Les principales étapes du développement de Toshiba sont rédigées à partir des renseignements disponibles sur le site officiel : https://www.toshiba.co.jp/worldwide/about/history.html . ^
  57. Voir par exemple : Patrick Lamm, « Bernard Tapie convoqué par la justice dans l’affaire Toshiba-France », Les Échos, n° 16125, p. 8 (23 avril 1992) ; Hervé Gattegno, « Une facture de trop… », Le Nouvel Observateur, n° 1438, p. 58-60 (28 mai-3 juin 1992). ^
  58. Nommé Ministre de la Ville du gouvernement Bérégovoy en avril 1992, Bernard Tapie démissionnera en mai lorsqu’il est mis en cause ; puis il réintègrera le gouvernement en décembre. ^
  59. Le steampunk est un genre littéraire dont l'époque victorienne fournit les caractéristiques et l'esthétique. Le terme a été crée par l'écrivain de science-fiction Kevin Wayne Jeter en 1987 dans une lettre envoyée en avril au magazine Locus : « ...I think Victorian fantasies are going to be the next big thing, as long as we can come up with a fitting collective term... like "steampunks", perhaps... » (« ...Je pense que la fiction basée sur l'époque victorienne va être le prochain grand truc, pour autant que nous puissions trouver un terme approprié... comme "steampunks", peut-être... »). Voir l'article steampunk de wikipedia, Jeff Vandermeer, The Steampunk Bible, Abrams Image, New York, 2011, 224 p. et Etienne Barillier & Arthur Morgan, Le Guide Steampunk, ActuSF, Paris, 2013, 308 p. ^
  60. Charles-Noël Martin, Thèse, op. cit. note 55, p. 69. ^
  61. Maurice Arvonny, « Il y a trente ans : la croisière du Nautilus sous le Pôle Nord », Le Monde, 7-8 août 1988, p. 2. ^
  62. Brochure de l’exposition 1984 vu par Jules Verne, op. cit. note 3. ^
  63. Claire Salomon-Bayet et coll., Pasteur et la Révolution Pastorienne, Payot, Paris, 1986. ^
  64. Cf. par exemple l’illustration p. 241 dans la réédition du Livre de Poche, op.cit. note 29. ^
  65. Jean Chesneaux, « Jules Verne et la modernité : des Voyages extraordinaires à nos années quatre-vingt », p. 55-66 dans Modernités de Jules Verne, Études réunies par Jean Bessière, Presses Universitaires de France, Paris, 1988. Mes citations sont respectivement p. 55-56, 64 et 63. ^
  66. À moins qu’il ne s'agisse d'un hologramme ? Cependant, selon François Raymond il s’agirait tout simplement d’un artifice de théâtre bien connu et décrit à l’époque, réalisé à l’aide d’une glace sans tain : voir la note n° 6, page 35, dans Patrick Avrane, La demande, p. 15-37 dans Série Jules Verne n° 7, « Voir du feu — Contribution à l’étude du regard », sous la direction de Christian Chelebourg, Revue des Lettres Modernes, n° 1193-1200, Minard, Paris, 1994 ; et Noël Mauberret, « Chambres obscures dans Le Château des Carpathes de Jules Verne », p. 139-148 dans Série Jules Verne n° 8, « Humour, ironie, fantaisie », sous la direction de Christian Chelebourg, Revue des Lettres Modernes n° 1668-1672, Minard, Paris, 2003. ^
  67. Jules Verne, Le Château des Carpathes, Hetzel, Paris, 1892 ; p. 226-232 et 238-239 dans la réédition du Livre de Poche n° 2031, Hachette, Paris, 1986.
    Albert Robida, Le Vingtième siècle, Georges Decaux, Paris, 1883. La description du « téléphonoscope » commence à la page 55. ^
  68. Même si cet exemple n’est pas évoqué (et pour cause !) par Marc Soriano, Jules Verne (le cas Verne), Juillard, Paris, 1978 (voir son Index des calembours, p. 327-360). ^
  69. Alain Froidefond, « L’ingénieur et le sorcier », p. 19-32 dans Série Jules Verne n° 6, « La Science en Question », sous la direction de François Raymond, Revue des Lettres Modernes n° 1083-1092, Minard, Paris, 1992. ^
  70. Marshall McLuhan, Advertising Age, September 3, 1976. ^
  71. C’était en avril/mai 1988. On est alors, en France, en pleine campagne pour l’élection du Président de la République, avec (entre autres !) l’affrontement Chirac / Mitterrand, qui se conclura par la réélection de ce dernier. ^
  72. Daniel Jacobi, La Communication Scientifique : Discours, Figures, Modèles, PUG (Presses Universitaires de Grenoble), St-Martin d'Hères, 1999. ^
  73. D’après le site definitions-marketing.com, les CSP+ regroupent les chefs d’entreprises, les artisans et commerçants, les cadres, les professions intellectuelles supérieures et les professions intermédiaires. Les CSP+, qui représentent environ 23 % de la population française, sont une cible privilégiée des actions marketing à cause de leur pouvoir d’achat et de leurs modes de consommation. Les supports publicitaires touchant spécifiquement les CSP+ peuvent notamment pratiquer des tarifs plus élevés que la moyenne. ^
  74. Armand Dayan, op. cit. note 47, p. 8. ^
  75. Je dois ici signaler que, malgré plusieurs tentatives de contact avec Toshiba France en 2013-2014, je n’ai jamais pu obtenir aucune information sur les retombées de ces deux campagnes publicitaires associées, par exemple en terme d’augmentation des ventes pour les trois catégories de produits présentés. ^
  76. Philippe Mesmer, « Toshiba adopte le régime ‘légumes’ », Le Monde, 19 juillet 2014, Cahier Eco&Entreprise, p. 2. ^
  77. Jean-Claude Bollinger, « Jules Verne était-il écologiste ? », Bulletin de la Société Jules Verne 88, 41-42 (1988) ; Laurence Sudret, « Jules Verne, un écologiste avant l’heure », Bulletin de la Société Jules Verne 158, 25–36 (2006). ^
  78. Vingt mille lieues sous les mers, p. 102-103. ^
  79. Charles-Noël Martin, Thèse, op. cit. note 55, p. 73-81. ^
  80. Olivier Dumas, « Verne et la science », p. 335-345 (assim) dans Jules Verne, Cent ans après (Colloque de Cerisy), sous la direction de Jean-Pierre Picot & Christian Robin, Terres de Brume, Rennes, 2005. ^
  81. Jean-Pierre Picot, « Jules Verne est-il un auteur de science-fiction ? », p. 429-458 (passim) dans Jules Verne, Cent ans après (Colloque de Cerisy), sous la direction de Jean-Pierre Picot & Christian Robin, Terres de Brume, Rennes, 2005. (mes citations sont p. 437 et 442 ; les italiques sont de l'auteur). ^
  82. Robert Pourvoyeur, « Réflexions sur l’esprit scientifique de Jules Verne », Bulletin de la Société Jules Verne 35/36, 83-91 (1975). ^
  83. Jean-Michel Margot, op. cit. note 7. ^

 

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier Jean-Roger Rouffignac, responsable du service Reprographie à la Faculté de Droit et des Sciences Économiques, Université de Limoges, qui a bien voulu réaliser les reproductions électroniques de mes documents originaux. Remerciements également à tous les personnels de la Bfm (Bibliothèque francophone multimédia, Limoges) et des diverses sections du SCD (Service Central de la Documentation) de l'Université de Limoges, qui m'ont facilité l'accès à de nombreux livres et périodiques de leurs collections ; plus particulièrement, je suis redevable à François Jougleux, responsable du PEB (service de prêts entre bibliothèques) à la Bibliothèque Universitaire de la Faculté des Sciences, qui m'a régulièrement fourni des articles parus dans des revues variées. Enfin, je dois ma chaleureuse reconnaissance à Jean-Michel Margot, d'une part pour ses judicieux conseils pour améliorer mon texte initial, et d'autre part pour sa patience en vue de mettre en forme l'article que vous venez de lire.

 

 

Jean-Claude Bollinger (jean-claude.bollinger@unilim.fr ; jc.bollinger@orange.fr) est Professeur Émérite à l’Université de Limoges, où il a enseigné la Chimie à la Faculté des Sciences, parfois en faisant référence à diverses œuvres littéraires. Il est co-auteur de plus de 100 publications scientifiques dans des revues internationales avec comité de lecture, notamment dans le domaine de la chimie de l’environnement. Il a également publié plusieurs articles sur les interactions entre la chimie et la littérature, en particulier sur Raymond Queneau (« Le Chant du Styrène »), Primo Levi (« Le Tableau Périodique »), Isaac Asimov, et sur Jules Verne (thématiques : écologie, et exploration de l'espace) ; tous ces articles sont disponibles librement sur le site d’archives en ligne du CNRS (https://hal.archives-ouvertes.fr/) ou sur demande à l’auteur. ^