Une année après la parution de son premier volume, Verniana lance son deuxième rejeton et raffermit la voie ouverte en 2008. Fidèle à son but d’offrir aux lecteurs des textes originaux et inédits, Verniana 2 présente un éventail d’articles très divers. Nous sommes particulièrement heureux d’accueillir quelques contributions de la conférence Eaton à Riverside (Californie) de 2009. Cette conférence, consacrée à l’œuvre de notre écrivain, a été la première du genre aux Etats-Unis, et méritait de ce fait une mention spéciale. La suite avec d’autres contributions de cette même conférence est prévue dans Verniana 3.
Parmi les auteurs de Verniana 2, des noms nouveaux dans la recherche vernienne côtoient ceux de pionniers en la matière, présentant des sujets variés et des approches diverses de cette recherche, prouvant qu’il reste encore beaucoup à dire au sujet de Jules Verne et de son œuvre. Aux recherches bio-bibliographiques se joignent des analyses consacrées à des œuvres particulières et à des aspects très spéciaux. Parfois, les perspectives étonneront sans doute – comme par exemple celles qui cernent le personnage de l’inépuisable$ capitaine Nemo. Tout en restant un élément constitutif et incontournable des Voyages extraordinaires, le maître du Nautilus s’est détaché depuis longtemps déjà de son contexte original pour inspirer et prendre des identités nouvelles dans tous les genres, y compris la psychothérapeutique pour les enfants ! [1] Il serait, à mon avis, erroné de voir dans la multitude des approches une manifestation de l’arbitraire. Avec les temps qui changent, les manières de percevoir et d’interpréter les sujets littéraires se modifient aussi, comme les éléments d’un kaléidoscope qui présentent toujours des éléments recomposés dont certains résultats ne laissent pas de surprendre par leur aspect inattendu.
Une publication comme Verniana peut également témoigner du fait que la diversification des approches a non seulement une dimension temporelle, mais aussi spatiale. Il n’est pas surprenant que l’œuvre de Verne, internationale par excellence, soit perçue de manière différente au sein de traditions culturelles et sociales qui ne sont pas les mêmes en France, en Roumanie, en Tunisie, aux Etats-Unis ou en Inde. Il suffit parfois de confronter les vues provenant de différents coins du monde sur le même sujet pour s’apercevoir que cette confrontation même peut apporter du nouveau. Certes, nous sommes encore au début de la réalisation du vœu de Zvi Har’El qui était de mettre en pratique une revue vraiment internationale, mais la perspective est prometteuse et la publication est jeune encore…
Voici donc le deuxième volume bouclé, et comme il s’agit d’ores et déjà de penser au troisième, je tiens à faire à nos lecteurs et éventuels auteurs deux suggestions. Un produit accessoire, mais bien intéressant des dernières années a été de confronter l’œuvre de Jules Verne à celle de ses prédécesseurs, contemporains et successeurs dont beaucoup de noms avaient risqué de tomber dans un oubli pas toujours justifié. Je me contente de nommer explicitement Albert Robida, Alphonse Brown, André Laurie, Paul d’Ivoi et Louis Boussenard, pour rester dans le domaine francophone. [2] L’étude de ces auteurs serait certainement profitable pour accorder un nouveau sens à cette « réévaluation », si souvent réclamée pour Jules Verne.
Cette réévaluation ne consisterait donc pas seulement à placer l’auteur des Voyages extraordinaires sur le piédestal étroit, déjà occupé par ses grands confrères et compatriotes comme Hugo, Flaubert, Proust, etc. – au détriment de bien d’autres ; ceci ne perpétuerait qu’une pratique devenue obsolète. L’approche novatrice serait plutôt de remettre son nom dans le contexte de la littérature dédaignée comme populaire dont les manifestations multiples ont été ignorées à plus de 90 % par la critique littéraire. En effet, il s’agirait de mieux définir en quoi Jules Verne se démarquerait de ses confrères qui ont essayé d’exploiter le(s) même(s) genre(s) que lui. La hiérarchisation dans les arts, dans la musique et les lettres, lorsqu’elle réclame occuper un statut immuable, m’a toujours paru être un contre-sens qui nous a privés et nous prive encore de maintes découvertes intéressantes.
La deuxième suggestion va plutôt dans le sens inverse. L’année du centenaire de 2005 nous a apporté une telle avalanche de publications sur Jules Verne – non seulement en langue française ! – que même les spécialistes ont du mal à séparer le bon grain de l’ivraie. Cette avalanche ayant eu une existence éphémère dans le commerce, elle a malheureusement entraîné avec elle de nombreuses publications qui mériteraient toujours une appréciation critique. Notre rubrique consacrée aux « comptes rendus » est encore assez modeste, mais elle est ouverte et reste prête à remédier à ce manque, d’autant plus que la lacune n’est pas comblée par les autres revues, nationales, consacrées à Jules Verne.
« Forüt ! fit tranquillement le guide.
– En avant ! » répondit mon oncle. » (Voyage au centre de la Terre, ch. XVI)
NOTES
- En effet, la thérapeute allemande Ulrike Petermann a fait entrer le capitaine Nemo depuis plus de vingt ans dans son travail, comme en témoigne son livre Die Kapitän-Nemo-Geschichten. Geschichten gegen Angst und Stress (Freiburg : Herder 2001, 2005). ^
- Voir deux numéros spéciaux de la revue Le Rocambole. Bulletin des amis du roman populaire n° 30, printemps 2005 (« Dans le sillage de Jules Verne ») et n° 32, automne 2005 (« Les cousins de Jules Verne ») ainsi que plusieurs études in Science Fiction Studies et le recueil Les Contemporains de Jules Verne. Aux frontières de la légitimation littéraire. Dossier établi par Daniel Compère et Arnaud Huftier. Revue Lez Valencienne n° 40, PUV 2007. ^